6.2 Grand gain et systèmes non uniformément observables
6.2.1 Préliminaires
Le problème d’observation des systèmes multi-sorties de la forme (6.10) dont les
matrices A(u)etC(u)sont diagonales par blocs de la forme (6.11) et la non linéarité
ϕ possède une structure particulière qui se réduit dans le cas mono-sortie à (6.4) est
considérée dans [Bornard et al. 1993], sans restriction en ce qui concerne les éléments
de A(u)et C(u), à part leur bornitude.
Du fait de la structure de la non linéarité, la solution employée utilise une
tech-nique « grand gain » mais vu que le système n’est pas forcement uniformément
observable, l’approche nécessite une excitation spécifique afin de garantir que le
système est, vis-à-vis de cette technique, suffisamment observable. Cette excitation
correspond à la notion de régularité locale, qui traduit une certaine qualité de
l’en-trée sur des intervalles de temps arbitrairement petits (à la différence de la notion
de persistance régulière qui traduit la qualité de l’entrée quand le temps tend vers
infini).
Considérons la dynamique de la partie linéaire du système (6.10) :
˙˜
z =A(u)˜z z˜(t0) = ˜z0
et notonsΦu(t, t0)la matrice de transfert du système linéaire variable dans le temps
engendré par une entréeu donnée.
6.8 Définition(Entrées localement régulières [Bornard et al. 1993, Besançon 1999a]).
Une fonction d’entrée u est dite localement régulière pour un système (6.10) s’il
existe α >0 etλ0 >0 tels que
Z t
t−
1λ
Φu(τ, t)TC(u(τ))TC(u(τ))Φu(τ, t)dτ ≥αλΛ−λ2 (6.18)
pour toutλ ≥λ0 et toutt≥ 1
λ, où Λλ est la matrice diagonale
Λλ =
λ
λ2
. ..
λn
. (6.19) M
6.9 Remarque. La notion d’entrée localement régulière se définit de manière identique
quand A(u) est remplacé par A(u, y) dans (6.10), en utilisant Φu,y(τ, t) à la place
deΦu(τ, t)dans (6.18). En particulier, pour la même fonction d’entréeu, le système
engendré z˙˜= A(t)˜z n’est pas toujours le même à cause de la trajectoire de y, qui
dépend de la condition initiale du système (6.10). M
6.10 Remarque. On reconnaît dans la partie à gauche de l’inégalité (6.18) l’expression
du Grammien d’observabilité associé à un système affine en l’état. Comme souligné
dans [Bornard et al. 1993], la minoration qui intervient dans (6.18) est justifiée par
l’expression du Grammien d’observabilité Γ t,1λ associé à la partie linéaire de la
forme canonique (6.2)–(6.3) :
Γ t,1λ= 1
λ
1 12λ−1 1
6λ−2 · · ·
1
2λ−1 1
6λ−2 1
8λ−3
1
6λ−2 1
8λ−3 1
20λ−4
..
. . ..
.
En généralisant l’argument ci-dessus, supposons que suite à un changement
convenable de coordonnées, nous avons pour un système du type (6.10)–(6.11),
c1(u) ≥ 1 et ai(u) ≥ γ > 0, i = 1, . . . , n− 1. Puisque la matrice A(u) est
nil-potente d’indice n, on peut calculer explicitement Φu(t, τ) en utilisant la formule
Peano-Baker (donnée dans l’annexe B), qui comporte dans ce cas un nombre fini
6.2 Grand gain et systèmes non uniformément observables 97
de termes. Ainsi, l’élément sur la ligne i, colonne j de la matrice Φu(τ, t) a pour
expression
Φu(τ, t)i,j =
0, sij < i
1, sij =i
Rτ
t ai(s)ds, sij =i+ 1
Rτ
t
Rs
it · · ·Rs
j−2t ai(si)· · ·aj−1(sj−1)dsj−1. . .dsi, sij > i+ 1.
