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Le contexte ayant été présenté, nous allons désormais nous focaliser sur l’objectif, les enjeux et les verrous scientifiques à lever pendant l’étude.

1.2.1 Enjeux

Pour permettre un plus large déploiement de ce type de supports pédagogiques, il pa- raît pertinent de tenter d’apporter une solution aux contraintes évoquées précédemment. L’objectif de cette étude est de doter le simulateur UpStrat et plus largement les busi- ness games, d’agents « intelligents ». Ces agents seront des compléments pédagogiques et des assistants efficaces aux participants et animateurs.

Nous envisageons d’exploiter ces agents dans deux configurations :

— Conseiller les participants sur des décisions cohérentes : nous l’appellerons le rôle de « conseiller ». Ce rôle permettra aux équipes de faire appel pour tout ou partie de leurs décisions à l’outil développé. Celui-ci pourrait proposer à l’équipe des déci- sions optimales en production, distribution, finance. Il pourrait également indiquer un taux de pénétration de marché prévisionnel provenant d’une analyse des déci- sions historiques des concurrents et des orientations de l’équipe faisant appel à lui. Enfin, il pourrait indiquer aux équipes leur chance de performance au regard de leur décision et ainsi offrir en direct une expertise précieuse à l’équipe et par voie de conséquence à l’animateur. Cette option pourra d’un point de vue pédagogique se révéler très utile pour des publics ne disposant pas des prérequis nécessaires au pilotage complet d’une entreprise.

— Concurrent des équipes réelles : nous l’appellerons le rôle de « concurrent ». L’ins- cription de quelques agents autonomes sur une partie pourrait montrer aux équi- pes des jeux de décisions cohérentes. Elle permettrait aussi à un individu seul de se « mesurer » à l’intelligence artificielle proposée. Ce rôle de concurrent permettrait aussi de simplifier la formation des formateurs aux règles du jeu. En effet, quoi de plus formateur que de participer à un jeu avant d’en être l’animateur ?

Ces différents usages peuvent êtres envisagés indépendamment ou conjointement. Nous n’avons proposé que quelques modes d’exploitation de ces agents mais il est évident que la liste pourra être enrichie avec l’usage et en fonction des performances et résultats obtenus.

1.2.2 Les verrous

Les principales difficultés que nous rencontrerons dans cette étude sont : — la simultanéité,

— le principe de modalité, — l’indicateur de performance.

Nous reprenons dans les quelques lignes suivantes ces différents points afin de les détailler et d’en définir les contours.

Simultanéité

Dans un business game, les décisions des équipes sont prises dans un temps de ré- flexion banalisé pour toutes les équipes en même temps. La centralisation des décisions se fait à un instant donné simultanément défini en amont de la phase de réflexion. Ce mode de jeu s’éloigne donc des jeux habituels d’échec, de poker. . . pendant lesquels les concurrents font évoluer chacun leur tour leurs positions. Les décisions des équipes peu- vent dans notre cas être assimilées à un ensemble de coups que chaque équipe prépare et joue en même temps sur un plateau de jeu virtuel.

Nous pourrions rapprocher notre étude à certains problèmes issus de la théorie des

jeux. Nous ferons un rapprochement avec cette thématique de recherche dans le chapitre

4 de ce document.

Nos agents devront donc prendre un ensemble de décisions pour chaque tour et at- tendre le verdict de la confrontation des décisions de tous les participants pour en évaluer la pertinence et enclencher un nouveau tour.

Un temps de réponse court

Les fonctionnalités que nous proposons de concevoir n’ont de sens que si elles ac- compagnent les acteurs d’une session : participants et formateurs. Ainsi, les agents seront obligatoirement sollicités pendant une session de jeu. Ils fonctionneront donc sur des pé- riodes bloquées comme des travaux dirigés de 2 heures par exemple et devront proposer leurs conclusions plusieurs fois sur cette période et pour une ou plusieurs équipes. Cette contrainte majeure nous imposera, pendant l’étude, d’intégrer continuellement cette di- mension et nous forcera à trouver régulièrement un compromis entre la performance de la méthode, le temps d’exécution et la consommation de ressources allouées.

Un agent qui mettrait plus de temps qu’un participant pour prendre une décision ou proposer une expertise perdrait en crédibilité. Mieux, il serait flatteur que lors de la mise en place de ces outils, les décisions en émanant soient prises avant que les participants n’interviennent.

Dans un rôle de conseiller, il est indispensable que les participants interrogent l’agent avant de prendre leurs décisions.

Des décisions représentées par des modalités

Les choix réalisés dans le simulateur Upstrat sont, pour la plupart, définis sous la forme de modalités. Dans la partie consacrée à la présentation du simulateur, chaque capture d’écran fait état de ces modalités. Elles sont représentées par des entiers.

Par exemple, les prix, pour chaque segment de marché, prennent une valeur com- prise dans l’ensemble {-4 ;-3 ;...+3 ;+4}. La décision en publicité se fait de la même manière. Toutes les décisions opérationnelles, ou décisions financières, sont réalisées de la sorte.

Ce choix de conception du produit a été fait afin que les participants se concentrent sur l’essentiel pendant leur prise de décisions. L’essentiel est, pour ce simulateur, d’être capable de prendre des décisions cohérentes pour atteindre un objectif dans le cadre d’une stratégie donnée. Les concepteurs ont souhaité élargir le champ de réflexion des

participants aux autres dimensions du marketing-mix plutôt que de les laisser se focali- ser sur le prix. En effet, cette décision cristallise très souvent l’attention des joueurs aux dépends d’autres dimensions pourtant fondamentales dans un modèle business to busi- ness.

