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Le Maroc renferme de nombreux gisements de nature et d'âge différents. Certains gisements présentent des liens étroits avec des phases géodynamiques particulières ce qui amène à parler d'époques métallogéniques (Barodi et al., 2002). C'est le cas, par exemple, des gisements péri-batholitiques du Maroc central (ex. gisement Sn d'El Karit, gisement de fluorine d'El Hammam, gisement Pb de Tighza) qui sont intimement associés aux granites syn- à tardi-varisques. Nous pouvons également citer dans la Meseta occidentale, le rôle du volcanisme pré-varique qui est accompagné de la formation de massifs sulfurés volcanogènes (ou VMS; ex. VMS des Jebilets-Guemassa : Hajar, Draa Sfar, Kettara). Dans l'Atlas on trouve des minéralisations filoniennes de type BPGC (Blende-Pyrite-Galène-Chalcopyrite) associées à la phase d'extension pré-atlasique (Barodi et al., 2002), ou des minéralisations de type MVT (Mississipi Valley Type; ex. gisement de Boubker-Touissit), également identifiées au niveau du Rif (gisement Pb-Zn d'Adelal).

Cependant, les domaines éburnéens et panafricains (essentiellement représentés dans l'Anti-Atlas) renferment une grande partie des minéralisations à métaux précieux et à métaux de base. Ceci amène certains auteurs à parler de province métallogénique (Barodi et al., 2002) et explique pourquoi l'Anti-Atlas est l'objet d'une attention toute particulière.

5-2. Les gisements métallifères des boutonnières néoprotérozoï-

-ques de l'Anti-Atlas

L'Anti-Atlas marocain constitue donc une vaste province métallogénique renfermant de nombreux gisements à métaux de base et à métaux précieux (Figure I-23) dont certains sont connus depuis l'Antiquité. Certains gisements sont toujours en exploitation, d'autres ont été exploités et/ou sont en cours d'évaluation. Depuis plusieurs décennies, de nombreuses études ont été réalisées sur ces différents sites. Toutefois, l'évolution des connaissances métallogéniques couplée à une meilleure compréhension de la géodynamique du Maroc ainsi qu'à l'utilisation de la géochimie isotopique et de la géochronologie in-situ, a récemment

Chapitre 5. Contexte métallogénique Partie I

permis de proposer une nouvelle typologie pour la mise en place de ces gisements (ex : Levresse, 2001; Cheilletz et al., 2002; Levresse et al., 2004; Tuduri, 2005). Ces nouveaux modèles génétiques ont permis de souligner l'importance de la phase tardi-panafricaine, ainsi que le caractère polyphasé de certains gisements.

Nous ne présenterons pas en détails les travaux effectués sur les différents gisements de l'Anti-Atlas, néanmoins nous présenterons les principales conclusions de ces études.

5-2-1. Les gisements liés à la phase d'extension tardi-néoprotérozoïque

Plusieurs études ont souligné l'importance de la phase de distension tardi-néoprotérozoïque concernant la formation de gisements métallifères (ex : Levresse, 2001; Cheilletz et al., 2002; Levresse et al., 2004; Tuduri, 2005).

Le site le mieux documenté correspond au gisement argentifère d'Imiter. D'après Levresse (2001) et Cheilletz et al. (2002), la phase hydrothermale argentifère serait associée au développement d'un système de failles de direction N-E à NE-SW lié à une phase distensive de direction globale N-S qui s'accompagne d'un magmatisme rhyolitique important. L'utilisation couplée des méthodes U-Pb sur zircons et 40Ar/39Ar sur muscovites ont permis de proposer un âge de 550 ± 3 Ma pour la minéralisation argentifère (Levresse, 2001; Cheilletz et al., 2002).

A partir de ces nouvelles données, un modèle épithermal neutre lié à la mise en place du magmatisme rhyolitique tardi-néoprotérozoïque a été suggéré pour le gisement d'Imiter. De plus, une origine mantellique a été mise en évidence pour ces minéralisations (géochimie isotopique de l'Os et de l'He; Levresse et al., 2004) posant ainsi la question de l'importance de l'événement distensif tardi-néoprotérozoïque dans le cadre du transfert des éléments du manteau vers la surface.

D'autres gisements ont été associés à cette phase de distension et ce magmatisme tardi-néoprotérozoïque. Parmi eux, nous pouvons citer les districts aurifères de Kelaa M'Gouna et de Thagassa, ou encore le gisement polymétallique de Bou Madine (Levresse, 2001; Tuduri, 2005).

Ainsi, les phénomènes tectoniques et magmatiques tardi-néoprotérozoïques pourraient être la source et le moteur convectif nécessaire à la formation des gisements à métaux de base et métaux précieux de l'Anti-Atlas.

Chapitre 5. Contexte métallogénique Partie I

Figure I-23 : Carte de distribution des principales minéralisations dans l'Anti-Atlas

5-2-2. Les gisements polyphasés

L'apport des techniques de géochronologie in-situ a permis de mieux comprendre la genèse de certains gisements métallifères. En effet, de récentes études ont mis en évidence le caractère polyphasé de certains sites minéralisés.

L'évolution des connaissances du gisement aurifère d'Iourin constitue un exemple intéressant. En effet, les premières études indiquaient la présence d'une minéralisation aurifère associée aux évènements panafricains (Zouhair et al., 1991). Toutefois, la datation de muscovites associées aux veines de quartz aurifères a fourni un âge de 301 ± 7 Ma, permettant d'attester de la complexité de la minéralisation aurifère et de souligner l'importance de l'orogenèse varisque (Gasquet et al., 2004).

