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Vers de nouveaux modèles d’apprentissage, de pratiques pédagogiques innovantes et TIC pour l’éducation au

développement durable

Jean-François CECI, Université de Pau et des Pays de l’Adour, France Philippe DUMAS, Université de Toulon, France

Comme le soulignent Mounia TOUIAQ et Youness BELAHSEN dans leur préface des organisateurs, la Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate, relevant de l’Université Ibn Zohr d’Agadir a organisé un colloque international centré sur la problématique de « L’ère des Technologies de l’Information et de la communication: Éducation, Formation, Enseignement et Développement durable » qui est l’un des axes forts de cette université en plein développement.

Le présent ouvrage regroupe les textes des communications acceptées par le conseil scientifique du colloque afin de les faire connaître au plan international par l’intermédiation de l’internet. Le rôle des éditeurs a consisté à harmoniser les présentations et fournir une vue d’ensemble des contributions. Rigoureux sur le plan de l’éthique, ils ont adopté une approche souple au plan de l’expression française. Cet ouvrage se veut ainsi une contribution au rayonnement international de la Francophonie en conservant l’originalité des expressions employées par des locuteurs dont la plupart n’ont pas pratiqué le Français en langue maternelle. Par ailleurs les textes en langue anglaise ont été intégrés dans leur forme originelle selon le même principe.

L’ouvrage se divise en quatre thématiques qui sont celles que le colloque a fait émerger à partir d’un appel à communication à horizon très large : « Vers de nouveaux modèles d’apprentissage, de pratiques pédagogiques innovantes et TIC pour l’éducation au développement durable »

• Usages des TICE/ TIC en développement durable

• TIC et pratiques pédagogiques innovantes

• Usages des TIC dans l’éducation

• Contributions diverses

Nous vous proposons de retracer, ci-après, les grandes lignes et idées des communications à travers les quatre parties annoncées :

La problématique et la pratique du développement durable, abordées en partie VI de cet ouvrage, sont des priorités pour l’Université de Ouarzazate, ce qui justifie la thématique de l’appel à communication. Trois articles seulement ont été classés dans la section VI sur

« l’usage des Tice/Tic en développement durable ». Il est intéressant de noter que les apports spontanés du terrain ne cadrent donc pas avec les thématiques suggérées par les promoteurs de l’événement. Ce constat ne met pas en cause l’intérêt général des participants au colloque pour le développement durable. Il indique plutôt qu’au stade actuel du développement des Tice dans les universités Marocaines, les questions de pédagogie et de didactique sont fortement polarisées par la technologie numérique. Or le numérique pourrait être perçu comme un moyen, ou s’intégrer comme un outil « à la panoplie des outils pédagogiques montessoriens » pour une éducation au développement durable, comme le soutient Philippe DUMAS. En effet ce dernier, fait le lien entre développement durable et éducation à l’environnement, puis à l’approche écologique typiquement montessorienne du développement de l’enfant, qu’il confronte à l’enjeu des Tice un siècle plus tard. Il conclura d’ailleurs qu’ « éduquer au développement durable passe par la conscientisation de l’impératif du développement durable et la mobilisation de l’affordance des outils numériques comme auxiliaires de la communauté des éducateurs. »

Après cette mise en perspective historique sur les pédagogies actives, les témoignages des observateurs de l’éducation à l’environnement et au développement durable, à l’Académie

Régionale Casablanca-Settat soulignent l’importance des pédagogies actives et recommandent de mettre les sites institutionnels consacrés au développement durable au service des apprentissages. Batoul BAYALI et ses collègues concernés par l’interaction comme enjeu de la didactique nous proposent une métaphore de l’éducation au développement durable (EDD) fondée sur la compréhension du concept de gravité (terrestre) avec l’aide de la sémiotique, et des ordinateurs : une nouvelle forme de pédagogie active.

