• Aucun résultat trouvé

La propreté est une activité de services aux entreprises et aux collectivités ; elle ne comprend ni le service aux personnes, ni le nettoiement de la voie publique ni l’activité de nettoyage lorsqu’elle est prise en charge de façon interne par les entreprises et administrations. La propreté comprend des tâches de nettoyage classique (bureaux et services administratifs, industrie, commerce, transports, équipements collectifs, etc.) et spécialisés (hôpitaux). S’ajoutent à l’activité de propreté, des services associés ou connexes (manutention, gestion des stocks, entretien des bâtiments, etc.).

Crise dans la propreté ?

Sur le plan de sa structuration, la propreté regroupe en 2009 19 639 entreprises et 428 411 salariés (chiffres FEP), particulièrement concentrés à quatre endroits du territoire national : 34,3% en Ile de France, 10,3% en Rhône-Alpes, 8,2% en région PACA, et 5,2% dans la région Nord. Après avoir connu une augmentation du nombre de ses entreprises de façon relativement ininterrompue de 1995 à 2008, le secteur connaît un infléchissement de celui-ci à partir de 2009 (20 039 en 2008), infléchissement analysé par la chambre patronale comme un effet de la crise commencé un an plus tôt. Les effets de cette crise se manifesteraient par deux autres signes. D’une part, le ralentissement du chiffre d’affaires du secteur situé à 11 milliards d’euros en 2009. Alors que celui-ci connait une croissance moyenne de 10% entre 2005-2008, celle-ci se situe à moins de 1% en 2009 (figure 1). D’autre part, la diminution de l’emploi salarié de l’ordre de 1% environ (428 411 salariés en 2009 contre 433 071 en 2008) et qui semble se poursuivre en 2010.

Deux facteurs seraient à l’origine de cette crise selon l’organisation patronale : tout d’abord, le renforcement des contraintes financières qui pèsent sur les entreprises (tous secteurs confondus) et qui les conduisent à rationaliser leurs dépenses. Cette rationalisation prendrait très concrètement la forme d’une négociation à la baisse des contrats avec les entreprises prestataires, ce constat étant effectué du côté patronal (qui relie cette problématique à celle du coût du travail) comme syndical.

« Les clauses pour les révisions de contrat se déclenchent de plus en plus fréquemment. Et le contexte économique a accentué le phénomène Alors évidemment, pour le donneur public, le contexte dramatique des finances publiques l'exige, je le comprends bien. On est un secteur qui a connu un très fort développement, qui avait un bon modèle économique et social, et qui va être en grosse difficulté si on continue comme ça. La problématique du coût du travail est mortifère. » (Responsable du pôle social, FEP)18.

« Il y a une réalité économique, notamment dans le cadre des appels d’offre qui existent et qui s’est accentuée en 2008, avec la crise, parce que les donneurs d’ordre essaient tous de tirer les prix vers le bas… Je vais donner une image triviale : quand vous aurez enlevé toutes vos fringues, vous serez à poil, vous ne pourrez plus rien donner. A un moment donné, c’est même plus viable pour les entreprises. Après, il peut y avoir des stratégies d’entreprise pour aller chercher des marchés où ils vont faire exprès de casser les prix, cela c’est pour les structures qui sont financièrement… qui ont le capital pour le faire. Le problème, c’est que ce sont tout le temps les salariés qui payent les pots cassés de ces stratégies-là » (syndicaliste, Fédération ports et Docks CGT).

De fait, avec un chiffre d’affaires développé par salarié bien inférieur dans la propreté que dans les autres secteurs d’activité (25 726 euros contre 47 600 dans la sécurité, 66 748 dans les services aux particuliers et 93 424 dans les métiers de l’industrie de l’hôtellerie), on comprend que les salariés de la propreté servent de variable d’ajustement dans ce processus de réduction des coûts.

