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CHAPITRE II : PRÉSENTATION DE LA MÉTHODOLOGIE UTILISÉE ET

2.2 Présentation de la grille d’entrevue

La création d’une grille d’entrevue semi-dirigée permet de répondre aux questions de recherche identifiées dans le chapitre d’introduction de ce mémoire35. Avant tout, la présentation d’un schéma conceptuel assure que toutes les dimensions du projet de recherche soient opérationnalisées en termes d’indicateurs et de sous-indicateurs (Tableau 2.1). Les quatre grandes dimensions identifiées sont la migration, l’identité linguistique, l’identité civique et l’identité internationale. La migration se mesure par les parcours ou les choix migratoires effectués par les répondants jusqu’à maintenant; comme elle est liée de près au parcours biographique des répondants, non seulement le parcours migratoire est investigué, mais aussi les parcours scolaire, professionnel, conjugal, reproductif et identitaire. La migration se mesure également par les intentions migratoires, qu’il s’agisse d’intentions de migrer dans une autre province canadienne ou dans un autre pays. Les comportements migratoires de l’entourage (i.e. migrants ou migrants de retour), qui selon la littérature académique font partie de l’imaginaire partagé des anglophones du Québec, se révèlent également un indicateur de la dimension « migration ». Cet indicateur permet d’étudier l’imaginaire partagé des anglophones de Québec; il permet également aux répondants de situer leurs comportements migratoires face aux autres anglophones, apportant ainsi un témoignage plus approfondi de leurs facteurs de rétention.

Des indicateurs externes et internes mesurent l’identité linguistique, civique et internationale. Breton (1994) effectue notamment cette distinction. En abordant les modalités d’appartenance aux francophonies minoritaires, Breton (1994) évoque ainsi la possibilité de faire enquête sur les dimensions externes et internes de l’appartenance ethnique :

Tableau 2.1 : Schéma conceptuel

Dimensions Indicateurs Sous-indicateurs

Migration Parcours et/ou choix migratoires Parcours biographique

● parcours scolaire ● parcours professionnel ● parcours conjugal ● parcours reproductif ● parcours identitaire ● parcours migratoire

Intentions migratoires ● migration interprovinciale ou internationale Comportements migratoires (interprovinciaux, internationaux) de l’entourage ● migrant ● migrant de retour

Identité linguistique Utilisation des langues ● bilinguisme

● utilisation des langues dans différents milieux (ex. travail, maison, lieux publiques)

● passer d’une langue à l’autre (codeswitching)

Sentiment d’appartenance

linguistique

Identité civique Implication sociale et politique Implication au sein :

● d’associations locales, nationales, internationales non politiques

● d’associations politiques Sentiment d’appartenance aux

associations, au milieu de vie et à l’histoire

● aux associations ou aux organisations dans lesquelles ils sont impliqués

● au milieu de vie (local, provincial, national, international) ● à l’histoire (locale, provinciale, nationale, internationale)

Identité internationale Participation à la communauté

transnationale ● utilisation d’Internet ● voyages ● apprentissage de plusieurs langues ● implication au sein d’associations internationales Sentiment d’appartenance à la communauté transnationale

On pourrait, par exemple, s’enquérir auprès d’individus de leur connaissance du français, de l’usage qu’ils en font dans différents contextes sociaux et de leurs efforts pour la transmettre à leurs enfants. On pourrait leur demander s’ils se considèrent comme membres de la communauté francophone, s’ils ont des liens sociaux avec des francophones, s’ils sont actifs dans la vie et les organisations du groupe et s’ils retiennent dans leur vie de tous les jours certaines des coutumes et pratiques culturelles du groupe (p. 61).

Ainsi, l’investigation porte-t-elle sur les comportements ou les habitudes linguistiques ne revêtant pas nécessairement une symbolique pour l’individu (dimension externe) et sur le sentiment d’appartenance linguistique, composé avant tout autour de référents imaginés (dimension interne). En effet, le fait de parler anglais ne permet pas de s’identifier automatiquement à la communauté anglophone.

En ce qui concerne la dimension externe, l’utilisation des langues sert de mesure à l’identité linguistique. Les sous-indicateurs sont les suivants : bilinguisme, utilisation du français et de l’anglais dans différents milieux tels que celui du travail, de la maison et des lieux publiques ainsi que le « codeswitching » (c’est-à-dire le passage d’une langue à l’autre lors d’une même conversation). L’indicateur « sentiment d’appartenance linguistique » mesure la dimension interne de l’identité linguistique; par exemple, la question « Vous identifiez-vous à une ou à des communautés linguistiques? » permet de sonder l’identité des répondants.

