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Partie III : Représentations des adultes à propos des pratiques de lecture

Chapitre 8 : Présentation et pré-test de l’outil permettant d’évaluer les représentations à propos des pratiques

1. Présentation de l’outil

Après avoir expliqué le principe à l’origine de la conception de l’ORLeP-1 et avoir décrit cet outil, nous présenterons la population qui a permis de le pré-tester.

1.1. Principe pour la construction de l’outil

Comme nous l’avons explicité dans le chapitre 3, les conceptions des individus sont en grande partie implicites. En outre, les conceptions explicites des individus (ce qu’ils déclarent lors d’entretiens ou de questionnaires) ne sont pas toujours en concordance avec les conceptions implicites qui guident les pratiques. Il semble par là-même qu’il n’est pas souhaitable de se contenter uniquement de méthodes déclaratives pour évaluer les représentations. La proposition qui est à la base de l’outil que nous avons conçu est d’atteindre ces conceptions implicites en demandant aux individus de juger les pratiques d’autres personnes. Pour évaluer les représentations des assistantes maternelles à propos de la situation de lecture partagée, nous leur avons propoé de dire ce qu’elles perçoivent de films dans lesquels d’autres assistantes maternelles lisent un livre à un enfant. Nous faisons l’hypothèse que les pratiques repérées dans ces films, celles auxquelles elles portent le plus d’attention, sont les pratiques qui leur semblent les plus importantes. Par exemple, si l’adulte considère que, pendant une situation de lecture partagée, il faut pointer les images ou bien aider l’enfant à acquérir du vocabulaire, il sera plus attentif à ces aspects dans les films. La discrimination de pratiques objectivement différentes observées dans une séquence filmée pourrait être un indicateur de la sensibilité des adultes aux besoins cognitifs des enfants,

partant de l’idée que cette discrimination repose sur une connaissance implicite des activités qui orientent les activités cognitives des enfants vers un traitement adapté de l’écrit.

Ce choix méthodologique fait suite à une étude réalisée par Ailincai et Weil-Barais (2006 ; à paraître) qui ont mis en place un dispositif de sensibilisation du parent à son rôle éducatif, dans le cadre d’un musée scientifique accueillant des enfants de 3 à 5 ans. Le principe de ce dispositif était de présenter des films montrant des séquences d’action très contrastées quant au style d’accompagnement déployé par le parent et entraînant des conduites variées de la part des enfants, films auxquels les parents pouvaient tout à fait s’identifier. Un débat était organisé par un animateur pour amener les parents à adopter une position descriptive et critique par rapport aux situations interactives présentées dans les films. L’évaluation du dispositif a permis de montrer que les conduites des parents avec leur enfant dans le musée évoluaient après leur participation à ce débat. D’après cette étude, les films se sont avérés être un bon support pour que les parents expriment ce qu’ils pensent de différentes pratiques, c’est pourquoi nous l’avons utilisé pour mettre à jour les représentations des assistantes maternelles.

Ainsi avons-nous sélectionné des pratiques de lecture partagée, très différenciées du point de vue des critères objectifs que nous avons définis, que nous avons soumises au jugement d’un groupe d’adultes pour voir si effectivement ceux-ci les différenciaient. Deux extraits de la situation de lecture nouvelle filmée avec les dyades des études précédentes ont été sélectionnés. Cette situation nous permet de présenter deux façons contrastées de lire le même livre. Les deux extraits correspondent exactement au même passage du livre lu par deux assistantes maternelles et ont été choisis de telle sorte qu’un des films contienne peu d’interventions sur les unités de la part de l’assistante maternelle (2) et l’autre un nombre relativement important (10). Toutefois, les conduites des assistantes maternelles pendant ces deux extraits ne se différencient pas seulement du point de vue des interventions sur les unités des mots.

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Étant donné que l’approche pluriméthodologique est recommandée pour évaluer les représentations, nous souhaitions également recueillir, cette fois-ci sur un mode déclaratif, le jugement des assistantes maternelles sur l’importance qu’elles accordent à un ensemble de conduites données, parmi lesquelles ont été insérées les interventions portant sur les unités sonores. Ce choix a été déterminé dans l’optique d’étudier la ressemblance entre les pratiques déclarées comme importantes et les conduites qui se révèlent être importantes à travers la perception des films.

Un autre objectif de l’ORLeP-1 était de créer une méthode plus directe et donc plus économique en temps que l’observation : s’il permet d’évaluer les croyances qui guident les pratiques, c'est-à-dire si les jugements effectués par les assistantes maternelles reflètent leurs pratiques, il pourrait constituer un moyen d’évaluer les pratiques sans passer par l’observation et l’analyse d’interactions qui se révèlent très coûteuses.

1.2. Déroulement du recueil des données

Le recueil de données a eu lieu lors de séances collectives. Les deux parties constituant l’ORLeP-1 ont été administrées dans l’ordre de présentation qui suit.