En outre, la minoration des ai(u) implique
Z τ
t
Z s
1t
· · ·
Z s
k−1t
a1(s1)· · ·ak(sk)dsk. . .ds1 ≥ (τ −t)
k
k! γ
k
pour k = 1, . . . , n−1, d’où, en combinaison avec l’expression de l’intégrande dans
(6.18) et la minoration de c1(u), nous obtenons que toute fonction d’entrée d’un
système uniformément infinitésimalement observable de la forme (6.10)–(6.11), dont
ϕ possède une structure (6.4), satisfait la condition de régularité locale. M
La particularisation au cas des systèmes mono-sortie du résultat présenté dans
[Bornard et al. 1993] pour une classe de systèmes multi-sorties (6.10) est comme
suit.
6.11 Théorème. Soit le système (6.10)–(6.11), dans lequel la non linéarité ϕ est
Lip-schitzienne globalement par rapport à z, uniformément par rapport à u, et possède
une structure (6.4). Si l’entrée u est localement régulière pour ce système, il existe
λ >0, β >0, γ >0 tels que le système
˙ˆ
z =A(u)ˆz+ϕ(ˆz, u)−S−1C(u)T(C(u)ˆz−y)
˙
S =−γS−A(u)TS−SA(u) +C(u)TC(u) S(0) =βλ
2Λ−λ2 (6.20)
avec Λλ donné par (6.19) soit un observateur exponentiel à vitesse de convergence
arbitrairement grande. ♦
Comme il est indiqué dans [Bornard et al. 1993], le choix particulier de la
condi-tion initiale S(0) est fait dans le but de simplifier le développement, mais
l’observa-teur devrait fonctionner pour toute condition initiale S(0) définie positive.
On note que le résultat du théorème 6.11 peut s’utiliser sans problème dans le
cadre d’une dépendanceA(u, y). C’est précisément dans ce contexte que la synthèse
de l’observateur (6.20) a été réexaminée dans [Besançon 1999a] où, sous les mêmes
hypothèses (non linéarité Lipschitzienne, entrée localement régulière) l’observateur
suivant est proposé :
˙ˆ
z =A(u, y)ˆz+ϕ(ˆz, u)−ΛλS−1C(u)T(ˆy−y) (6.21a)
˙
avecΛλ donné par (6.19), yˆ=C(u)ˆz et λ≥λ0 >0et γ >0suffisamment grands.
Il est montré dans [Besançon 1999a] que le même type d’observateur peut
s’uti-liser pour les systèmes (6.17) avec s ≡ u, sans considérer la condition « forte »
d’observabilité fi ≥ α > 0, mais la condition de régularité locale (6.18). Il est
éga-lement indiqué dans cette référence que la synthèse de l’observateur peut s’étendre
aux systèmes de la forme (6.17) (toujours avec s≡u) où zi ∈Rν
i,ν1 = 1 et chaque
scalairefi est remplacé par une matrice νi×νi+1.
6.2.2 Observation non uniforme d’une forme affine perturbée particulière
Dans ce qui suit, on exploite l’idée de Besançon (1999a) en vue de la synthétise
d’observateur pour la classe suivante de systèmes mono-sortie :
˙
z =A(u, y)z+ϕ(u, z)
y=C(u)z+η(u) (6.22)
où les matrices impliquées possèdent les structures particulières
A(u, y) =
0 A1,2(u, y) 0 · · · 0
. .. ... ...
..
. . .. ... 0
Aq−1,q(u, y)
0 · · · 0
ϕ(u, z) =
ϕ1(u, z1)
ϕ2(u, z1, z2)
· · ·
ϕq−1(u, z1, . . . , zq−1)
ϕq(u, z)
C(u) =C1(u) 0 · · · 0,
(6.23)
avec z = col(z1, . . . , zq) ∈ RN, zi ∈ RN
ipour i = 1, . . . , q, Ai−1,i ∈ RN
i−1×N
ipour
i= 2, . . . , q etC1(u)∈R1×N
1.
