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V. DES CONDITIONS INDISPENSABLES À UNE RENCONTRE DE QUALITÉ

V.1. La préparation

C'est en effet par la préparation que pèchent encore certaines rencontres en bibliothèque. Les auteurs interrogés par B. Lahire reconnaissent cependant dans leur ensemble que celles-ci sont les plus fructueuses et les plus intéressantes : Pascal Fournel distingue implicitement les rencontres en bibliothèque, qu'il pratique et apprécie, des animations en milieu scolaire, dont la préparation est plus aléatoire120. Lors des animations organisées par le réseau des bibliothèques de la Communauté française de Belgique, les auteurs se sont dits surpris par la préparation générale des séances121. Doit- on en conclure qu'ils s'attendaient à moins ? En effet, des critiques persistantes reprochent aux bibliothécaires de ne pas préparer suffisamment leurs rencontres (de manière récurrente, on entend les récriminations suivantes : les bibliothécaires ne lisent pas assez, ils invitent sans connaître, pour combler une date). On ne se prononcera pas

119 B. Bretonnière, « Dîner »... 120 B. Lahire, op. cit., p. 329.

121 L. Moosen, « Retour sur les « Bibliothèques littéraires » ..., p. 22.

sur le fond de la critique, mais on peut rappeler certains points concrets à ne pas oublier avant une rencontre.

La rencontre avec un auteur, comme le fait remarquer Th. Ermakoff122, ne peut être pensée sans rapport avec la politique d'acquisition de littérature contemporaine. À Saint-Herblain, c'est de la constitution du fonds théâtral qu'est né le projet de le faire vivre grâce aux rencontres et résidences. Ne serait-ce qu'en raison de la nécessité de mettre à disposition des ouvrages des auteurs invités et de satisfaire la curiosité de lecteurs qui souhaiteraient prolonger leur découverte, le développement de ce fonds est indispensable. Chantal Georges, directrice de la médiathèque Jacques Thyraud à Romorantin-Lanthenay, a adopté depuis quelques années une politique ambitieuse de valorisation systématique du fonds de littérature contemporaine par des rencontres et lectures régulières123.

Selon l'ampleur de l'événement, la préparation de l'événement interviendra plus ou moins longtemps avant celui-ci. On a vu plus haut que lorsqu'il s'agit d'organiser une résidence, il faut s'y prendre au moins un an auparavant. C'est aussi le cas de projets à long terme qui se développent sur plusieurs séances, cycles ou saisons. Comme tout projet, des manifestations littéraires de ce genre peuvent donner lieu à la constitution d'un comité de pilotage qui réunira, si besoin est, les acteurs et des spécialistes du domaine concerné (bibliothécaire, responsable artistique ou scientifique, responsable administratif, etc.). De même, en adoptant les règles de mise en œuvre d'un projet, il est utile de définir rapidement une date, puis d'établir un rétroplanning.

Le dialogue avec l'auteur, s'il n'a pas été instauré lors de la constitution du dossier de résidence, doit intervenir plusieurs semaines avant l'événement et rentrer suffisamment dans les détails. Avant même de répondre à l'invitation, l'auteur doit connaître le type de public attendu ou espéré, les initiatives passées, les objectifs, la date et, le cas échéant, la rémunération. En cas de réponse positive, on abordera les détails importants : le public aura-t-il ou non lu les textes ? Quelle durée pour l'intervention ? Y aura-t-il un animateur, d'autres intervenants ? On y détaillera le déroulement habituel et les thèmes abordés. Enfin, quelques jours avant la rencontre, on l'informera des détails matériels (collation, accueil, etc.).

La communication, interne comme externe, compte beaucoup dans la réussite de la rencontre : il est nécessaire d'informer les collègues, la hiérarchie, les partenaires culturels habituels et les institutions susceptibles de s'y intéresser. On constituera un dossier de presse à communiquer aux médias au moins un mois à l'avance.

Le travail préalable sur le public est lui aussi indispensable. Tous les moyens de sensibilisation du public sont à mobiliser. Ainsi mettra-t-on à disposition sur les présentoirs les ouvrages de l'auteur en plusieurs exemplaires avant la rencontre, en recourant si besoin est au prêt inter-bibliothèques124, et l'on y insérera des signets annonçant la manifestation. L'affichage pourra être enrichi de photos, extraits de presse et commentaires de lecteurs. On obtiendra les deux premiers éléments auprès de l'éditeur. À l'inverse, s'il est besoin de limiter le nombre de participants, on veillera à demander une inscription.

S'il s'agit d'un public scolaire, les élèves doivent avoir eu un contact avec l'auteur, lu les ouvrages, préparé des questions. Le travail de sensibilisation est encore plus nécessaire pour les enfants et plus généralement tous les publics éloignés du monde du livre. En effet, l'envie de rencontrer un auteur ou un illustrateur n'est pas naturelle pour

122 Th. Ermakoff, op. cit., p. 165. 123 H. Grognet, op. cit.

124 J. De Decker, « Rencontrer, malgré tout... », pp. 30-31.

V. Des conditions indispensables à une rencontre de qualité

les enfants qui n'ont pas encore conscience de la présence nécessaire d'un auteur à l'origine du livre125. Il faut donc faire naître cette envie.

En ce qui concerne la préparation du public, dans quelle mesure faut-il l'encourager à lire le(s) ouvrage(s) auparavant ? En d'autres termes, si le public vient sans avoir lu le livre, est-ce une pratique illégitime et à condamner ? Là encore, tout dépend de l'orientation que l'on souhaite donner à la rencontre : si on la souhaite la plus ouverte possible à un public de curieux, on peut mentionner sur les affiches le fait qu'avoir lu le livre n'est pas obligatoire. La rencontre étant, dans l'idéal, l'occasion de susciter l'envie de lire, cette position est également défendable. Si en revanche on privilégie la profondeur du débat, on mettra tout en œuvre pour que le public l'ait lu.