La partie VII aborde le numérique en éducation sous l’angle de la pédagogie en faisant la part belle aux pratiques pédagogiques innovantes. Après une synthèse des principaux apports des neurosciences et des facteurs contribuant à la réussite scolaire, Jean-François CECI explicite un processus qui en découle, pour favoriser l’engagement et la réussite. Ce processus est décliné en plan d’action contenant dix-huit mesures pédagogiques, didactiques et organisationnelles convergeant vers une approche « programme » intégrée. Pour en valider l’efficacité, une enquête menée sur plus de dix ans montre que cette approche en pédagogie active est efficace, car l’abandon de cette approche entraine une chute de tous les indicateurs qualité. Cette communication conclut que « le plan d’action favorisant une pédagogie active et multidisciplinaire, construit sur la base des concepts scientifiques [choisis], révèle une efficacité à plusieurs niveaux : Les étudiants manifestent un plus grand engagement … ainsi qu’une plus grande satisfaction générale … débouchant sur un meilleur taux de réussite (+12,4 points) ». Les Tice sont omniprésentes dans cette expérimentation menée au sein d’une formation pour adultes en multimédia ou le numérique est à la fois sujet, objet et outil quotidien.

Pour Laurence MARTIN, l’usage de la vidéo permet « l’introduction d’une pratique sociale audio-visuelle numérique en salle de formation [et] participe à la mise en place d’une situation didactique dans laquelle les participantes co-construisent le cadre secondaire… » pour l’apprentissage des langues (FLE). Donner du sens et connecter les concepts à transmettre au vécu de l’apprenant1, semble de mise dans cette mise en scène, en « situant la tâche à accomplir dans un environnement matériel porteur de sens [une situation de la vie courante] et co-construit, les participantes ne sont pas engagées dans un contrat fictionnel

1 Dehaene, S. (2013). Les quatre piliers de l’apprentissage, ou ce que nous disent les neurosciences. Retrieved from http://www.paristechreview.com/2013/11/07/apprentissage-neurosciences/

mais dans une action praxique située. ». La vidéo est donc un moyen de faire vivre une situation langagière par sa mise en scène, mais aussi de la faire revivre et de la corriger lors de l’analyse en groupe, sans oublier le facteur motivationnel éventuel lié à l’attrait de ce média auprès des apprenants.

Le numérique nous interpelle souvent autour des pratiques sociales qu’il permet et génère.

En effet, l’usage très marqué des médias sociaux par les jeunes (et les moins jeunes) questionne le système scolaire2 et nous incite à envisager ces outils comme potentiellement utilisables dans une intermédiation pédagogique. Mohamed DENDANI retrace une étude sociologique consacrée à l’usage des médias sociaux « pour les apprentissages formels (recherche des informations, échange des notes de cours, de la documentation, complément de cours et accès à des ressources numérisées). Elle révèle entre autres que l’usage des réseaux sociaux semble devenir de plus en plus une pratique à des fins pédagogiques, et ceci en complément des plates-formes pédagogiques. ». La suite de l’article met le focus « sur le rôle des enseignants qui semble être davantage dans l’accompagnement que dans la transmission traditionnelle des connaissances ». La littérature sur les pédagogies actives fourmille effectivement de qualificatifs pour désigner ce changement de posture nécessaire, de la « maitrise » vers le « lâcher prise »3, du « sage on the stage » vers le « guide on the side », du « sachant transmetteur » vers le « tuteur coach », etc. Internet aidant, de bonnes ressources étant souvent disponibles, le rôle de transmetteur semble ne plus suffire à l’ère du numérique. L’usage des médias sociaux, et de manière plus globale du numérique, relève principalement du contexte extra-scolaire4 montrant que l’école a un rôle à jouer. En effet, Il peut paraitre curieux que, ce qui semble être devenu le principal outil de développement culturel de l’humanité, ne soit pas davantage utilisé par notre système scolaire, pour la formation et l’éducation aux médias notamment, mais aussi pour en intégrer le potentiel éducatif comme instrument pédagogique. Nous constatons à travers cette enquête une forme

2 Cordier, A. (2015). Grandir connectés : les adolescents et la recherche d’information. Caen: C&F Editions.

3 « L’accompagnateur devra également faire preuve de lâcherprise pour accepter de quitter des postures transmissives afin de laisser advenir le projet d’autrui ». Paquelin, D. (2013, novembre). Les réseaux sociaux comme pratique d’accompagnement de projets en milieu rural. in PRAXIS, Educagri Editions.