Les décisions sont donc toutes des données entières qui imposent des choix. La valeur médiane, et donc réelle, pour une dimension de la décision n’est pas admise. Ce caractère nous conduit donc à la notion de combinatoire de décisions puisque pour chaque moda- lité sélectionnée, un sous-ensemble de nouvelles décisions induit par le choix précédent verra le jour. Il y a donc de nombreuses combinaisons possibles pour décrire une décision complète.

Le critère de performance

Les jeux d’entreprise ne permettent pas de définir de critère objectif de performance des décisions. Les business games sont des jeux donc il est assez logique qu’il y ait un vain- queur. Cependant, la qualité du vainqueur n’est en aucun cas renseignée par son classe- ment, son nombre de points ou sa performance économique, si l’on sort du contexte du jeu, ces grandeurs. Le vainqueur est désigné parmi ses pairs et de façon relative. Ainsi, il s’agit d’être meilleur que les autres joueurs du même jeu. Être le meilleur ne signifie pas être bon dans l’absolu. Ainsi, il est tout à fait possible, lors d’une partie, que le joueur qui remporte la session soit en situation financière très difficile voire en dépôt de bilan. Son positionnement pourrait être assuré par les piètres performances des concurrents. Inver- sement, une équipe dont les résultats économiques seraient flatteurs pourrait ne pas être sur le podium d’une partie si tous les autres joueurs sont encore plus performants.

Notons que dans la vie économique réelle, de nombreux scores économiques coexis- tent. Les états comme les entreprises sont évalués par des agences de notation publiques ou privées. Ces évaluations permettent aux parties prenantes de ces entités de s’assurer de leur solidité actuelle et projetée (créanciers, actionnaires/prêteurs, salariés/citoyens,. . . ). Ces scores sont définis à l’issue d’analyses de données macroéconomiques et secto- rielles. Ces traitements permettent de sélectionner dans un premier temps les critères à intégrer aux scores. Ils offrent aussi la possibilité de définir les bornes d’acceptabilité de chaque critère et l’importance relative d’un critère par rapport à un autre sur la note fi- nale. Ces scores ne sont pas utilisés pour établir un classement du meilleur état ou de la meilleure entreprise mais plutôt pour évaluer des critères de risque ou d’opportunité bien souvent liés à des risques d’insolvabilité court terme, moyen terme ou long terme.

1.2.3 Les objectifs de la thèse

Les objectifs des travaux de recherche réalisés dans ce manuscrit ont été menés afin de répondre aux verrous préalablement cités. En effet, l’attrait des business games pour le grand public n’est pas encore évident.

L’objectif de la thèse est donc de mettre en œuvre un agent embarqué dans le business game UpStrat.

Cet agent constituera une équipe. Sa mission sera, dans un contexte économique donné, pour un tour de jeu donné, de proposer le meilleur ensemble de décisions pos- sible. Cette proposition devra être formulée rapidement.

Le contexte économique est pour nous l’environnement concurrentiel composé par : — les autres équipes/joueurs/concurrents,

— les clients de l’entreprise,

— les parties prenantes à l’entreprise : salariés, actionnaires, banquiers, conseils. . . Les éléments précédemment cités sont en perpétuelle évolution pendant une partie et imposeront donc à l’agent une capacité d’adaptation permanente.

L’introduction d’agents intelligents au sein des business games est motivée par la né- cessité de les faire progresser à l’instar de ce qui peut être fait pour l’industrie du jeu vidéo. En effet, cette industrie crée régulièrement des partenariats avec le monde universitaire afin d’évoluer techniquement et ainsi de survivre face à la concurrence acharnée sur ce secteur en croissance (HAOet collab.[2015]).

Ainsi, les éditeurs de jeux vidéo souhaitent faire progresser leurs modèles, leurs envi- ronnements ou encore leurs personnages. Ces évolutions se traduisent par de nécessaires progrès graphiques mais aussi par l’exploitation d’innovations scientifiques. Les concep- teurs développent, par exemple, des agents intelligents souvent appelés « intelligence ar- tificielle » (IA) et les intègrent aux produits. Ces agents assurent une meilleure immersion du joueur et augmente le réalisme des applicatifs. Elles doivent régulièrement évoluer et s’adapter d’une part à l’évolution technique et d’autre part aux exigences des joueurs toujours plus affûtés.

La forte demande en jeux de rôle massivement multi-joueurs en ligne a fait appa- raître un autre aspect purement économique. En effet, les éditeurs doivent vivre de leurs créations et ainsi monétisent les outils qu’ils développent. Ils essaient de convertir les nouveaux joueurs, exploitant souvent des versions limitées mais gratuites, aux versions complètes et payantes. Ils ont souhaité naturellement essayer de modéliser les comporte- ments des joueurs. Il était important d’identifier les profils susceptibles de passer à l’acte d’achat. Cette opération ne pouvait se faire qu’en offrant l’accès à leurs données de jeu aux spécialistes en traitement de données (DRACHENet collab.[2014]). Ils ont ainsi tissé des liens étroits avec certains laboratoires de recherche.