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III.2.1 Caractéristiques générales

W3 est un modèle spectral d’état de mer à phase moyennée. Ce type de modèle a d’abord été développé pour des échelles de variation du champ de vagues très grandes devant la longueur d’onde [Gelci et al., 1957]. Toutefois, cette modélisation s’avère également pertinente à plus petite échelle [e.g., Magne et al., 2007; Michaud et al., 2012; Ardhuin et al., sous presse, 2012], tant que les phases des différentes composantes du champ de vagues peuvent être considérées comme aléatoires. Les variables d’état du modèle sont les densités spectro-angulaires de l’énergie des vagues E(x, t; f, θ), ou de manière équivalente le spectre d’action A(x, t; k, θ) = E(x, t; f, θ)× df/dk/σ. L’écriture du bilan radiatif des vagues sous forme d’action permet de supprimer le terme d’échange d’énergie entre les vagues et le courant, qui entre en jeu lorsque la propagation s’effectue dans un courant variable, car cet échange d’énergie a lieu avec une action constante.

La particularité de W3 par rapport au code SWAN, beaucoup plus employé en zone côtière (essentiellement pour des raisons pratiques), est la résolution du bilan radiatif par morceaux : l’advection spatiale, l’advection spectrale et l’intégration du terme source sont calculées avec des pas de temps différents et adaptés. Cette méthode est proche de celle déjà employée dans WAM [WAMDIGroup, 1988] et TOMAWAC [Benoit et al., 1996]. Cette solution offre la possibilité d’utiliser des schémas d’advection non-linéaires d’ordre élevé, qui restent monotones, alors que SWAN opère une "renormalisation" des valeurs négatives causées par ses schémas non-monotones. Ainsi, dans SWAN, l’énergie est redistribuée dans l’espace des directions pour supprimer ces valeurs négatives, ce qui a tendance à élargir les spectres directionnels.

W3 est actuellement développé par un consortium autour de la branche marine du service météorologique des Etats-Unis (NOAA/NCEP/MMAB), avec une forte implication de l’Ifremer, du Naval Research Laboratory, et de l’Université de Darmstadt. W3 a été validé à plusieurs reprises aussi bien dans le domaine hauturier [e.g., Tolman, 2002b; Ardhuin et al., 2008a, 2010] que côtier et littoral [e.g., Michaud, 2011; Michaud et al., 2012; Filipot and Ardhuin, 2012]. On se propose dans cette section d’exposer succinctement les caractéristiques du modèle W3 et le paramétrage utilisé dans le présent travail1. Une description complète est fournie par Tolman [2009].

III.2.2 Equations du modèle

Le code W3 est utilisé ici dans sa version 4.04 [Tolman, 2008, 2009; Ardhuin et al., 2010]. Le bilan radiatif de l’action des vagues est exprimé sous la forme

DA Dt =

S

σ, (III.1)

où S regroupe les termes source/puits d’énergie des vagues. La dérivée Lagrangienne constituant le membre de gauche de (III.1) est le taux de variation de A en suivant les groupes de vagues dans l’espace physique et dans l’espace spectral. Ce terme peut être décomposé en DA Dt = ∂A ∂t + ∂ [(Cg,α+ UA,α)A] ∂xα + ∂(CkA) ∂k + ∂(CθA) ∂θ , (III.2)

où Cg et UA sont les vitesses de groupe et d’advection des phases respectivement, introduites au chapitre précédent ; Ck et Cθ sont les vitesses de propagation de A dans l’espace spectral. Le deuxième terme du membre de droite représente donc l’advection de A dans l’espace physique et les deux derniers termes représentent l’advection de A dans l’espace spectral. Cette advection spectrale permet notamment de représenter

les modifications de la direction (réfraction), de la longueur d’onde et de la période que peuvent subir des vagues se propageant au-dessus de variations du fond et/ou du courant.

Le terme source/puits S est décomposé en différentes contributions selon

S = Satm+ Snl+ Soc+ Sbot. (III.3) Dans cette décomposition :

 Satm est un terme d’interaction avec l’atmosphère, intégrant notamment la génération par le vent ;

 Snl représente l’effet des interactions non-linéaires entre vagues. Dans le cas du code W3, il s’agit des interactions entre quadruplets résonnants. Les interactions entre triplets résonnants en eau peu profonde (triad) ne sont pas prises en compte ;

 Soc est un terme de dissipation, qui peut être décomposé en une contribution de la dissipation en eau profonde Sds (moutonnement, viscosité) et une contribution du déferlement bathymétrique en eau très peu profonde Sdb;

 Sbotest un terme de dissipation par interaction avec le fond (frottement).

