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1. Introduction

1.4. Les cytochromes de type c

1.4.1. Présentation générale

Les cytochromes de type c sont des métalloprotéines de l’espace inter-membranaire, comprenant un hème comme groupe prosthétique. Il s’agit donc d’hémoprotéines caractérisées par la fixation covalente d’un hème à une apoprotéine. Elles permettent, entre autre, la translocation d’électrons à partir du complexe III jusqu’au complexe IV (Hamel et al., 2009; Klodmann et al., 2011). Les cytochromes de type c sont généralement recrutés dans des réactions de transfert d'électrons et leur activité d’oxydo-réduction est déterminée par le changement de valence de l'atome de fer dans le cofacteur hème (Fe3+ à Fe2+). Ils constituent une famille de molécules structurellement diverses que l’on retrouve du côté positif de la membrane interne mitochondriale (Howe & Merchant, 1994; Allen et al., 2003; Hamel et al., 2009). Il existe deux types de cytochromes de type c ; l’un étant soluble (cytochrome c) et faisant la navette entre les complexes respiratoires III et IV et l’autre ancré dans la membrane interne (cytochrome c1) et faisant partie du complexe III (Howe & Merchant, 1994).

1.4.2. Import et maturation des cytochromes de type c

1.4.2.1. Maturation en holocytochromes de types c

Les holocytochromes c (cytochromes c matures) se trouvent à un endroit différent de celui d’où proviennent les apoprotéines et le cofacteur hème. L’hème et les apocytochromes (cytochromes c immatures) sont transportés indépendamment jusqu’à la face positive de la membrane interne et maintenus sous forme réduite jusqu’à qu’ils soient associés, ce qui constitue l’étape terminale du processus de maturation (Hamel et al., 2009). Il existe cinq systèmes d’assemblage des cytochromes de type c. Le système I est présent chez E. coli et les mitochondries de plantes, le système II chez B. pertussis et le système III chez les mitochondries de S. cerevisiae (Kranz et al., 1998; Nakamoto et al., 2000; Thöny-Meyer, 2002; Stevens et al., 2005; Hamel et al., 2009). Deux autres systèmes, IV et V, ont également été décrits. Le système IV concerne les mitochondries du trypanosome et de

Leishmania (Allen et al., 2004), tandis que le système V se réfère à la voie CCB (Cytochrome

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complexe b6f des cyanobactéries et des eucaryotes photosynthétiques (Kuras et al., 1997, 2007; Lyska et al., 2007).

1.4.2.2.Organisation modulaire de la machinerie de maturation

des cytochrome de type c

La machinerie de maturation des cytochromes de type c a été décrite comme étant modulaire. Trois modules fonctionnels sont intégrés dans la membrane interne et prennent en charge leur maturation coordonnée (Figure 13). Le module 1 transporte l’hème à travers la membrane pendant que le module 2 transporte et chaperonne les apocytochromes c compétents pour la ligation. Le module 3 piège les substrats (l’hème et l’apocytochrome c, fournis respectivement par les modules 1 et 2) et catalyse la liaison thioéther entre l’hème et l’apocytochrome c (Verissimo & Daldal, 2014).

Figure 13 - Organisation fonctionnelle générale de la machinerie de maturation des cytochromes de type c (Verissimo & Daldal, 2014)

Module 1 : Translocation de l’hème

Module 2 : Translocation de l’apocytochrome c Module 3 : Ligation de l’hème à l’apocytochrome c

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1.4.2.3.Le système I de maturation des cytochromes de type c

Le système I de maturation des cytochromes de type c (aussi appelé système Ccm pour Cytochrome c maturation) est celui utilisé par les mitochondries végétales (Figure 14), mais aussi par les α- et γ-protéobactéries, les archae et les algues rouges. La fonction des protéines Ccm a été caractérisée principalement chez E. coli. Il existe huit à neuf protéines Ccm, de CcmA à CcmH ou CcmI (Stevens et al., 2005; Verissimo & Daldal, 2014).