1.2.1. Partie « Perception » : Jugement des pratiques d’une assistante maternelle Les participants voyaient deux films et devaient ensuite dire, après chaque film, ce qu’ils percevaient d’un ensemble de conduites données, les conduites à juger étant les mêmes pour les deux films. Sur la première page du document distribué (en format A4, cf. annexe 18 p. 343), la consigne suivante était donnée: « Votre perception des conduites de l’assistante maternelle (Cochez la case correspondant à votre réponse) », suivie de 12 conduites (encadré 19). Pour chaque conduite, comme par exemple « l’assistante pointe les images », la personne doit répondre en choisissant un des 5 énoncés suivants : très souvent, assez souvent, peu

souvent, jamais ou je ne peux pas me prononcer. Parmi les différentes conduites, trois (notées en italiques dans l’encadré 19) nous intéressent particulièrement par rapport à l’étude des interventions portant sur les unités sonores internes aux mots. Elles ont été choisies en nous appuyant sur la classification des interventions sur les unités réalisée dans les études antérieures.

Encadré 19 : Liste des 12 conduites à juger pour chacun des deux films 1. Elle cherche à faire partager le plaisir de la lecture

2. Elle est attentive aux interventions de l’enfant 3. Elle cherche à faire comprendre l’histoire 4. Elle lit l’histoire en y mettant le ton 5. Elle pointe les mots lus

6. Elle pointe les images

7. Elle corrige les erreurs de prononciation de l’enfant 8. Elle demande à l’enfant le sens des mots

9. Elle cherche à faire acquérir du vocabulaire

10. Elle prononce distinctement les mots lorsqu’elle lit 11. Elle est attentive au découpage des mots

12. Elle a des interventions sur les éléments sonores composant les mots

Les films montrent chacun une assistante maternelle en train de lire un livre à un jeune enfant, l’enfant du film 1 a 21 mois et celui du film 2 a 26 mois. Le livre ainsi que le passage du livre lu était le même pour les deux assistantes maternelles (durée de 6’02 pour le film 1 et de 4’46 pour le film 2). Les films ont été choisis de telle façon qu’ils différencient les pratiques de lecture des deux assistantes maternelles sur plusieurs points et particulièrement sur les interventions concernant les unités : l’assistante maternelle du premier film fait plus d’interventions de ce type (trois corrections, quatre focalisations et trois sollicitations) que l’assistante maternelle du second film (une correction et une focalisation) (cf. annexe 19 p. 344 pour la transcription des extraits qui ont été présentés, dans lesquelles les interventions des deux assistantes maternelles sur les unités sont précisées ; le diaporama présenté aux participants contenant les deux films figure sur le DVD Rom). En contrastant les films, nous

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souhaitons étudier la sensibilité des adultes à ces différences, car nous faisons l’hypothèse que les aspects qui seront différenciés sont ceux auxquels la personne porte attention et ainsi ceux auxquels elle serait particulièrement sensible.

1.2.2. Partie « Opinion » : Opinion personnelle sur les pratiques

Dans cette seconde partie, les personnes interrogées devaient sélectionner, parmi une liste de conduites, les trois qui leur semblaient les plus importantes et les trois qui leur semblaient les moins importantes à utiliser au cours d’une situation de lecture et ceci en fonction de l’âge de l’enfant (cf. annexe 20 p. 350). Nous supposons en effet que les activités proposées à l’enfant dans cette situation de lecture partagée diffèrent selon l’âge de l’enfant. À 2-3 ans les actions de l’adulte sont généralement centrées sur la compréhension de l’histoire, la compréhension des mots et la mise en relation entre des mots et des images pour faire comprendre à l’enfant la signification de ce qui est dit (compte tenu du vocabulaire limité de l’enfant). A 4-6 ans, les actions portent davantage sur l’écrit lui-même – pointage des mots, apprentissage des lettres, mise en relation des lettres et de leur(s) son(s) – en relation avec l’apprentissage de la lecture. Afin d’étudier cette évolution selon l’âge de l’enfant, les personnes interrogées devaient se prononcer pour la période de 2-3 ans, puis celle de 4-6 ans. Il y a au total 15 conduites : les 12 qui ont été jugées dans la première partie auxquelles s’ajoutent 3 distracteurs qui sont « Rendre l’activité ludique » (ajoutée à la liste car cette pratique n’est pas facilement quantifiable dans les films à l’aide de l’échelle proposée), « Désigner les lettres » et « Épeler les mots » (ajoutées à la liste car ce sont des pratiques qui n’ont été utilisées par aucune des deux assistantes maternelles dans les films). L’objectif est de connaître d’une part les pratiques jugées comme étant importantes lors de la lecture de celles qui au contraire ne le sont pas, et d’autre part l’importance donnée aux interventions portant sur les unités des mots par rapport à d’autres conduites.

1.2.3. Renseignements complémentaires demandés

Les participants devaient enfin préciser quelques caractéristiques personnelles : le sexe, l’âge, leur parentalité (s’ils ont des enfants et de quel(s) âge(s)), s’ils ont un travail auprès d’enfantset de quel(s) âge(s), et enfin la profession (cf. annexe 21 p. 351).

1.3. Participants et procédure

L’ORLeP-1 a été proposé à 74 personnes (moyenne = 27 ans, min = 20 ans et max = 54 ans), comportant 59 femmes et 15 hommes. La plupart sont des étudiants en quatrième année d’études de psychologie (84%), les autres étant des étudiants en psychologie à un autre niveau du cursus ou des adules travaillant dans le domaine de la psychologie (psychologues ou chercheurs en psychologie). Onze personnes (15%) ont eux-mêmes des enfants et 28 (38%) travaillent ou ont une activité bénévole avec des enfants.

Les données ont été recueillies dans trois groupes, les films ayant été contrebalancés afin de former deux versions du questionnaire.

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