18

La deuxième cause de la crise renverrait à la démographie défavorable des entreprises françaises qui rejaillirait automatiquement sur la baisse d’activité en matière de propreté. Elle générerait, selon les propres termes de la FEP, « un climat concurrentiel très tendu entre les

entreprises de propreté »19

. Dans ce secteur, les entreprises les plus outillées pour répondre à cette crise sont apparemment celles capables d’offrir des services annexes « à plus haute valeur ajoutée ». Cela n’explique pas forcément ou totalement le mouvement de concentration des entreprises de propreté que nous signalions déjà dans notre étude de 2008. Mais la crise l’a sans nul doute amplifié. En effet, les cinq plus grosses entreprises du secteur (Onet, Samsic, Atalian, ISS France, GSF) regroupent à elles seules près de la moitié des salariés de la propreté (173 450 salariés) et représentent près d’un tiers de son chiffre d’affaires global (3,3 milliards d’euros).

« On constate une re-concentration des entreprises. Par exemple, il y a Atalian, TFN qui a racheté Téolia, etc. On a le groupe Elior qui a racheté des entreprises de propreté, qui a racheté Sinestes, Vital Services… Une boite comme Atalian, elle doit continuer à se développer. Alors, ils débauchent des patrons et ces derniers viennent avec leur carnet d’adresses, leurs clients. Dans notre entreprise, on a eu un directeur qui est parti chez Derichebourg, il est parti avec tous ses sites ». (Délégué Syndical Central FO)

Plus que jamais, ce secteur présente une structuration atomisée, avec un nombre extrêmement important de petites entreprises employant un faible nombre de salariés et un nombre très restreint de très grosses qui en emploient la majeure partie. Depuis 2008, le phénomène s’est en outre amplifié avec l’arrivée croissante d’auto-entrepreneurs (5512 en 2009, 6557 en 2010), l’auto-entreprenariat étant d’autant plus facile dans le secteur qu’il exige des investissements et des compétences peu élevés (figure 2).

19

Figure 2 : Répartition des salariés et des entreprises selon la taille de l’entreprise

La propreté : une activité de main-d’œuvre, des salariés sous contraintes

Sur le plan social, le profil des salariés de la propreté a peu évolué depuis 2008. Il s’agit d’un salariat encore très fortement féminisé (67%), doté d’un très faible niveau de formation initiale (60% sont sans diplôme) et pour un tiers de nationalité étrangère (essentiellement hors Union Européenne). Activité de main d’œuvre, la propreté est prise en charge essentiellement par des agents d’exécution (figure 3).

Le croisement de la répartition hommes-femmes selon le niveau de classification, pénalise clairement ces dernières sous-représentées dans les fonction hiérarchiques et intermédiaires (figure 4).

Figure 4 : Répartition hommes-femmes selon le niveau de classification

En 2008, nous signalions le caractère vieillissant des salariés de la propreté. Avec 38% de salariés de plus de 45 ans en 2009, ce processus de vieillissement n’a donc pas été enrayé et particularise la propreté par rapport aux autres secteurs d’activité : « la population des 36- 55 ans est plus élevée dans la propreté (57% des salariés) que dans les autres secteurs

(50%) »20. En cause, le manque de renouvellement générationnel (13,4% des salariés de la

propreté ont moins de 25 ans contre 16% pour tous les secteurs d’activité et 19,4% ont de 26 à 35 ans contre 24,2% pour tous les autres) et le manque d’attractivité du secteur compte tenu des types d’emploi qu’il propose et de son image peu valorisée, malgré les efforts que l’acteur patronal dit y consacrer pour la réhabiliter.

« Q– C’est encore un secteur en tension la propreté ? R– En termes de recrutement ? Un peu moins quand même. Et en même temps, c'est vrai que parfois, dans la région parisienne, c'est difficile de recruter. S'il y a un appel à la main d'œuvre hors Union européenne, ce n’est pas pour rien. Il y a des gens qui ne veulent pas intégrer la propreté car on a un problème d'image. On a fait de gros efforts de communication, on a mis en valeur une filière qui forme, on a un quart de nos salariés qui sont formés tous les ans. On n’a donc pas à rougir de cela, on utilise largement les fonds pro. On a bien amélioré la filière, la formation, les CQP ; cela commence à se savoir. Mais c'est vrai que faire de la propreté, cela reste … voilà. C'est a fortiori vrai pour les activités liées à la restauration, à la sécurité qui ont une image un peu plus positive et encore. Ce n'est pas facile […] Le service à la personne, c'est un prolongement de ce que l'on fait nous mais cela a une connotation peut-être un peu plus positive parce

20

que c’est un individu qui contractualise avec un individu, il y a un rapport de proximité. Le paradoxe est qu’aujourd'hui, ces salariés ont moins de droits sociaux que les nôtres ». (Responsable du pôle social, FEP).

