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Prédiction de la durée de vie

Chapitre 4 : Vieillissement humide

II. Vieillissement thermique des EPDM

3. Prédiction de la durée de vie

La finalité de toute étude de durabilité est de prédire la durée de vie de la pièce en service. Si l’approche scientifique utilisée est capitalisable, alors le modèle de prédiction de la durée de vie peut aussi être utilisé pour faire la maintenance préventive, sélectionner la formulation adéquate et dimensionner la pièce en fonction des conditions environnementales. Le principe de la prédiction de durée de vie consiste, dans un premier temps, à réaliser une série de vieillissements accélérés à des températures supèrieures à la température de service, et à déterminer la durée de vie dans ces conditions. Par la suite, la durée de vie à la température de service est extrapolée à l’aide de modèles mis au point sur des bases empiriques, phénoménologiques ou physiques. Des méthodes d’extrapolation telle que la méthode « arrhenienne » ou la méthode d’équivalence temps-température (préconisées dans la norme NF ISO 11346 [50]) sont souvent utilisées lorsque la température est considérée comme le principal facteur de dégradation. Il s’agit de méthodes empiriques ou phénomènologiques, à l’encontre de la modélisation cinétique du processus de vieillissement, qui a l’avantage d’être capitalisable.

a. Méthode « arrhenienne »

La méthode arrhenienne est la première approche classiquement utilisée pour étudier l’impact de la température sur la cinétique d’un mécanisme physique ou chimique. En effet, la loi d’Arrhenius s’écrit :

𝑡

𝐹

(𝑇) = 𝐴 ∗ 𝑒

−𝐸𝑅𝑇

𝑎

Avec A : coefficient pré-exponentiel Ea : énergie d’activation (en J/mol)

R : constante des gaz parfaits (en J.K-1.mol-1)

T : température absolue (en K)

On réalise une campagne de vieillissements accélérés à différentes températures supérieures à la température de service et on suit l’évolution au cours du temps d’une propriété (physico-chimique ou mécanique) importante pour l’application. On obtient ainsi plusieurs courbes d’évolution de cette propriété (notée PM sur Figure I-40) avec le temps de vieillissement. Il faut ensuite déterminer un critère de fin de vie pour pouvoir tracer la courbe d’Arrhenius de la durée de vie en fonction des différentes températures investiguées. Très classiquement, il est d’usage de prendre comme critère de fin de vie le temps correspondant à la perte de 50% de la valeur initiale de la propriété PM (très souvent l’allongement à la rupture).

Figure I-40 : principe de l’extrapolation arrhenienne [47]

Une fois la droite d’Arrhenius tracée, on détermine les paramètres (A et Ea) de la loi

d’Arrhenius puis on estime le temps qu’il faut attendre pour atteindre le critère de fin de vie à la température de service.

Cette approche présente plusieurs limitations détaillées dans la littérature :

• Le choix du critère de fin de vie : les paramètres de la droite d’Arrhenius obtenues dépendent fortement de la propriété choisie (voir Figure I-41). Ainsi, il est important de bien étudier la propriété limitante pour l’application considérée.

Figure I-41 : évolution de la loi d’Arrhenius en fonction de la température pour différentes propriétés dans le PA6 [51]

• La valeur du critère de fin de vie : le critère matériau définit par 50% de perte par rapport à la valeur initiale est une valeur purement arbitraire. Pour de nombreuses applications, à 50% de perte, la pièce conserve encore des propriétés suffisantes pour continuer à être utilisée. On surdimensionne ainsi les pièces volontairement et on choisit des critères de fin de vie volontairement pénalisants pour ne pas avoir de surprises par la suite, ce qui induit des coûts supplémentaires qui peuvent très importants.

• La validité de l’extrapolation avec la loi d’Arrhenius : pour pouvoir extrapoler les résultats obtenus avec une loi d’Arrhenius, on considère que le mécanisme de vieillissement est inchangé sur toute la gamme de températures étudiée. Autrement dit, la température ne fait qu’accélérer la cinétique de dégradation, le vieillissement accéléré étant bien représentatif du vieillissement naturel, ce qui est très souvent inexact. Par exemple, sur la Figure I-46, on observe que la limite de validité de la loi d’Arrhenius est réduite à un intervalle compris entre 100°C et 150°C. Ainsi, lorsque le vieillissement est réalisé en dehors de cette gamme, les prédictions de durée de vie réalisées avec une loi d’Arrhenius sont erronées. La Figure I-42 montre aussi clairement une évolution non arrhénienne du temps d’induction à l’oxydation en fonction de la température de vieillissement pour un polybutadiène.

