FRENCH SUMMARY
1. Présentation du travail (Introduction et Partie I)
1.1. Contexte et objectifs de la thèse
Les benzodiazépines sont des médicaments psychotropes essentiellement utilisés pour leurs effets anxiolytiques et hypnotiques.82 Leur consommation est particulièrement élevée chez les
femmes et les personnes âgées.207 La réglementation Française à l’instar de la plupart des pays
industrialisés suggère des indications spécifiques et des utilisations de courte durée (n’excédant pas quelques semaines ou mois), particulièrement du fait du risque de syndrome de sevrage rendant l’interruption du traitement difficile.82 De plus, ces médicaments se caractérisent par un
épuisement de leur effet à long terme.77 Malgré cela, le recours à ces médicaments est bien
souvent chronique particulièrement chez les sujets âgés chez lesquels des durées de plusieurs années sont fréquemment observées.207 210 Chez les personnes âgées, outre le risque de chutes et
de fractures,76 les effets délétères des benzodiazépines sur la mémoire et la cognition135 202 211 212
sont particulièrement préoccupants compte tenu de leur plus grande vulnérabilité neurocognitive.134
La démence se caractérise par une détérioration graduelle et irréversible des fonctions cognitives. La maladie touche 36 millions de personne dans le Monde.3 Elle constitue la
principale cause d’invalidité aux âges élevés de la vie et participe à un fardeau sociétal appelé à devenir de plus en plus préoccupant du fait du vieillissement de la population.3 4 Comme cette
maladie ne bénéficie pas à l’heure actuelle de traitement curatif, il paraît crucial d’identifier et d’agir sur les facteurs de risque modifiables. Dans ce contexte, nous nous sommes intéressés à la consommation de benzodiazépines. D’une part, car elles constitueraient un facteur de risque possible de la maladie compte tenu de leurs effets délétères sur la cognition connus à court terme,135 138 211 plus controversés sur le long terme.137 D’autre part, parce qu’une association de
type causal entre benzodiazépines et démence aurait un impact dramatique en terme de nombre de nouveaux cas en excès (du fait des prévalences très élevées de l’usage des benzodiazépines et de la démence chez les sujets âgés) avec des conséquences catastrophiques du fait de la sévérité et des coûts engendrés par cette maladie.3
L’objectif principal de ce travail était d’étudier la relation entre consommation de benzodiazépines et risque de démence chez la personne âgée. Nous avons d’abord réalisé une revue de la littérature dans le but d’identifier les travaux préexistant sur le sujet et de faire un bilan des connaissances (Partie II). Ces études se heurtant à des difficultés méthodologiques non résolues, nous avons cherché à réévaluer la relation entre benzodiazépines et démence d’abord en utilisant les données issues d’une cohorte en population (PAQUID, Partie III), puis en utilisant
FRENCH SUMMARY -‐ Présentation du travail (Introduction et Partie I) les informations issues de la base de données de remboursement de la Régie de l’Assurance Maladie du Québec (RAMQ, Partie IV). Quelques questions émergeant des travaux sur PAQUID et la RAMQ ont donné lieu à des études supplémentaires (Partie V). L’ensemble des travaux réalisés nous a conduit à émettre des arguments concernant la question de la possibilité d’une relation de type causal entre consommation de benzodiazépines et risque de démence et de ses conséquences pour la santé publique (Partie VI).
1.2. En quoi la recherche d’un lien entre la consommation de benzodiazépines et risque
ultérieur de démence est-‐elle rendue complexe ?
