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3 RESULTATS

3.3 Le post-partum

3.3.2 La prématurité

Sur les 8 femmes de l'étude, 4 femmes ont accouché prématurément. Ce qui fut le plus difficile pour ces femmes, c'est la confrontation entre le bébé imaginé et le bébé réel. Deux d'entre elles ont été très surprises du physique de leur enfant et aurait aimé que l'équipe médicale les en informe.

"Je pense que je regrette peut être qu'on ne m'ait pas prévenu que... elle allait pas ressembler à un bébé quoi [...]. Quand je l'ai vu pour la première fois honnêtement ça m'a fait un gros choc quoi. Physiquement en fait je m'attendais à un bébé normal, fin'... comme un gros bébé mais juste à une échelle un peu plus petite quoi". (Femme 3)

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" On m'avait dit qu'il ressemblerait à un bébé sauf que moi je trouvais qu'il ne ressemblait pas du tout à un bébé [...]. Qu'est ce que c'est que cette petite chose enfin... c'est pas fini, il n'y a rien de fini! " (Femme 5)

Pour une autre de ces femmes, la confrontation entre le bébé réel et le bébé imaginé fut difficile mais ce qui l'a le plus perturbé, ce sont tous les "tuyaux" et toutes les "machines" autour du bébé.

" Il y a des fois j'arrivais dans la chambre et le voir comme ça avec toutes ces machines, parfois qui bipaient tout ça, c'est vrai que ça a un côté très angoissant." (Femme 8)

La présence des appareils médicaux signifiaient que son enfant en avait besoin pour vivre. Nous pensons que ce n'est pas leur présence qui était angoissante mais leur nécessité.

" Et toujours cette angoisse oui les machines, il pouvait y avoir un souci, il pouvait y avoir euh... ça restait un petit loulou quoi euh... " (Femme 8)

D'ailleurs la sixième femme que nous avons rencontrée nous a également confié son angoisse des "tuyaux" et des "machines". Elle fut très soulagée de ne pas voir son enfant avec toutes ces aides. Soulagée parce qu'il n'en avait pas besoin.

En voyant leur enfant, ces femmes ont ressenti de la culpabilité de ne pas avoir été au terme de leur grossesse et de leur avoir infligé toute cette prise en charge. Elles ont vraiment pris conscience de la prématurité en découvrant bébé.

"Je l'ai regardé et je me suis dit « mais qu'est ce que j'ai fait enfin... »" (Femme 5)

"Mince c'est de ma faute." (Femme 6)

La culpabilité de l'une d'entre elles l'a incité à faire le plus de peau à peau possible car "son corps a compliqué le début de la vie" de son enfant.

" Elle y ait pour rien. Donc c'est plutôt moi, c'est plutôt mon corps qui a merdé." (Femme 3)

Elles essayent par tous les moyens de se faire pardonner et de rattraper ce qu'elles n'ont pu donner à leur enfant car selon elles, elles ont échoué dans leur rôle de mère. Dans cette phrase, on retrouve la dissociation entre le "moi" et le "corps" qui reflète la perte de contrôle qu'elles ont ressenti. Une perte de contrôle

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qui est aussi très présente dans cette période. En néonatalogie, l'une des femmes a clairement dit qu'elle ne maîtrisait rien en tant que maman:

" Et non seulement je ne maitrisais rien en tant que maman, mais en plus j'avais

l'impression d'être euh... enfin j'étais là mais je ne pouvais rien faire pour lui, même quand je voulais le prendre pour faire un peau à peau, c'était pas à mon bon vouloir, il fallait demander à une puéricultrice, qu'elle le débranche, qu'elle le mette." (Femme 8)

Une autre maman a aussi perdu le contrôle sur son allaitement. Il a fallu mettre en place des biberons pour que son bébé prenne du poids. Ce fut un événement très difficile à vivre.

" Quand ils m'ont annoncé qu'ils allaient introduire le biberon parce qu'il faut qu'elle prenne plus de poids, [...] j'étais carrément effondrée." (Femme 6)

Pour elle, l'allaitement était une façon de créer du lien avec son enfant. Ne pas avoir son bébé à ses côtés dès la naissance a rendu l'allaitement encore plus important pour elle. La séparation a engendré l'inquiétude que son enfant ne la reconnaisse pas en tant que mère. Cette inquiétude fut renforcée par le fait que les puéricultrices s'occupaient de son enfant d'où la nécessité de l'allaitement.

" Je me dis que c'est comme un remède entre guillemets à la séparation." (Femme 6)

La prématurité et donc la séparation ont été perçues comme un obstacle au lien mère-enfant. Et pourtant d'autres ne l'ont pas ressenti comme tel. L'une des femmes pense que la prématurité a renforcé ce lien.

" Non ça a pas entravé notre lien, ça l'a peut être même renforcé du fait de me dire «il est tellement fragile et il a tellement besoin de moi »." (Femme 5)

Bien que la prématurité n'ait pas été un obstacle au lien mère-enfant, l'allaitement n'en était pas moins important pour elle. Elle a perçu l'allaitement maternel comme la seule chose qu'elle pouvait encore maitriser.

" C'est la seule chose qu'il me reste de ma maternité." (Femme 5).

Elle avait la sensation que pour être une bonne mère, elle devait allaiter car n'avait pas réussi à mener à terme sa grossesse. Le sentiment de culpabilité l'a incité à allaiter. Par conséquent, ne pas réussir était très anxiogène pour elle.

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Pour ces deux mamans, l'allaitement reste difficile. Cette difficulté entraine une perte de confiance en elles et une remise en question de leurs capacités à être mère.

" J'avais l'impression de ne plus accomplir une de mes fonctions de mère en fait. Parce que pour moi l'allaitement c'était aussi un moyen de la protéger, de l'immuniser parce qu'elle est encore petite et voilà." (Femme 6)

"Ne pas réussir à allaiter" signifierait pour elles "ne pas réussir à être mère".

Pour l'une d'elles, la banalisation de la prématurité par son entourage l'a beaucoup affecté. La banalisation enlève de l'importance à ce qu'elle a vécu. Elle avait l'impression que son entourage niait ce qu'elle était en train de traverser. Elle aurait eu besoin de compassion et de considération. Le soutien social aurait donc son importance et un impact dans le vécu de certains évènements de vie. Nous traiterons cela dans une prochaine partie.

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