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3 Les politiques publiques en direction du sport professionnel : objectifs, leviers d’action et

3.4 Préserver l’ordre public dans toutes ses composantes

L’ordre public, appliqué au domaine du sport professionnel, présente plusieurs facettes. La plus évidente a trait à la prévention de la violence lors des manifestations sportives. Mais d’autres aspects sont également importants, en particulier la lutte contre le dopage et la lutte contre les fraudes liées aux paris sportifs.

Le domaine de l’ordre public a l’avantage, par rapport à d’autres, de pouvoir être plus aisément quantifiable quant aux résultats obtenus. C’est ainsi que le recensement des comportements violents, principalement dans les stades de football ou à l’occasion d’événements liés au football, est effectué par la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) de la DGPN, mesuré principalement par le nombre d'interpellations. Le rapport portant sur la saison 2011-2012 en L1 et en L2 révèle une baisse des incidents, repérés par le nombre total d’interpellations (718) par rapport à 2010-2011. La plupart (597) concernent la Ligue 1 de football ; bon nombre de ces interpellations (333) se font dans l’enceinte même des stades.

Les mesures prises à l’encontre des utilisateurs de fumigènes ou engins détonants expliquent cette évolution, ainsi que l’usage fréquent des interdictions de stade (413 personnes interdites, dont 290 à titre administratif à la fin de la saison 2012/2102). Du coup, selon la DNLH, ces bons résultats auraient permis de réduire de 30 % le nombre d’unités de police engagées pour les matchs.

Des statistiques semblables émanent de la LFP qui abrite (au sein du service stades de la direction des activités sportives), un observatoire de la sécurité du football professionnel. La

63 Pas d’étude sur les retombées d’achat de prestations par le département des Bouches-du-Rhône, sur les subventions accordées à l’Aviron Bayonnais, au Rugby club Toulonnais ou au club de football du SM Caen.

64 Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels, décembre 2009, pp. 27-28.

65 À l’exception du président de la communauté d’agglomération de Montpellier, qui n’a pu honorer le rendez-vous pris lors de la visite de la mission.

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dernière communication effectuée sur le sujet, qui réunit les données relatives à la sécurité et aux affluences des championnats de Ligue 1 et Ligue 2, date de la saison 2010/2011 et relevait déjà une baisse significative du nombre d’engins pyrotechniques utilisés ainsi que des jets d’objets. Les chiffres ont en effet été divisés de presque moitié en Ligue 1 (passant de 1 776 à 933 par rapport à la saison précédente). La diminution des jets d’objets serait plus nette encore, leur nombre étant divisé par dix par rapport à la saison précédente en Ligue 1, et quasiment nul en Ligue 2. La LFP fait état, corrélativement, d’une baisse importante du montant des amendes infligées aux clubs de Ligue 1 et Ligue 266, et mentionne également une utilisation plus parcimonieuse des effectifs des forces de l’ordre mobilisées sur les rencontres de Ligue 1 - qui seraient en baisse de 11 % par rapport à la saison 2009/2010 et de 7 % pour les matchs de Ligue 2.

Ceci observé, le football continue à présenter une occurrence élevée d’incidents graves ; la saison 2012/2013 n’a pas fait exception, au contraire. Une large couverture a été accordée par les médias aux événements qui ont accompagné (13 mai 2013) la remise du trophée de champion de France au club parisien sur l’esplanade du Trocadéro – qui ne fait que confirmer les craintes des spécialistes sur l’effet de report vers les abords des stades, ou vers l’espace urbain, des phénomènes déviants ou délinquants liés à ce sport.

Les incidents graves s’accompagnent de sanctions sportives dirigées contre les clubs (amendes, retrait de points, match à huis clos, interdiction de déplacements), qui ne devraient pas faiblir, compte tenu du coût élevé pour la collectivité du traitement de ces incidents par les forces de l’ordre. Celles-ci ne doivent plus seulement assurer un service de précaution les soirs de rencontre, mais encore intervenir parfois dans de véritables batailles rangées, soit dans les stades, soit aux abords des stades, soit même en tout point du territoire comme l’ont montré les faits de violence entre membres lyonnais et marseillais de la mouvance « ultras » se rencontrant fortuitement sur une aire d’autoroute (18 mai 2013).

Les clubs professionnels ont le sentiment de payer un montant élevé pour assurer la sécurité des manifestations sportives, affirment même parfois payer « la totalité de la sécurité ». Cette dernière affirmation est inexacte. S’il est vrai que les clubs assurent, par un effectif de stadiers présents les soirs de rencontre sportive, l’accueil et la sécurité de premier niveau dans les stades, l’État reste le premier pourvoyeur de forces soit pour assurer des interventions plus techniques dans les tribunes (sections d’intervention rapide, relevant de la DDSP, qui effectuent les interpellations), soit pour faire cesser des troubles graves, les forces mobiles étant alors priées d’intervenir comme cela a été vu encore à l’automne dernier : lors d’OM-Fenerbaçhe en Ligue Europa (22 novembre 2012), l’intrusion massive de supporteurs stambouliotes hors de la tribune réservée aux visiteurs dans le stade Vélodrome a conduit à l’intervention de policiers des compagnies républicaines de sécurité pour faire cesser des bagarres et réduire les points de fixation67. La seconde mi-temps s’est déroulée avec une zone « entraîneur » protégée de la tribune principale par un cordon de CRS : les stadiers ne pouvaient suffire à traiter une telle situation délicate.