4 Collin, S., Guichon, N., & Ntébutsé, J. G. (2015). Une approche sociocritique des usages numériques en éducation, 22.

Consulté à l’adresse http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2015/01-collin/sticef_2015_collin_01.htm

de rupture d’usages du numérique entre le contexte scolaire et extra-scolaire, de plus en plus difficile à légitimer tant le numérique, bien utilisé, est un amplificateur de la pratique pédagogique active.

Nahid RADDAF et Abdeljabbar MEDIOUNI nous le montrent bien via leur expérimentation en classe de français. Ils ont intégré des techniques propres à la pensée visuelle pour explorer « de nouvelles pratiques pédagogiques susceptibles d’aider les apprenants à apprendre mieux et avec plaisir ». L’accent est donc mis sur l’apport du mindmapping et du storytelling dans l’enseignement secondaire. Au-delà de la motivation, principal résultat évoqué par ce retour d’expérience, de nombreuses compétences transversales relevant d’un « curriculum informel » sont développées telles que « apprendre à explorer activement, à sélectionner, à appréhender ce qui est essentiel, à analyser et à synthétiser ». Et comme l’indiquent avec une belle formule leurs auteurs, « grâce à ces outils, apprendre ce n’est pas seulement comprendre c’est aussi ressentir, communiquer et partager » et en cela, le numérique est un puissant vecteur de sens et d’expérimentations en tout genre, que ce soit en Français ou pour d’autres matières comme les Sciences de la Terre et de l’Univers (STU).

Le potentiel de visite virtuelle, de simulation, de conceptualisation de situation abstraites ou difficiles à reproduire est important et permet aux quatre auteurs de la communication suivante (Abdellatif Chakib, Mohammed Talbi, Ghalem Zahour et Ahmed Sayad) de

« pallier aux difficultés de conceptualisation et donc [de] compréhension des concepts abstraits, et maitriser des phénomènes à l’échelle spatiale et temporelle d’un ordre gigantesque. ». En effet, en STU, la majorité de ces difficultés de conceptualisation ne peut être contournée que par des travaux sur le terrain, lorsqu’ils sont techniquement et financièrement possibles, ce qui est rare au vue des effectifs étudiants. Les Tice trouvent donc facilement leur place pour virtualiser et conceptualiser ce qui ne peut l’être autrement, apportant du sens et du vécu, par écran interposé. Il n’y a qu’à voir ce qui se fait du côté de la médecine avec les technologies de simulation et de réalités virtuelles pour s’en convaincre : les apprentis médecins apprennent des schémas d’interactions avec leurs

patients dans des univers 3D simulés et scénarisés en jeux sérieux. Le colloque annuel SEGAMED5 en est un bel exemple.

Dans la partie VIII des usages des Tic dans l’éducation, on peut constater que les immenses efforts des universités marocaines pour intégrer les Tice rencontrent à la fois les mêmes enthousiasmes et les mêmes freins que ceux qui se sont révélés dans le monde depuis que les « Tic » sont devenues « Tice », c’est-à-dire des nouvelles technologies pour l’enseignement. Les technologies ne sont plus nouvelles mais leur adoption prend du temps.

L’équipement en matériel et surtout en réseaux est bien évidemment constamment cité. Mais les auteurs, au vue des résultats de leurs enquêtes, relativisent ces problématiques technologiques par rapport à l’investissement humain considérable qui s’impose en termes de formation initiale comme de formation continue des enseignants. En effet, l’enquête menée auprès des enseignants de la Faculté Polydisciplinaire de Ouarzazate par Mounia TOUIAQ et Youness BELAHSEN révèle que « si les TIC présentent pour certains enseignants un important atout, elles constitueraient pour plus de la moitié d’entre eux, un frein majeur à l’évolution de l’enseignement et à l’organisation de l'établissement ».

L’accompagnement au développement professionnel de l’enseignant, notamment par et pour le numérique éducatif, semble s’imposer pour instrumenter la pédagogie.