W3 offre le choix de différents paramétrages pour chacun de ces termes, dont une description détaillée est fournie par Tolman [2009]. Dans le présent travail, W3 est utilisé avec le paramétrage proposé par Bidlot et al. [2005]. Le terme Satm est ainsi issu du paramétrage de Janssen [1991] et le terme de dissipation Sdsa été adapté à partir de Komen et al. [1994]. Les interactions entre quadruplets Snlsont modélisées par l’approximation des interactions discrétisées [Hasselmann et al., 1985]. Cette combinaison des trois termes dominants en eau profonde donne des résultats satisfaisants dans notre zone d’étude. Il convient de noter que d’autres paramétrages peuvent donner des résultats sensiblement meilleurs, en particulier à l’échelle globale [Ardhuin et al., 2010].

En eau peu profonde, les termes Sbot et Sdb deviennent très importants. Le frottement au fond Sbotest prescrit selon la formulation linéaire JONSWAP [Hasselmann et al., 1973], paramétrée par un coefficient de frottement Γ constant. La contribution de la diffusion des vagues par le fond est ici négligée. Le terme de déferlement bathymétrique est celui proposé par Battjes and Janssen [1978] : Sdb est paramétré par une probabilité de déferlement QB et une hauteur maximum des vagues déferlantes Hmax. Cette dernière est liée à la hauteur d’eau D par

Hmax= γD, (III.4)

où γ est un paramètre de déferlement. Le choix de γ contrôle donc fortement la détermination de Sdb. Les paramètres de frottement et de déferlement bathymétrique

ont fait l’objet d’une calibration spécifique à notre zone d’étude.

III.2.3 Aspects numériques

L’équation (III.1) est résolue par W3 pour chaque composante spectrale (k, θ). L’énergie totale de l’état de mer est ensuite obtenue par sommation de l’énergie de chacune des composantes spectrales. L’état de mer est ainsi considéré comme une superposition quasi-linéaire de trains de vagues, qui peuvent toutefois interagir entre eux à travers le terme source Snl. W3 utilise une discrétisation régulière des directions et une discrétisation fréquentielle exponentielle de la forme fi+1 = ∆fi, où ∆ est la résolution fixée par l’utilisateur (∆ = 1.1 est le plus souvent utilisé). La discrétisation fréquentielle étant fixe dans le temps et dans l’espace, la discrétisation en nombre d’onde, elle, varie avec la profondeur puisque f et k sont reliés par la relation de dispersion linéaire [La-place, 1776]. Ce procédé permet d’éviter la réduction de la résolution spectrale en eau peu profonde [Tolman, 2009]. Pour des raisons d’optimisation du temps de calcul, l’intégration de (III.1) n’est réalisée que jusqu’à une fréquence maximum fmax (cut-off frequency), au-delà de laquelle la forme du spectre est supposée connue et régulière (généralement en f5).

Comme mentionné précédemment, la résolution numérique effectuée par W3 est basée sur le principe de séparation des modes, c’est-à-dire que tous les processus intervenant dans (III.1) ne sont pas résolus simultanément. Le pas de temps est subdivisé en une série d’étapes traitées de manière séquentielle : une étape d’advection dans l’espace physique, une étape d’advection dans l’espace spectral et une étape d’intégration des termes sources. Un pas de temps de calcul spécifique est attribué à chacune de ces étapes. Ce procédé diffère par exemple de la résolution globale itérative effectuée par le code SWAN [Booij et al., 1999]. La séparation des modes offre la possibilité d’utiliser des schémas numériques faiblement diffusifs, comme le schéma Ultimate Quicktest [Tolman, 2009] employé dans le présent travail. La contrepartie est une plus forte contrainte sur le pas de temps, notamment pour l’advection dans l’espace physique, ainsi que la nécessité de corriger l’effet ”arroseur de jardin” [Tolman, 2002c; SWAMP Group, 1984], engendré par la discrétisation spectrale des équations.

III.3 Présentation du modèle numérique de

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