« Nous, on ne veut pas que nos enfants travaillent dans la propreté, moi, la première. Quand je vois un jeune homme arriver et qu’il me demande s’il y a du travail et qu'il a des parents étrangers. Je lui dis : vas à l'école ! Tu n'as rien à faire ici ! » (Délégué Syndical Central Force Ouvrière).

Du côté syndical, cet effort est par contre unanimement jugé très insuffisant, l’acteur patronal se montrant aux yeux des syndicalistes interrogés totalement impuissant à entraver la spirale du moins-disant social et à réguler (en élevant et uniformisant) les conditions d’emploi et de salaires dans la branche. Pour la fédération CGT, qui constitue la force syndicale leader dans la branche (cf. infra) et pour qui la convention collective constitue le système de phares et balises le plus adapté au secteur (cf. infra), c’est par l’activité conventionnelle que cette

régulation peut et doit s’effectuer21.

« Veut-on ou non être attractifs ? Car il y a une forte demande en termes d’emploi et de besoins de prestations au niveau des donneurs d’ordre notamment dans le cadre environnemental, c’est un phénomène sociétal. Est-ce qu’on veut être attractifs, permettre de faire en sorte que les salariés soient pérennes dans la branche, et que l’on puisse se servir de leur professionnalisme ? Parce que l’on aura besoin de leur professionnalisme ! Car aujourd’hui, la propreté, ce n’est pas la propreté d’il y a quarante ans. Aujourd’hui, il faut nécessairement des machinistes, des laveurs de vitre, il y a des fonctions qui sont très importantes. Est-ce qu’on a envie de faire en sorte que cette branche soit attractive ? Pour pérenniser les salariés, et maintenir leur professionnalisme, on a également envie de changer l’image de cette branche, et si on veut changer l’image de cette branche, il faut des salariés, qui soient attractifs dans la branche. Plutôt que d’aller tout vers le moins disant, on essaie de faire comprendre que c’est plutôt en étant attractif, en augmentant le niveau social, de cette convention qui pourrait constituer une base pour réguler le marché, où tout le monde serait à un même niveau. Mais malheureusement, on n’est pas écouté. » (Syndicaliste, Fédération Ports et Docks CGT).

Par contre, l’acteur patronal et l’acteur syndical se rejoignent pour pointer la responsabilité des donneurs d’ordre dans ce processus. Compte tenu de l’irréductibilité des positions entre patronat et syndicats dans le secteur, coût du travail versus mieux-disant social, tous considèrent par contre à peu près unanimement que si solution il y a, elle ne pourra passer que par ces derniers et une action des pouvoirs publics (sans que l’on sache, dans les discours, si les donneurs d’ordre et les pouvoirs publics forment un seul et même acteur, et quel type de solutions - hormis pour l’acteur patronal une baisse du coût du travail et une plus grande liberté dans la fixation des normes – devrait être adopté).

« Dans la propreté, l'automne va être très difficile. Sachant que tous les acteurs publics, dans les contrats publics, dans les marchés publics, les collectivités territoriales, les hôpitaux, ils sont tous en train de serrer la vis mais à un point c'est-à-dire qu'ils révisent les contrats à la baisse. On nous demande quasiment presque la même prestation mais en diminuant le nombre d'heures. Aujourd'hui, c’est donc une difficulté, alors que c'est un secteur qui était en développement, en terme d'emplois, 50 % de plus en quinze ans. Et un secteur indispensable à l'activité économique évidemment pour des questions de santé et de propreté, c'est basique mais aussi parce que l'on salarie des gens qui sont au bord de la rupture sur le plan social. On intègre, on forme, on alphabétise. Ces gens-là, que feraient-ils s'ils

21

n'étaient pas dans ce secteur professionnel? On fait partie des rares secteurs où l’on intègre fortement. Alors, si on préfère les voir pointer à l'ANPE. Maintenant, pourquoi pas? C'est un choix politique qui est pris. » (Responsable du pôle social, FEP).