Cette classe de systèmes non linéaires est particulièrement intéressante pour
la synthèse d’observateur étant donné que, comme on verra au paragraphe
sui-vant, presque tout système affine en la commande possède la propriété d’être
sous-système4 d’un système sous la forme (6.22)–(6.23).
6.12 Remarque. Pour utiliser le concept d’entrée localement régulière relativement aux
systèmes du type (6.22)–(6.23), on tient compte de laremarque 6.9 et on en appelle
6.2 Grand gain et systèmes non uniformément observables 99
toujours à la définition 6.8, avec la matrice Λλ dans l’inégalité (6.18) donné cette
fois-ci par
Λλ =
λIN
1λ2IN
2. ..
λqIN
q
. (6.24) M
Le résultat relatif à l’observation du système (6.22)–(6.23) peut alors s’énoncer
comme suit :
6.13 Théorème. Étant donnés un système (6.22)–(6.23) et les hypothèses :
(i) l’entrée u est localement régulière, bornée et telle que A(u, y) et C(u) soient
bornés ;
(ii) la non linéarité ϕ est Lipschitzienne—globalement par rapport à z,
uniformé-ment par rapport à u,
alors pour tout σ > 0 il existe λ > 0 et γ > 0 tels que le système (6.21) où
ˆ
y=C(u)ˆx+η(u)etΛλ est donné par (6.24), garantisse pour toute condition initiale
z(0) ∈RN,
kz(t)−zˆ(t)k ≤µe−σt
avec µ >0, pour tout t≥ 1
λ. ♦
Démonstration. Comme il résulte de [Besançon 1999a], l’emploi de deux paramètres
de réglage, λ et γ, suit deux objectifs, à savoir :
(i) nous pouvons montrer, indépendamment du choix de λ ≥ λ0 > 0, que si
l’entrée est localement régulière, il existe γ > 0 et α1, α2 > 0 tels que pour
tout t ≥ 1
λ, on ait α1IN ≤S(t)≤α2IN;
(ii) nous pouvons vérifier en utilisant des éléments de démonstration typiques
« grand gain » (comme, par exemple, dans [Gauthier et al. 1992]), que pour λ
suffisamment grand, si ε := ˆz−z, la fonction candidate de Lyapunov
V(t) :=ε(t)TΛ−λ1S(t)Λ−λ1ε(t)
satisfait la propriétéV˙ ≤ −β(λ)V ≤0le long des trajectoires deε(t), oùβ(λ)
est une fonction croissante, strictement positive.
(i) La preuve de ce point s’appuie sur l’expression de S(t). Notons d’abord que
Λ−λ1A(u, y)Λλ =λA(u, y). Par conséquent, siΦu,y est la matrice de transfert associée
au système z˙˜ = A(u, y)˜z, alors Λ−λ1Φu,yΛλ est la matrice de transfert associée au
système z˙˜=λA(u, y)˜z. On vérifie alors aisément que
S(t) = e−λγtΛλΦu,y(0, t)TΛ−λ1S(0)Λ−λ1Φu,y(0, t)Λλ+
λ
Z t
0
est solution de (6.21b).
Pour établir la borne inférieure de S(t), on utilise le fait que C(u)Λ−λ1 = 1λC(u)
et nous avons, pour t≥ 1
λ,
S(t)≥e−γ1
λΛλ
Z t
t−
1 λΦu,y(τ, t)TC(u)TC(u)Φu,y(τ, t)dτ
Λλ
d’où, puisque l’entrée est localement régulière, S(t)≥e−γαIn.