Les protéines CcmA et CcmB constituent le transporteur ABC d’un substrat inconnu mais essentiel pour le processus de maturation, et sont également impliquées dans le relargage ATP-dépendant de la forme holo de la chaperonne CcmE (Stevens et al., 2005; Rayapuram et al., 2007; Sanders et al., 2010). CcmC est impliquée dans la délivrance de l’hème à la chaperonne CcmE (Spielewoy et al., 2001; Ren & Thöny-Meyer, 2001). CcmD est une petite protéine membranaire facilitant les interactions entre les autres protéines Ccm, en particulier entre CcmC et CcmE (Ahuja & Thöny-Meyer, 2005). CcmF forme un complexe avec CcmE et CcmH et facilite le transfert de l’hème à partir de CcmE jusqu’à l’apocytochrome c (Ren et al., 2002). Les protéines CcmG et CcmH sont impliquées dans le contrôle de la réduction des cystéines de l’apocytochrome c (Meyer et al., 2005; Fabianek et al., 2000). Et enfin, la protéine CcmI pourrait, avec CcmF et CcmH, lier l’apocytochrome c (Sanders et al., 2010).

1.4.2.4.Les spécificités du système I chez les mitochondries

végétales

1.4.2.4.1. Scission du gène CcmF

Chez la bactérie, la protéine CcmF est codée par un gène unique, CCMF, qui se présente sous forme scindée dans les génomes des mitochondries végétales. Dans la plupart des cas, le gène est scindé en deux gènes CCMFN et CCMFC. De manière exceptionnelle, le gène CCMFC est de nouveau divisé en deux gènes chez l’hépatique des fontaines Marchantia

polymorpha (Oda et al., 1992). Le gène CCMFN est quant à lui scindé en deux gènes CCMFN1

et CCMFN2 chez les Brassicaceae (Unseld et al., 1997; Handa, 2003; Park et al., 2013). Le seul évènement de scission du gène CCMF en dehors des Brassicaceae est retrouvé chez l’oignon (une espèce monocotylédone), où il est également présent sous forme de deux gènes CCMFN1 et CCMFN2. Bien que les positionnements des scissions soient proches, le point

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de cassure exact est différent entre les Brassicaceae et l’oignon, ce qui indique que deux événements de coupure indépendants ont eu lieu au cours de l’évolution (Kim et al., 2016).

Chez l’oignon comme chez Arabidopsis, les ARNm ccmFN1 et ccmFN2 sont transcrits séparément et ne montrent pas de signe de trans-épissage (Forner et al., 2007; Kim et al., 2016). L’ARNm ccmFN1 ne possède pas de codon stop chez l’oignon, alors qu’il en a un chez Arabidopsis (Unseld et al., 1997; Kim et al., 2016). Chez Arabidopsis, les trois protéines issues du clivage du gène CCMF forment un complexe et cela doit certainement être aussi le cas pour les autres espèces chez lesquelles ce gène est clivé (Rayapuram et al., 2008; Kim et al., 2016). Ce complexe formé par les protéines CcmF interagit avec la protéine CcmH, comme chez la bactérie (Rayapuram et al., 2008).

1.4.2.4.2. Autres spécificités

Toutes les protéines Ccm bactériennes sont codées par un seul locus correspondant à un opéron tandis que chez les mitochondries de plantes, ces protéines sont codées à la fois par le génome nucléaire (CcmA, CcmE et CcmH) et par le génome mitochondrial (CcmB, CcmC, CcmFN1, CcmFN2 et CcmFC). De plus, seules six des huit à neuf protéines Ccm bactériennes sont retrouvées chez les plantes ; les protéines CcmD, CcmG et CcmI sont manquantes (Giegé et al., 2008). Il est possible que les fonctions remplies par ces gènes soient redondantes avec des fonctions déjà remplies par des gènes de plantes, et qu’ils aient donc été perdus pendant l’évolution, sans préjudice pour la maturation des cytochromes de type c (Giegé et al., 2008).