« Pour avoir un salaire plus important, un 13ème mois, c’est très difficile. Je suis persuadé que pour avoir davantage, il est obligatoire que le donneur d’ordre mette la main à la poche, sinon, cela n’est pas possible » (syndicaliste, syndicat francilien de la propreté CFDT).

Quoi qu’il en soit, ce problème du vieillissement alimenté par la non attractivité du secteur, explique que la question de la pénibilité, elle-même amplifiée par l’accroissement de la concurrence, soit au faîte des préoccupations des acteurs, question sur laquelle bloquent pour l’instant les négociations conventionnelles (cf. infra).

« On a une population qui vieillit. On a des préoccupations sur les TMS. Ce n'est pas pour rien qu'on a signé un accord sur les risques professionnels. C'est bien qu'on a bien conscience qu'il y a une difficulté. » (Responsable du pôle social, FEP).

« Malheureusement, vous avez des cadences de plus en plus élevées compte tenu de la concurrence sans frein que l’on vit actuellement. Maintenant dans la profession, pour s’en sortir, la seule solution c’est de diminuer les effectifs et d’augmenter les cadences. Et la population du nettoyage souffre énormément. A la chambre patronale, lorsque nous avons négocié la pénibilité, ils n’ont pas voulu avancer sur la question de l’âge. Ceux qui approchent de 60 ans ont du mal à suivre et à supporter les cadences. Vous avez des tours à La Défense où les salariés tournent à 400/450 m2 à l’heure. C’est impossible pour quelqu’un de mon âge… sans compter les transports pour se rendre sur les chantiers. » (Responsable juridique, syndicat francilien de la propreté CFDT).

En termes de conditions d’emploi et de salaire, là encore peu de changements, si ce n’est sur le plan du renforcement des contraintes. Si 77% des salariés de la propreté sont en CDI, le même pourcentage à peu près travaille à temps partiel, dont 45% moins de 17,5

heures par semaine22

. Cela conduit une part importante d’entre-eux, non estimée précisément, à avoir plusieurs employeurs. En cause, les horaires décalés, avant et après les heures de bureaux et le peu de progrès effectués en matière de travail en journée, ce qui amène l’acteur patronal à pointer une nouvelle fois la responsabilité de l’acteur public.

« Je vais prendre un exemple concret : le travail en journée. On a beaucoup avancé sur cette question dans la branche. On a fait une conférence de progrès sur la question en 2007 où le pouvoir politique n'a pas été hyper intéressé. On relance le sujet aujourd’hui : on a rencontré le cabinet de Najat Vallaud- Belkacem, on a écrit à Michel Sapin. Au niveau interprofessionnel on porte cette demande de conférence nationale du progrès sur le temps partiel. On a quand même eu du mal à convaincre qu’il est indispensable de réfléchir ensemble : donneurs d’ordres, politiques, syndicats, représentations patronales pour les différentes branches concernées, pour faire un diagnostic en commun. Car aujourd'hui, lorsque l’on veut faire du travail en journée, on a un donneur d'ordre public qui dit oui, qu’il faut le faire. C'est la circulaire Fillon. Par contre, il ne l'applique pas. Dans les ministères, le travail de la propreté, c'est tôt le matin, tard le soir. Il y a un double discours.» (Responsable pôle social FEP). 88% des agents de service (AS) sont employés au premier échelon de la grille de classifications (contre 7% à celui d’AQS et 4,5% d’ATQS) ; avec un taux de féminisation qui diminue au fur et à mesure que l’on monte le long de cette grille (figure 5) ; et des femmes

globalement moins bien payées que les hommes compte tenu de leur moindre accès à des postes à responsabilité et de leur emploi plus important à temps partiel.

22

Figure 5 : Répartition du salaire mensuel par sexe et tranche de salaire23

Documents relatifs