Figure I-42 : évolution du temps d’induction à l’oxydation en fonction de la température de vieillissement du polybutadiène [52]

On peut expliquer ce comportement non linéaire par la multiplicité des réactions chimiques mises en jeu et décrites dans la partie II.2. En effet, la loi d’Arrhenius est utilisée en cinétique chimique pour un acte chimique élémentaire. Malheureusement, l’oxydation est caractérisée par une réaction en chaîne qui se compose de plusieurs étapes élémentaires ayant chacune leur propre énergie d’activation. Même si leurs constantes de vitesse différent de plusieurs ordres de grandeur, la probabilité qu’une seule étape limite toutes les autres est assez faible. De plus, supposons que la contribution de chaque étape sur la durée de vie obéit à une loi d’Arrhenius. La somme de plusieurs exponentielles ne peut pas être simplifiée en une seule exponentielle, ce qui conduit au final à la divergence des prédictions du modèle d’Arrhenius.

Pour résumer, la méthode « arrhenienne » peut être considérée comme fiable sur un intervalle de températures plus ou moins grand en fonction du matériau étudié.

b. Méthode d’équivalence temps-température

Le principe d’équivalence temps-température est de définir une température de référence

(noté Tref.), qui est généralement la température de vieillissement accélérée la plus basse

de la campagne d’essais (111°C sur la Figure I-43). On superpose l’ensemble des données expérimentales obtenues aux différentes températures de vieillissement accéléré sur les

données expérimentales obtenues à Tref grâce à l’utilisation d’un facteur de glissement

(noté aT) : 𝑡𝑇→𝑇𝑟𝑒𝑓 = 𝑎𝑇→𝑇𝑟𝑒𝑓∗ 𝑡𝑇 . On obtient ainsi une courbe maîtresse (voir Figure I-44).

Figure I-43 : évolution de l’allongement à rupture d’un EPDM à 4 températures de

vieillissement dans l’air [53]

Figure I-44 : courbe maîtresse obtenue par translation des courbes de la Figure I-43 à Tref.

= 111°C [53]

Par définition, le coefficient de glissement pour la température de référence est égal à 1. La Figure I-45 montre l’évolution de de coefficient avec la température. Les trois propriétés étudiées semblent suivre la même tendance ; en revanche, un comportement non arrhénien sur toute la gamme de température est encore visible.

Figure I-45 : évolution du coefficient de glissement défini pour trois propriétés en

fonction de la température de vieillissement dans l’air d’un EPDM [53]

Figure I-46 : évolution du coefficient de glissement avec la température [54]

Celina [54] montre que cette approche empirique manipule plus de données et est donc plus robuste, mais le caractère non arrhénien du processus de dégradation est toujours présent car, selon lui, les mécanismes de dégradation ne sont pas tous identiques sur la gamme de températures concernées (voir Figure I-46).

c. Modélisation cinétique du vieillissement thermo-oxydant

Si l’approche empirique de Celina a permis de mettre en évidence l’existence de deux droites d’Arrhenius sur la gamme de températures investiguée [55], ce changement de comportement n’est pas expliqué pour autant. L’approche cinétique développée par Verdu au laboratoire PIMM permet de modéliser la dégradation thermique à partir de l’ensemble des actes élémentaires du processus de dégradation [56]. La Figure I-47 récapitule le mécanisme de vieillissement thermique des EPDM réticulés [2] [17] . On associe à chaque

acte élémentaire une constante de réaction (notée ki). Elles obéissent toutes donc à une

loi d’Arrhénius. Il est à noter que les constantes k8i sont propres aux EPDM réticulés au

soufre.

Figure I-47 : mécanisme de thermo-oxydation d’un EPDM-ENB réticulé au soufre [2]

La résolution du système d’équations différentielles issu de ce mécanisme revient à identifier les différentes constantes de vitesse par méthode inverse. Ainsi, on cherche à interpoler les résultats expérimentaux obtenus grâce à l’analyse multi techniques et multi-

échelle [57]. L’influence de la température est calculée sur chaque acte élémentaire (grâce à la loi d’Arrhenius), ce qui permet de rendre fidèlement compte de cette influence sur le mécanisme de vieillissement global. La résolution du système d’équations différentielles est uniquement numérique, car il n’existe pas de solution analytique. La

détermination du jeu de constantes ki permet ainsi de rendre fidèlement compte des

modifications induites par le vieillissement de l’EPDM depuis l’échelle moléculaire (par exemple, la concentration en carbonyles en Figure I-48) jusqu’à l’échelle macroscopique (par exemple, les variations de masse en Figure I-49).

Figure I-48 : évolution de la concentration en carbonyles d’un EPDM pur au cours de son vieillissement entre 70°C et 170°C dans

l’air (points expérimentaux) et sa modélisation cinétique (traits pleins) [2]

Figure I-49 : évolution des variations de masse pour un EPDM pur au cours de son vieillissement entre 70°C et 170°C dans l’air (points expérimentaux) et sa modélisation cinétique (traits pleins) [2]

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