En réalité, les clubs professionnels supportent seulement une fraction du coût lié à l’ordre public, à travers une facturation qui leur est adressée68. Le reproche est souvent formulé par les clubs d’être ainsi exposés à une dépense correspondant à un dispositif dont le

66Montant total des amendes passant de 900 000 € en 2009/2010 à 350 000 € en 2010/2011.

67 Principalement dans le virage Nord et en tribune Jean-Bouin.

68 Le principe de cette participation est fixé par les décrets n°97-199 du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police nationale et de gendarmerie nationale, et n° 2008-252 du 12 mars 2008 relatif à la rémunération de certaines services rendus par le ministère de l’intérieur ; l’arrêté du 28 octobre 2010 a fixé l’étagement de la progression du taux horaire, de 12 €/h à 16 €/h actuellement, puis 18 €/h en 2013 et enfin 20 €/h en 2014.

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dimensionnement, de la seule responsabilité du préfet, leur échappe. Cependant, la prise en charge ne correspond qu’à une faible part de la dépense réelle et peut être analysée principalement comme un mécanisme incitatif : si les spectateurs sont calmes, le dispositif peut être allégé, et la facture de même.

Malgré l’augmentation régulière de cette contribution au maintien de l’ordre, résultat d’un tarif horaire revu à la hausse69, les clubs sont bien loin de verser la totalité de ce que représente pour le ministère de l’intérieur la mobilisation de policiers ou de gendarmes, en sécurité publique ou en forces mobiles, pour la sécurisation des manifestations sportives – sans même évoquer les coût d’organisation, renseignement, coordination et pilotage opérationnel sous l’autorité des préfets.

Sollicité par la mission pour évaluer l’impact en termes d’ordre public des rencontres de football de Montpellier Héraut Sport Club, le cabinet du préfet a chiffré le coût pour le MHSC à « un montant légèrement supérieur à 400 000 euros pour l’ensemble de la saison, somme qui ne rend pas réellement compte du niveau d’engagement en moyens humains et matériels que cela aura représenté ». Ainsi, la facturation par la DDSP selon le forfait horaire ne concerne que le service d’ordre et n’intègre pas la prestation des effectifs engagés pour les missions de circulation dans un très large périmètre, ni la sécurisation des gares de transport collectif (train ou car). En ce qui concerne les forces mobiles, le besoin sur la saison aura été de 10 escadrons de gendarmerie mobile et 14,5 compagnies républicaines de sécurité. Les supporteurs du MHSC ne sont pas pourtant parmi les plus défavorablement connus au plan national.

Enfin, d’autres disciplines, comme le cyclisme ou le sport automobile, connaissent peu d’incidents mais nécessitent des moyens importants pour assurer la sécurité de courses qui se déroulent fréquemment sur la voie publique. Par exemple, en 2012, le passage du Tour de France dans l’Hérault aura mobilisé 292 militaires du groupement de gendarmerie départementale, soit le tiers des effectifs en tenue.

D’autres forces sont associées, comme les polices municipales ou une partie des agents de la sécurité publique qui assurent la police de la circulation et du stationnement ; lors des grandes rencontres, ces effectifs se comptent en dizaines, voire en centaines d’agents. Pour certaines rencontres (par exemple le derby Saint-Étienne-Lyon, ou de nombreuses rencontres en Corse), le dispositif est une toile d’araignée tissée sur des kilomètres, lorsqu’il faut prendre en charge par une escorte appropriée le bus des joueurs adverses dès leur entrée dans l’agglomération, les véhicules des officiels (arbitres et délégués) et les cars de supporteurs visiteurs ; un survol en hélicoptère (au coût horaire de plusieurs milliers d’euros) est parfois nécessaire pour superviser le dispositif, prévenir les congestions de la circulation et les face-à-face inappropriés.

Autre concours des pouvoirs publics d’État au bon fonctionnement du sport professionnel, la lutte contre le dopage est assurée à travers un mécanisme dont le coût est évalué au point 5.1.2.

En tout état de cause, on connaît la difficulté de relier l’efficacité des contrôles au nombre de cas détectés ; de nombreux cas peuvent signifier non pas l’inefficacité des politiques anti-dopage, mais la performance des contrôles opérés, point sur lequel le dispositif français est réputé en pointe. À l’inverse, un pays qui repère peu d’usage de produits interdits n’est pas nécessairement vertueux…

Enfin, la lutte contre la fraude en matière de paris sportifs, indispensable elle aussi pour assurer la fiabilité des compétitions, repose sur des mécanismes de la responsabilité des pouvoirs publics comme le repérage des paris suspects par l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), qui peut suspendre les paris lorsqu’une évolution suspecte est enregistrée. Il en fut ainsi par exemple de la rencontre de football Ajaccio-Montpellier (20 avril 2013), selon des

69 L’arrêté du 28 octobre 2010 a déterminé la progression du taux horaire, de 12 € par heure à 16 € en 2012, puis 18,45 € par heure en 2013 pour atteindre 20 € en 2014.

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informations provenant d’abord du réseau des paris dits « en dur », avant de s’étendre aux paris en ligne. Une telle régulation, assurée par un organisme de régulation dont le budget avoisine les 10 millions d’euros, est absolument indispensable pour que soient dissuadés les comportements visant à influer les résultats sportifs – les répercussions importantes de l’affaire de la rencontre de handball Cesson Sévigné-Montpellier (12 mai 2012) montrant à quel point une sauvegarde de l’éthique sportive à travers ces mécanismes est primordiale.

3.5 A

SSURER

,

PAR LA TRANSPARENCE ET LA BONNE GESTION

,

LE RESPECT DE L

ÉQUITÉ DANS LES