Aicha ZENIRA résume le sentiment général en concluant son article avec cette remarque :

« La transposition didactique du savoir numérique est à prendre au sérieux; les formateurs, seuls, se trouvent dans l’incapacité d’arriver à ce résultat dans l’absence de références et de guides qui explicitent cet objectif ». Mais Aissam QADOUSS relativise encore plus : « Cet article nous a fait voir et savoir que la volonté institutionnelle ne suffit pas » dit-elle.

La question de l’attitude des jeunes apprenants est bien sûr moins souvent évoquée, vu le contexte d’immersion numérique dans lequel sont les citadins. En revanche cette question reste prégnante dans les zones reculées comme l’a constaté Younes Ed-DANE à Zagora où

« les pratiques numériques observées reflètent le caractère profane de la consommation du numérique et interrogent le rôle de l’école dans le développement des usages numériques

5 Le premier colloque annuel sur la gamification et les jeux sérieux en santé, à l’université de Nice : http://segamed.eu/WordPress/ consulté le 23/09/2017

dans les programmes scolaires». Une grande inégalité des chances des jeunes est constatée dans ces cas-là et le numérique peut éventuellement aider à limiter ce phénomène.

L’enseignement en ligne fait aussi partie des thématiques abordées lors de ce colloque à travers notamment l’enquête réalisée par l’équipe de Yassin AFA à l’université Ibn Zohr d'Agadir, pour proposer un service de formation à distance le plus adapté possible aux profils d’apprentissages des étudiants. Les résultats ont permis de choisir les outils les plus plébiscités par les étudiants pour constituer la plateforme de formation en ligne (tels que la vidéo et les documents à télécharger comme support d’apprentissage); cette dernière fera l’objet d’autres expérimentations et articles, aux dires de leurs auteurs.

Diverses contributions abordent ensuite d’autres aspects du numérique en éducation tels que l’hybridation et ses différentes formes, en relation avec la technologie pour Noureddine Elmqaddem. Ce dernier conclut que « si le blended learning était un choix il y a quelques années, il deviendra une obligation dans un futur proche. L'école et l'université sont submergées d'outils technologiques et d'objets connectés » et il sera impossible pour elle de se défiler de sa mission de formation et d’intégration, notamment pour développer l’intérêt et la motivation des étudiants.

L’assistance permise par les outils numériques aux personnes souffrant de troubles de l’apprentissage (les dys.) est également abordée par Soundous TOUNSI, montrant qu’un élève dyslexique, par exemple, peut voir son apprentissage facilité par l’utilisation de logiciels de synthèse vocale et de saisie prédictive.

Nous n’en sommes pourtant qu’aux débuts de l’ère numérique comparativement aux sciences de l’apprendre et ses déclinaisons épistémologiques. Et si ces dernières, bien que plus anciennes de quelques siècles, restent encore peu appliquées (cf. les théories montessoriennes abordées en partie VI et encore peu diffusées) tant nos formes scolaires semblent rigides et ancrées6, le numérique en éducation semble promis à un avenir plus

6 J.F. Cerisier, (Cerisier 2015 : 5), s’interroge sur la capacité de la forme scolaire actuelle à «s’adapter à des transformations sociétales particulièrement rapides et majeures comme celles […] des technologies numériques d’information et de communication. Autrement dit, les règles qui la définissent, relativement stables depuis deux siècles, restent-elles à la fois pertinentes pour l’atteinte de ses objectifs […] ?” : Cerisier, J.-F. (2015, octobre). “When the digital culture challenges the dominant schooling model”. Repéré à https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01216702

radieux, et à plus courte échéance. En tout cas, la multiplicité des expérimentations et recherches sur le sujet, montre tout l’intérêt qui lui est porté par une communauté internationale d’enseignants et de chercheurs.

Nous souhaitons remercier les organisateurs du colloque, le comité scientifique ainsi que les conférenciers pour l’importante somme de travail que représentent les échanges ainsi que leurs matérialisations dans cet ouvrage.

Enfin, nous souhaitons aux lecteurs autant de plaisir et d’intérêt à lire cet ouvrage que nous en avons eu à le produire pour pérenniser les riches échanges sur cette thématique.

Jean-François CECI, Philippe DUMAS

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