Pour la borne supérieure, sachant que
Λ−λ1Φu,y(τ, t)Λλ =IN −
Z t
τ
λA(u(s), y(s))Λ−λ1Φu,y(s, t)Λλds
nous avons dans un premier temps
kΛ−λ1Φu,y(τ, t)Λλk ≤1 +
Z t
τ
λakΛ−λ1Φu,y(s, t)Λλkds
pour τ ≤ t, où a = supt≤0kA(u(t), y(t))k < ∞ puisque A(u, y) est borné. Puis, en
utilisant l’inégalité Gronwall-Bellman,
kΛ−λ1Φu,y(τ, t)Λλk ≤eaλ(t−τ).
Finalement, à partir de l’expression de S(t), on obtient
kS(t)k ≤e−λ(γ−2a)tkS(0)k+λ
Z t
0
e−λ(γ−2a)(t−τ)kC(u)TC(u)kdτ
ce qui montre, combiné avec le fait que C(u(t)) reste borné, que kS(t)k admet une
borne supérieure pourvu que γ >2a.
(ii) Le calcul de V˙ donne, en utilisant les relations Λ−λ1A(u, y)Λλ = λA(u, y) et
C(u)Λ−λ1 = 1λC(u),
˙
V =−λγV −λεTΛ−λ1C(u)TC(u)Λ−λ1ε+ 2εTΛ−λ1SΛ−λ1(ϕ(u,zˆ)−ϕ(u, z)),
d’où nous avons dans un premier temps
˙
V ≤ −λγV + 2εTΛ−λ1SΛ−λ1(ϕ(u,zˆ)−ϕ(u, z)).
Soit ξ = Λ−λ1ε. En utilisant l’inégalité xTSy ≤ kxkSkykS, on obtient
˙
6.2 Grand gain et systèmes non uniformément observables 101
En vue de la majoration du terme kΛ−λ1(ϕ(u,zˆ)−ϕ(u, z))kS, on introduit les
nota-tions suivantes :
¯
N0 = 0
¯
Ni =
i
X
j=1
Ni z¯i = col(z1, . . . , zi)∈RN¯
iε¯i = ˆz¯i−z¯i
et on désigne par Si:j,k:l la sous-matrice de S dont les lignes i etj et les colonnesk
et l en constituent les extrémités. Nous avons alors
kΛ−λ1(ϕ(u,zˆ)−ϕ(u, z))kS =
q
X
i,j=1
1
λ
i(ϕi(u,zˆ¯i)−ϕi(u,z¯i))TSN¯
i−1+1: ¯N
i,N¯
j−1+1: ¯N
j(ϕj(u,zˆ¯j)−ϕj(u,z¯j))λ1
j 12.
En utilisant la borne supérieure de S et en prenantρpour la constante de Lipschitz
de ϕ, il vient
kΛ−λ1(ϕ(u,zˆ)−ϕ(u, z))kS ≤
q
X
i,j=1
ρ2α21
λ
iε¯i
1
λ
jε¯j
12.
Soient, pouri= 1, . . . , q,
¯
ξi = diag(λ−1IN
1, . . . , λ−iIN
i)¯εi.
Avec 1≤i≤q fixé, si λ >1, nous avonsε
kλ
i≤ε
kλ
kpour tout 1≤k≤i, d’où on
obtient
1
λ
iε¯i≤ kξ¯ik ≤ kξk
et, par conséquent,
kΛ−λ1(ϕ(u,zˆ)−ϕ(u, z))kS ≤qρ√
α2kξk.
Cependant, α1kξk ≤ kξkS et kξk2
S =V, donc on obtient finalement
˙
V ≤ −
λγ − 2qρ
√
α2
α1
V.
Étant donné que les bornes de S(t) ne dépendent pas de λ, il existe λ0 >0 tel
que pour toutλ ≥λ0 nous ayonsV˙ ≤0. La conclusion s’ensuit à l’aide d’arguments
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Techniques d'Immersion pour l'Estimation Non Linéaire - Application aux Systèmes de Puissance
(Page 104-111)