Quant à l’identité civique, elle se mesure également par des indicateurs externes et internes. L’indicateur externe comprend l’implication sociale et politique des répondants, que ce soit au sein d’organisations non politiques locales, nationales ou internationales, ou au sein d’organisations politiques locales, nationales ou internationales. Les indicateurs internes de l’identité civique sont les suivants :

sentiment d’appartenance aux associations dans lesquelles les répondants sont impliqués (s’ils le sont); sentiment d’appartenance à un (ou à des) milieu(x) de vie que celui-ci soit local, provincial, national ou international; et sentiment d’appartenance à l’histoire, qu’elle soit locale, provinciale ou internationale. Il est important de mentionner que les sentiments d’appartenance au milieu de vie et à l’histoire se sont rajoutés lors de la conception de l’outil de recherche. En effet, tel que l’explique Caillé, la socialisation secondaire inclut notamment l’appartenance aux grandes institutions; il cite comme exemple les identités ethnique, religieuse, politique et nationale (Caillé cité dans Dortier 1998). L’appartenance à la culture d’un milieu géographique et à l’histoire fait donc partie de l’investigation.

L’identité internationale constitue la dernière dimension du schéma conceptuel. La dimension externe de l’identité internationale comprend l’indicateur « participation à la communauté transnationale », tant sur le plan de l’utilisation d’Internet, des voyages, de l’apprentissage de plusieurs langues ou de l’implication au sein d’associations internationales. De plus, la dimension interne inclut le sentiment d’appartenance à la communauté internationale (Vous décrieriez-vous comme étant citoyen du monde?).

Ce schéma conceptuel permet alors d’établir une grille d’entrevue, et de poser des questions sondant les dimensions identifiées36 (voir annexe C). Néanmoins, ce questionnaire semi-dirigé s’est quelque peu transformé au cours des entretiens. Après chaque entrevue, une réflexion s’imposait, et l’on adoptait de nouvelles approches afin d’obtenir des témoignages approfondis. Par exemple, après quelques entrevues, la première question ne portait plus sur la migration, mais plutôt sur le parcours de vie : « My first question is quite simple : could you tell me your life story, when you were born, where and what did you do after? ». Cette question mettait les répondants plus à

36 La grille d’entrevue est rédigée en français et en anglais au cas où certains anglophones bilingues

souhaitent faire l’entrevue en français (ce qui est effectivement arrivé; quatre entrevues se sont déroulées en français).

l’aise et permettait à l’intervieweure de suivre de façon linéaire le parcours de vie de l’individu, parcours lié étroitement au parcours migratoire. De plus, l’entrevue débutait par des questions socio-démographiques, ne créant pas un climat de détente propice à l’interview. Ceci a entraîné la décision suivante : renvoyer les questions socio- démographiques à la fin de l’entrevue. Également, l’intervieweure ne posait pas les questions dans l’ordre, mais s’adaptait plutôt au témoignage des répondants afin de pouvoir suivre leur logique et approfondir certains aspects lorsqu’ils étaient abordés37.

La majorité des entrevues (14 sur 18) se passaient en anglais. Bien que l’anglais ne soit pas la langue maternelle de l’intervieweure, elle possédait un niveau de bilinguisme suffisamment élevé pour mener à bien l’enquête. A suivi ensuite la transcription des entretiens; cependant, à quelques endroits, il était impossible à l’intervieweure de transcrire certains mots, problème parfois dû à une mauvaise qualité de l’enregistrement ou à une mauvaise compréhension (ex. l’accent anglais prononcé des répondants, notamment l’accent américain). Néanmoins, ce problème mineur n’a pas empêché une compréhension approfondie des entrevues en vue de l’analyse.

Les entrevues individuelles ont duré entre 1h15 et 2h, en fonction du temps dont le répondant disposait et de la générosité du témoignage. Les entrevues se déroulaient sur les lieux mêmes de travail des répondants durant l’heure du lunch ou à la fin de la journée, ces heures leur convenant mieux. Quelques entrevues ont eu lieu dans le bureau du chercheur.

37 Lors des premières entrevues, l’intervieweure a senti qu’une distance se creusait entre elle et certains

répondants. Afin de mettre les anglophones interrogés en confiance, l’intervieweure mentionnait aux répondants en début d’entrevue qu’elle avait fait ses études universitaires à Concordia afin d’apprendre l’anglais, et que la communauté anglophone du Québec est un sujet qui la passionne. Cette mention a semblé avoir un impact positif sur le climat des entrevues subséquentes, les témoignages devenant plus complets.

Avant d’entamer l’entretien, l’intervieweure présentait au répondant une fiche décrivant la recherche et un formulaire de consentement (voir annexes D et E). Dans le but de mettre les informateurs en confiance et ainsi obtenir un témoignage approfondi, l’intervieweure mettait l’accent sur l’acceptation du projet de recherche par le Comité d’éthique de recherche de l’Université Laval et sur la confidentialité de l’entrevue. Elle mentionnait aux interviewés que des précautions seraient prises afin que leur identité ne soit en aucun cas reconnue lors de la publication du mémoire.