Un autre exemple concerne le gisement Co-Ni-As-Au-Ag de Bou Azzer dont le dernier événement enregistré correspond à un âge de 218 ± 8 Ma (Levresse, 2001). Selon Essarraj et al. (2005), cet épisode Norien, lié à l'ouverture de l'Atlantique, aurait permis la circulation de saumures de bassins et contrôlé la minéralisation de certains sites argentifères.

Chapitre 5. Contexte métallogénique Partie I

En conséquence, toute étude d'un gisement métallifère situé dans les boutonnières néoprotérozoïques du Maroc doit nécessairement prendre en compte l'ensemble des évènements protérozoïques, paléozoïques et cénozoïques suceptibles d'avoir joué un rôle dans la genèse des minéralisations.

Chapitre 6. Synthèse Partie I

Chapitre 6. Synthèse

Le Maroc est caractérisé par une histoire complexe traduisant son évolution géologique sur la bordure septentrionale du WAC au Néoprotérozoïque moyen, puis du paléo-continent Gondwana durant le Paléozoïque, et enfin de l'Afrique depuis le Mésozoïque. Cette position particulière s'illustre par l'enregistrement successif de phases distinctes de compression et d'extension dans les différents domaines structuraux composant le Maroc. Quatre phases orogéniques (orogenèse éburnéenne ou birmienne, panafricaine, varisque et alpine) et trois phases d'extension majeures (extension au Néoprotérozoïque moyen, tardi-néoprotérozoïque, et triasico-jurassique) ont ainsi été identifiées.

De récentes études ont mis en évidence l'importance du phénomène d'extension de la transition Néoprotérozoïque-Cambrien concernant la formation de gisements à métaux précieux (ex : Levresse, 2001; Cheilletz et al., 2002; Tuduri, 2005). Cette phase est caractérisée par une forte anomalie thermique sous la région de l'Anti-Atlas conduisant à un magmatisme important (supergroupe de Ouarzazate). Cette activité pourrait être la source et le moteur convectif nécessaire à la formation de ces gisements. En effet, elle aurait pu permettre le transfert vers la surface de nombreux éléments chalcophiles issus d'un manteau préalablement enrichi lors des subductions panafricaines et/ou permettre la reconcentration de ces mêmes éléments enrichis dans la croûte au cours de l'orogenèse panafricaine.

Toutefois, plusieurs questions subsistent concernant l'épisode tardi-orogénique de l'Ediacarien supérieur :

- Quelle est l'origine de l'anomalie thermique ?

- Quel est la cause de l'extension généralisée (enregistrée dès 570 Ma) qui suit rapidement l'événement tectonique compressif B2 (615 Ma) ?

- Pourquoi trouve t-on dans certaines roches mafiques des signatures caractéristiques de bassins d'arrière-arc ?

- Quel est la cause de la faible activité magmatique de 660 à 615 Ma ?

Une réponse possible pourrait venir du passage en subduction d'une dorsale postérieurement à l'orogenèse panafricaine. En effet, ce type d'interaction dorsale-continent peut s'accompagner de phénomènes de compression et d'extension (ex. Ramos, 1989; Ramos et Kay, 1992; Lagabrielle et al., 2004). De plus, la subduction d'un segment de dorsale peut

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s'accompagner de l'ouverture d'une espace appelé "fenêtre asthénosphèrique" associé à une anomalie thermique importante sous la plaque chevauchante (Thorkelson et Taylor, 1989). Enfin, de nombreux auteurs ont mis en évidence le volume important et la diversité géochimique du magmatisme associé à la subduction d'un segment de dorsale (ex. Espinoza et al., 2005; Guivel et al., 2006; Pallares et al., 2007).

Si cette hypothèse proposée par Nance et al. (2002) et Keppie et al. (2003) pour les blocs Avalonia et Cadomia s'avère exacte, elle pourrait alors donner un élément de réponse concernant le lien existant entre la phase tardi-néoprotérozoïque et la formation de gisements à métaux précieux. En effet, de récentes études ont souligné les conséquences de la subduction de dorsale sur la formation de gisements métallifères dans la cordillère andine (ex. Haeussler et al., 1995; Rosenbaum et al., 2005). Toutefois, nous manquons encore de données géochimiques et géochronologiques au sein de la chaîne de l'Anti-Atlas pour pouvoir infirmer ou confirmer cette hypothèse.

L'autre point important à ne pas négliger lorsque l'on s'intéresse à des gisements métallifères au Maroc concerne le polyphasage. En raison des nombreux évènements géodynamiques qui se sont succédés au cours de l'histoire géologique du Maroc, les phénomènes de remobilisation, reconcentration, et/ou de concentration de nouveaux stocks de métaux peuvent être conséquents (ex. gisement d'Iourirn - Gasquet et al., 2004; gisement de Bou Azzer - Levresse, 2001).

Ainsi, il sera nécessaire de prendre en compte chacun des évènements enregistrés au Maroc pour pouvoir proposer un (ou plusieurs ?) modèle génétique détaillé d'un gisement donné.

Une grande partie de l'étude du gisement aurifère de Tamlalt-Menhouhou, encaissé dans des volcanites néoprotérozoïques, sera donc basée sur le décryptage des évènements qui se sont succédés dans cette zone particulière, située à la charnière des domaines structuraux de l'Anti-Atlas et du Haut-Atlas. Ainsi, nous pourrons essayer d'évaluer l'importance de chacune de ces phases concernant la formation de ce gisement.

Partie II : Le cadre régional de la