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Présentation du toucher léger

1.4 Le toucher léger

1.4.1 Présentation du toucher léger

La notion de toucher léger a été introduite an de conrmer l'hypothèse que formu-laient les auteurs de [Jeka and Lackner, 1994] à propos de l'utilisation d'une canne par les personnes âgées. Ils cherchaient à conrmer que l'utilisation d'une canne n'apporte pas uniquement un soutien mécanique et un troisième appui agrandissant le polygone de sustentation ; mais aussi des informations sensorielles supplémentaires sur l'état postural de l'utilisateur.

Pour cela, ils demandent à plusieurs sujets de s'installer debout sur une plateforme de force en position du tandem Romberg (les pieds l'un derrière l'autre, ce qui favorise le balancement dans l'axe médio-latéral) (voir gure 1.12a). Une barre xe équipée d'un

capteur d'eort est placée dans l'axe médio-latéral. Les variations de position du centre de pression sont mesurées lors de diérentes conditions. Il est demandé tour à tour au sujet de ne pas toucher, toucher légèrement la barre (eort normal < 1N, une sonnerie retentit si l'eort est dépassée) et la toucher sans instruction sur l'eort. Chacune ces conditions est testée en demandant au sujet de garder les yeux fermés ou ouverts.

Il en résulte que dans le cas où les sujets ont les yeux ouverts, l'amplitude moyenne des variations du centre de pression dans l'axe médio-latéral est divisée par environ 2 lors de l'apport du toucher léger par rapport à l'absence de toucher. Ce rapport vaut environ 3 dans le cas où les yeux sont fermés (gure 1.12b). On peut constater que l'apport du toucher léger est sensiblement le même que celui de la vision. En eet, sans toucher, l'amplitude moyenne des variations du centre de pression les yeux ouverts est elle aussi divisée par environ 2 par rapport à la même condition les yeux fermés.

De manière intéressante, l'application d'un eort plus grand n'a pas plus d'eet stabi-lisant qu'un toucher léger. Ainsi même si les eorts appliqués lors du toucher léger sont très faibles (en moyenne 0, 4N) et ne permettent donc pas un support mécanique, la diminution apportée au balancement postural correspond à celle apportée par un eort plus important (en moyenne 5N lorsqu'il n'y a aucune instruction sur l'eort).

Lors des deux cas de toucher "fort" ou léger, les corrélations entre les variations de positions du centre de pression dans l'axe médio-lattéral et les eorts dans le même axe sont importantes (respectivement 0, 8 et 0, 6 en moyenne, voir gure 1.12c). Les retards observés passent d'une moyenne de 300ms en toucher léger à une moyenne de 100ms dans le cas du toucher fort (voir gure 1.12c). Dans le cas du "toucher fort", la corré-lation plus importante et le retard plus faible entre les variations de positions du centre de pression et les eorts semblent indiquer que les eorts sur le doigt agissent méca-niquement contre le balancement postural. À l'inverse, la corrélation moins importante et les retards plus grands dans le cas du toucher léger semblent indiquer un processus d'intégration sensorielle de cette information liée au balancement postural an de créer une action anticipatrice permettant de lutter contre le déséquilibre.

(a) (b) (c)

Figure 1.12  [Jeka 94] (a) Dispositif expérimental / (b) Amplitude moyenne des variations du centre de pression dans l'axe antéro-postérieur pour tous les sujets dans chacune des conditions (yeux ouverts/ yeux fermés sans contact, avec toucher léger et avec toucher fort / (c) Corrélations et retards en fonction des conditions (V : yeux ouverts, D : yeux fermés, T : toucher léger et F : toucher fort)

Dans [Clapp and Wing, 1999] ces résultats sont vériés et étendus au balancement dans le plan antéro-postérieur avec les pieds parallèles et espacés de 12cm où le toucher léger se fait avec une surface xe placée devant les sujets. Les auteurs observent alors que la diminution du balancement postural est principalement active dans l'axe favorisé de balancement (axe antéro-postérieur avec cette position des pieds) (voir gure 1.13a). Cette notion de toucher léger a beaucoup été étudiée, notamment car elle peut aider à comprendre comment les personnes âgées ( [Albertsen et al., 2010]) et/ou les non-voyants ( [Jeka et al., 1996]) se servent de leur canne comme soutien et/ou comme outil pour s'orienter mais aussi pour mieux s'équilibrer. Dans [Albertsen et al., 2010], les auteurs montrent qu'il est possible d'observer des diminutions du balancement postural dans l'axe antéro-postérieur du même ordre de grandeur dans le cas où les sujets tiennent légèrement une canne xée au deux extrémités (condition très proche de celle du toucher léger testée précédemment) et dans le cas où la canne n'est xée que dans l'axe antéro-postérieur au niveau du sol (condition correspondant à une canne classique) (voir gure 1.13b). De la même manière dans [Dickstein, 2005], les auteurs montrent qu'un toucher léger des deux mains sur deux poignées stabilise plus qu'un toucher léger avec une seule main, introduisant ainsi le fait que cette information sensorielle supplémentaire jouerait un rôle dans l'assistance fournie par un déambulateur.

(a) (b)

Figure 1.13  (a) [Clapp1999] Écart type des variations de position du centre de pression selon les deux axes horizontaux (LR : médio-latéral et AP : antéro-postérieur) en fonction des conditions (NCV : aucun contact avec les yeux ouverts, NC : aucun contact avec les yeux fermés et LC : toucher léger avec les yeux fermés) / (b) [Albertsen2010] Moyenne quadratique des variations de position du centre de pression dans l'axe antéro-postérieur en fonction des conditions (QS : aucun contact avec les yeux ouverts, LG : prise légère d'une canne xée au deux extrémités et CB : prise légère d'une canne bloquée dans l'axe antéro-postérieur au niveau du sol, cette dernière condition est la plus proche de l'utilisation d'une canne).

Il a d'ailleurs été prouvé dans [Baccini et al., 2007] que la diminution du balancement postural apportée par le toucher léger était autant voire plus grande pour des personnes âgées que pour des personnes jeunes (environ10% de diminution supplémentaire), les auteurs supposent que les informations que peut procurer le toucher léger aideraient ainsi à contrebalancer la perte de sensibilité dans les membres inférieures due à l'âge (proprioception des chevilles et récepteurs tactiles sous les pieds). Par ailleurs il a été montré que l'inuence du toucher léger sur la posture était présente dans le cas de plu-sieurs pathologies aectant l'équilibre ( [Baldan et al., 2014] pour une revue).

Le toucher léger diminue donc le balancement postural lors d'une station debout non perturbée mais il permet aussi d'annuler ou du moins fortement diminuer les ef-fets de perturbations externes ( [Lackner, 2000, Dickstein et al., 2003, Johannsen et al., 2007,Hausbeck et al., 2009]). Dans [Lackner, 2000], la déstabilisation apportée lorsqu'une vibration est appliquée au niveau des tendons des muscles bulaires long et court est ainsi fortement réduite. Dans [Hausbeck et al., 2009], le balancement postural, augmenté par la mise en mouvement de la scène visuelle, se trouve réduit de 45% par l'apport d'un toucher léger.

Par ailleurs, il est à noter que l'apport d'un toucher léger aide aussi lors de la marche où il peut permettre de diminuer la variation de la longueur de foulée ou encore améliorer la stabilité du centre de masse ( [Dickstein and Laufer, 2004, Fung and Perez, 2011,

Ko-desh et al., 2015,Perez, 2010]).