Etudier la relation entre la consommation de benzodiazépines et la démence relève d’un véritable défi méthodologique. Premièrement, un essai clinique avec tirage au sort étant éthiquement inacceptable, répondre à la question d’un possible lien de cause à effet n’est possible que par le biais d’études observationnelles ce qui signifie que leurs résultats seront toujours mis en doute dès qu’il s’agit de répondre en termes de causalité. Deuxièmement, compte tenu de la longue phase de latence infra-‐clinique de la démence (10 ans ou plus bien que non encore parfaitement connue, ce qui élève encore le niveau de complexité), une étude cherchant à évaluer la possibilité d’un lien causal devrait considérer des variables comme l’exposition médicamenteuse ou les facteurs de risque plus d’une décennie avant le diagnostic de la maladie ce qui demande de disposer d’un très long suivi, ce qui n’est pas aisé, surtout dans une population âgée. Troisièmement, malgré certaines contradictions, les données de la littérature indiquent une prévalence plus élevée de symptômes de type anxiété, dépression ou insomnie dans les années précédant le diagnostic de démence ou en association avec le diagnostic de Mild Cognitif Impairment (MCI).29 139 140 Malheureusement, l’état actuel des
connaissances ne permet pas de déterminer une limite chronologique précise en deçà de laquelle de tels symptômes seraient trop précoces pour être considérés comme des prodromes de la maladie. Cette question est majeure puisque ces symptômes correspondent aux principales raisons de prescrire des benzodiazépines. Conclure à une association entre consommation de benzodiazépines et démence indépendamment d’un biais protopathique (les benzodiazépines n’étant pas la cause de la maladie mais prescrites en raison de ces signes avant-‐coureurs) s’avère donc délicat. Quatrièmement, la force de l’association attendue est faible et atteindre la significativité statistique après avoir considéré l’ensemble des facteurs de confusion potentiels est problématique à moins de disposer d’échantillons de tailles considérables.
L’approche observationnelle (seule faisable) la plus parfaite possible exigerait donc (en dehors d’un protocole très abouti) :
FRENCH SUMMARY -‐ Présentation du travail (Introduction et Partie I) − Une grande taille d’échantillon pour disposer de la puissance statistique suffisante pour étudier la force de l’association pour différents profils d’utilisation, différents types de benzodiazépines et l’influence de certains « facteurs de risque ».
− Un suivi très prolongé (idéalement plus de 15 ans) pour tenir compte de la phase de latence de la démence. Minimiser le biais protopatique suppose en effet de s’intéresser aux sujets ayant débuté leur traitement sans que l’on puisse soupçonner qu’il ait été motivé par des prodromes précoces de la maladie (anxiété, dépression, troubles du sommeil).
− Un niveau d’exposition aux benzodiazépines suffisant dans la population source de l’échantillon avec une grande variété de types d’exposition (exemple : durée, types de molécules) pour étudier la force de leur association avec la survenue d’une démence.
− Un échantillon représentatif de la population générale pour rendre l’extrapolation des résultats et conclusions peu critiquables.
− Un diagnostic fiable et reproductible de la démence (et si possible des différents types de démence ayant certainement des mécanismes physiopathologiques et des facteurs de risque distincts).
− Une fiabilité et une description précise de l’exposition aux benzodiazépines, et ce pour tous les sujets et tout au long du suivi.
− Une faible proportion de perdus de vue et une documentation des causes d’arrêt de suivi, ceci pour minimiser les biais de sélection et celui de déplétion des sujets à risque.
− Une documentation précise et fiable, pour tous les sujets, des pathologies intercurrentes, des éventuels facteurs de risque de démence ou des facteurs pouvant être protecteurs ainsi que de toutes les caractéristiques et variables pouvant avoir un intérêt pour juger de la comparabilité des groupes et permettre la neutralisation d’éventuelles différences de répartition (par ajustement, score de propension, etc.).
− Des tests fiables, pratiqués de manière répétée et rapprochée sur l’ensemble des sujets tout au long du suivi pour renseigner le niveau des fonctions cognitives (tests psychométriques évaluant l’ensemble des capacités cognitives (MMSE), celui des facultés cérébrales plus spécifiques (fluidité verbale, fonctions visuo-‐spatiales, mémoire visuelle, etc.), et le niveau d’anxiété, de troubles du sommeil et de symptômes dépressifs.
FRENCH SUMMARY -‐ Revue de la littérature (Partie II)