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Chapitre 1 : Bibliographie

II. 3.1 Présentation de la méthode EA

L’émission acoustique est un phénomène de libération d’énergie sous forme d’ondes élastiques transitoires, résultant de micro-déplacements locaux internes au sein d’un matériau soumis à une sollicitation statique ou dynamique (norme AFNOR NF A09-350). La technique de l’émission acoustique consiste donc à détecter ces ondes élastiques afin de récupérer des

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informations en temps réel sur le comportement mécanique du matériau (Perrin 2009, Sibil 2011).

Les premières recherches menées sur l’émission acoustique ont été réalisées au début du 20ème siècle, quand les scientifiques ont rapporté la présence de sons audibles qui accompagnent la déformation des matériaux notamment le fameux « cri » de l’étain lors du maclage de ce dernier. Le véritable démarrage de la technique de l’émission acoustique est marqué par l’étude scientifique de Kaiser en 1950. L’irréversibilité des phénomènes sources d’EA appelée effet Kaiser est rapportée dans cette étude. Ensuite, la technique commence à être utilisée dans l’industrie. Le contrôle des cartes de la fusée POLARIS en 1964 présente la première application industrielle de la technique de l’EA (Boulanger 1993). Depuis 1980, la technique à été développée dans de nombreuses applications (Roget 1990). Ces dernières vont de l’investigation physique des matériaux à la surveillance en service de réservoirs et d’appareils sous pression (Lackner et Dusek 2008) en passant par la surveillance de fabrication et d’usinage (Kek et Grum 2008), la surveillance de machines tournantes et le contrôle et l’évaluation des matériaux composites (Skawinski et al. 2008).

Détection, acquisition, traitement et analyse des signaux d’EA

La détection d’une onde mécanique sur la surface d’un matériau et sa conversion en un signal d’émission acoustique sont assurées par un capteur généralement de type piézoélectrique (Roget 1988). Il existe deux grandes familles de capteurs piézoélectriques utilisés en émission acoustique (Huguet 2002). Les capteurs « large bande » qui possèdent une bande passante dans une zone étendue de fréquences allant jusqu’au MHz. La deuxième famille s’appelle « capteurs résonnants ». Ils possèdent une bande de sensibilité moins large autour d’une fréquence de résonance. Ils sont généralement plus sensibles que les capteurs « large bande » sur cette gamme de fréquence restreinte. Le choix du capteur peut être conditionné par le type d’analyse recherchée. En effet, une source d’EA ne peut être détectée par un capteur que si ce dernier possède les bonnes caractéristiques et que la source est suffisamment énergétique. Le capteur est couplé à la surface du matériau soit par la mise en place d’un fluide (classiquement un gel de silicone) et d’une pression de maintien soit par un couplage solide (colle, céramique…) soit par un couplage avec un guide d’onde interposé. Le dernier type de couplage est utilisé lorsque l’ambiance de la structure à contrôler est non- supportable par le capteur. La qualité du couplage est validée par le test normalisé Hsu- Nielsen (Nielsen 1980). L’utilisation d’un réseau de capteurs sur la même structure permet de localiser les sources émissives. En effet, en fonction des temps d’arrivée d’un signal acoustique aux différents capteurs, on peut remonter par triangulation aux coordonnées de l’événement acoustique. Ceci nécessite l’insertion de la distance entre les capteurs ainsi que la vitesse de propagation dans le logiciel d’acquisition.

En réalité, les capteurs constituent les premiers éléments d’une chaîne d’acquisition d’EA. Cette chaîne est généralement composée, en plus des capteurs, de préamplificateurs et d’un système d’acquisition (figure 34). Les préamplificateurs sont reliés directement aux capteurs. Ils permettent l’amplification et le conditionnement des signaux ainsi que l’amélioration du rapport signal sur bruit et le filtrage des fréquences non désirables. Les gains des préamplificateurs varient de 20, 40 à 60 dB (Roget 1988). Des filtres passe-haut et passe-bas peuvent être aussi incorporés afin d’optimiser le rapport signal sur bruit. Le système d’acquisition est composé d’une carte. Cette dernière permet la gestion de la configuration des paramètres d’acquisition, la numérisation des signaux et la visualisation des graphes d’acquisition. Le système d’acquisition permet enfin le stockage de ces données.