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Figure 14 - Schéma du système I de maturation des cytochromes de type c (Hamel et al., 2009).

1.4.2.5.Import des apocytochromes c et c1

Les apocytochromes c et c1 sont codés par des gènes nucléaires et importés post-traductionnellement dans l’espace inter-membranaire mitochondrial par des mécanismes distincts (Hamel et al., 2009). L’import de l’apocytochrome c requiert l’intervention des composants de la machinerie TOM (Translocase of the Outer Membrane) de la membrane externe, ainsi que le complexe CCHL (Cytochrome C Heme Lyase) qui joue le rôle de récepteur sur la face interne de la membrane externe et permet à l’holocytochrome c d’adopter la bonne conformation (Hamel et al., 2009). L’apocytochrome c1 est aussi importé dans la mitochondrie via la machinerie de translocation TOM à laquelle s’ajoute la machinerie TIM (Translocase of the Inner Membrane) (Zolliner et al., 1992; Arnold et al., 1998). Chez la levure et le champignon, la translocation de l’apocytochrome dans l’espace inter-membranaire se fait par le biais de protéoliposomes (Mayer et al., 1995; Diekert et al., 2001; Wiedemann et al., 2003).

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1.4.2.6.Délivrance de l’hème

La délivrance de l’hème chez les mitochondries végétales fait intervenir les protéines CcmA, CcmB, CcmC et CcmE ; cette dernière étant capable de lier l’hème covalemment (Schulz et al., 1998). Des expériences chez E. coli ont montré que l'hème est lié de manière transitoire à CcmE et transmis à l'apocytochrome c, d'où son appellation de protéine chaperonne (Hamel et al., 2009). Bien que la présence de CcmC soit nécessaire et suffisante pour charger l’hème sur CcmE, la présence des autres protéines Ccm est requise pour transférer l’hème de CcmE à l’apocytochrome c (Schulz et al., 1999; Ren & Thöny-Meyer, 2001). Le modèle actuel propose que CcmE fasse la navette entre CcmC et CcmF pour la délivrance de l’hème et que CcmF et CcmH promeuvent la ligation de l’hème à l’apocytochrome c (Ren et al., 2002; Hamel et al., 2009).

Dans la mesure où le substrat du transporteur ABC est inconnu, deux modèles de fonctionnement ont été proposés le concernant. Dans le premier, il est proposé qu’il agisse plutôt en libérant la chaperonne CcmE que comme un réel transporteur, l’hydrolyse de l’ATP par CcmA induisant un changement de conformation du transporteur. Ce changement de conformation serait capable de promouvoir en retour la libération de l’holo-CcmE, permettant la libération ultérieure de l’hème de l’apocytochrome (Hamel et al., 2009). Dans le second modèle, la libération de l’hème de l’holo-CcmE est dépendante du substrat transporté par le transporteur ABC et requise pour la liaison de l’hème l’apocytochrome. Dans ce modèle, en l’absence du substrat, le processus de maturation avorte (Hamel et al., 2009).

1.4.2.7.Ligation de l’hème

La CCHL est définie comme l’enzyme catalysant l’étape terminale de la voie de synthèse de l’holocytochrome. Cette étape consiste en la formation de deux liaisons thioéther entre l’hème et l’apocytochrome c (Hamel et al., 2009). Dans le système I de maturation des cytochromes de type c, les protéines CcmFN1, CcmFN2, CcmFC et CcmH interagissent sous forme de complexe pour permettre la ligation de l’hème à l’apocytochrome et constituent les composants de l’hème lyase (Rayapuram et al., 2008; Giegé et al., 2008; Hamel et al., 2009). Il a été proposé que le complexe CCHL ne catalyse pas l’attachement covalent de l’hème à l’apocytochrome c à proprement parler, mais qu’il soit plutôt impliqué dans la stabilisation des apocytochromes c et c1 dans des conformations spécifiques, en

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maintenant les cystéines et/ou l’hème sous forme réduite, et en permetant la présentation de l’hème aux apocytochromes c et c1 (Hamel et al., 2009).