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Figure 34 : Schéma d’une chaine d’acquisition d’émission acoustique (MISTRAS 2004)

Les signaux acoustiques stockés par le système d’acquisition feront ensuite l’objet d’un traitement et d’une analyse afin de différencier les différents mécanismes sources. Pour éliminer le maximum de signaux parasites, un seuil de déclenchement est établi. Ce seuil doit permettre de s’affranchir le plus possible du bruit de fond tout en conservant le maximum d’informations provenant du matériau étudié. Le seuil est déterminé avant l’essai en utilisant les sources Hsu-Nielsen (Nielsen 1980). Outre l’élimination des sources parasites, le seuil permet également de discrétiser les signaux. Les salves discrétisées peuvent êtres caractérisées dans le domaine temporel par des paramètres de forme (figure 35a) et dans le domaine spectral par des paramètres fréquentiels (figure 35b). Les détails de différents paramètres sont fournis en annexe 1.

(a) (b)

Figure 35 : Descripteurs acoustiques (a) paramètres temporels (d’après Scida et al. 2011) (b) paramètres fréquentiels (d’après Le Gall 2016)

En exploitant les différents paramètres issus des salves acoustiques appelés aussi descripteurs, plusieurs types d’analyses peuvent être réalisés. Naturellement ces méthodes d’analyses ont évolué en concordance avec les progrès technologiques de traitement des données. Dans cette partie, on va citer les différents types d’analyses. Les résultats de ces travaux seront présentés dans les prochaines parties qui s’intéresseront au suivi par EA de l’endommagement du matériau bois et des matériaux composites.

- L’analyse temporelle : permet d’étudier l’évolution d’un descripteur de la salve en fonction du temps (Benzeggagh et al. 1992 ; Chen et al. 1992 ; Barre et al. 1994 ; Ceysson et al. 1996 ; Huguet 2002).

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- L’analyse statistique : permet la séparation des mécanismes sources d’EA à travers l’analyse des courbes de distribution cumulées des salves en fonction d’un descripteur (Boinet 2004).

- L’analyse de corrélation : consiste à tracer l’évolution d’un descripteur de salve acoustique en fonction d’un autre. Plusieurs groupes de signaux peuvent apparaitre dans cette analyse. Chaque groupe peut être attribué à un mécanisme spécifique (Saliba 2012)

- L’analyse fréquentielle: consiste à analyser le contenu fréquentiel des salves par une transformée de Fourier (De Groot et al. 1995 ; Masera et al. 2011 ; Lu et al. 2011) ou à travers une décomposition en ondelettes du signal (Subba Rao et Subramanyam 2008 ; Oskouei et al. 2009).

Les méthodes d’analyses évoquées présentent certaines limites. En effet, la variation des différents descripteurs de salve (amplitude, énergie, durée…) d’un essai à l’autre en fonction du matériau, du type de capteur, du type de couplage et du système d’acquisition empêche la transposition directe des résultats obtenus dans une étude à une autre. De plus, dans la majorité des travaux, les zones d’amplitudes associées à des endommagements spécifiques, présentent des recouvrements. Cela augmente l’incertitude d’attribution des signaux à des mécanismes d’endommagement spécifiques en se basant uniquement sur l’amplitude.

Il existe une possibilité pour contourner ce problème à travers l’analyse simultanée de plusieurs paramètres (analyse statistique multi-variables) en utilisant les outils de classification statistique.

- Analyse statistique multi-variables : La méthode d’analyse statistique multi-variables permet de déterminer les ressemblances et les différences entre les signaux en analysant simultanément plusieurs paramètres (temporels, fréquentiels). En effet, chaque signal d’émission acoustique est assimilé à un vecteur constitué de n paramètres. Grâce à l’analyse statistique multi-variables, les signaux d’EA peuvent être divisés en classes de signaux. Chaque classe peut correspondre à un mécanisme d’endommagement spécifique (Huguet 2002, Godin 2011, Sibil 2011, Hamdi 2012, Munoz 2015, Lamy 2016). Plusieurs algorithmes de segmentation sont disponibles (max-min distance, forgy, cluster, isodata, k-means…). L’algorithme k-means est le plus répandu (Papass et al. 2001; Kostopoulos et al. 2007 ; Moevus et al. 2008 ; Marec 2008 ; Hamdi 2012 ; Kempf et al. 2014 ; Munoz 2015). Le principe de cet algorithme consiste à l’optimisation de la répartition des signaux en classes de manière à ce que les classes soient les plus compactes possibles.