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Les prédateurs marins endothermes sur lesquels j’ai effectué l’essentiel de mes recherches et celles des étudiants que j’ai encadrés sont des populations d’albatros, de pétrels et de manchots ainsi que d’otaries et d’orques de l’Océan Indien sud et de l’Océan Austral (Figure 20). Les îles des Terres Australes et Antarctiques Françaises (îles Crozet, Kerguelen, Amsterdam, Saint Paul et la Terre Adélie sur le bord du continent Antarctique) hébergent une cinquantaine d’espèces qui viennent se reproduire à terre où il est relativement facile de les étudier.

Figure 20. Quelques espèces de prédateurs marins endothermes des TAAF pour lesquelles des suivis à long terme ont été effectués. En haut : biome sub tropical, au milieu : biome sub antarctique, en bas : biome antarctique.

L’ensemble des travaux concernant l’écologie alimentaire effectués sur cette communauté de prédateurs montre que dans cette région de l’Océan Austral le réseau trophique de l’écosystème est essentiellement basé sur les Myctophidés et les Euphausiacés (Figure 21). Il existe une forte association entre la présence du phytoplancton, des herbivores (Euphausiacés et Copépodes) et de leurs prédateurs (Tynan 1998). Comme il a été mentionné plus haut les variations climatiques saisonnières exercent une influence considérable sur la base de ce réseau trophique et donc sur les proies des prédateurs marins. A l’échelle inter-annuelle l’effet des variations climatiques commence à être relativement bien documenté pour certains écosystèmes, en particulier pour la zone de glace saisonnière de l’Océan Austral. Notamment, il existe une relation étroite entre l’abondance de certaines espèces d’Euphausiacés (le krill) et la couverture de glace. Les années à forte couverture de glace (étendue et concentration) sont généralement caractérisées par une forte abondance de krill, et vice versa (Loeb et al. 1997, Nicol et al. 2000). Le krill bénéficie de la banquise car cette dernière agit en tant que support de micro algues et lui procure des ressources alimentaires favorisant sa reproduction et sa survie. La glace de mer procure également au krill et à d’autres espèces inféodées à ce milieu une protection vis-à-vis des prédateurs. Ainsi, la diminution de l’abondance de krill à l’échelle de l’Océan Austral au cours du 20ème siècle (Atkinson et al. 2004) est très probablement liée à une diminution majeure de l’étendue de la banquise (de la Mare 1997, 2009). Dans les océans de l’hémisphère nord et en Arctique où le suivi du plancton a été effectué depuis plusieurs décennies, le cycle de développement, l’abondance et la distribution de Copépodes ont été fortement influencés par le réchauffement de la température de l’eau de mer (Hays et al. 2005). Il est donc probable que les espèces de plancton de l’Océan Austral répondent de manière similaire.

La communauté Antarctique d’oiseaux et de mammifères marins se nourrit exclusivement dans la zone de glace saisonnière pendant la moitié estivale de l’année (Ainley et Jacobs 1981, Ainley et al. 1998). Plusieurs espèces d’oiseaux et mammifères marins se reproduisant à des latitudes situées plus au nord viennent se nourrir dans cette zone pendant la période de reproduction (Weimerskirch et al. 1993, Catard et al. 2000, Biuw et al. 2007). Par conséquent, on peut vraisemblablement penser que les changements climatiques et océanographiques dans l’Océan Austral affectent l’abondance et/ou la disponibilité des principales espèces proies des oiseaux et mammifères marins avec un impact potentiel sur les traits d’histoire de vie de ces derniers. C’est le postulat sur lequel je me suis basé au cours de mes recherches, et à partir duquel j’ai recherché s’il existait des relations entre variables climatiques/océanographiques et traits d’histoire de vie (démographiques, phénologiques, distribution) des prédateurs marins endothermes.

Figure 21. Représentation schématique simplifiée illustrant les principaux flux du réseau trophique de l’écosystème de l’Océan Indien sud, montrant l’importance des poissons Myctophidés et des Euphausiacés. Sources : Ridoux (1994), Cherel et al. (2002a), (2002b), (2002c), (2008) et Cherel (com. pers.).

Plusieurs facteurs confondants peuvent compliquer la détection de ces relations. Bien qu’il constitue une région du globe difficile d’accès, l’Océan Austral a historiquement été exploité par l’homme (Figure 18). Aux 19ème et 20ème siècles l’exploitation à grande échelle pour la graisse des otaries à fourrure (Arctocephalus sp.), des éléphants de mer (Mirounga leonina), des cétacés, de certaines espèces de manchots, et depuis le dernier tiers du 20ème siècle celle des poissons et crustacés a probablement affecté de manière importante les interactions entre les différentes composantes des réseaux trophiques et la dynamique des écosystèmes (Laws 1977). La très forte exploitation jusqu’à quasi extinction dans certains cas des populations de plusieurs espèces de cétacés a vraisemblablement eu des conséquences importantes pour les populations de manchots et d’otaries en augmentant les ressources disponibles pour ces derniers (l’hypothèse du surplus de krill, Law 1977) et en diminuant la pression de prédation sur plusieurs espèces comme par exemple celle exercée par les orques (Ainley et al. 2005). Des analyses isotopiques du carbone et de l’azote

Patterson 2007). Les manchots semblent essentiellement s’alimenter de krill depuis 200 ans, alors qu’ils consommaient des proies ayant un niveau trophique supérieur (Myctophidés entre autres) au cours des 8000 dernières années. Ces résultats sont cohérents avec l’hypothèse d’un surplus de krill engendré par l’exploitation massive des otaries et des baleines, surplus qui aurait bénéficié à plusieurs espèces d’oiseaux et de mammifères marins de l’Océan Austral.

De même, le développement des pêcheries industrielles depuis les années 1960 dans l’Océan Austral a pu affecter les populations de prédateurs en modifiant les interactions entre espèces au sein des réseaux trophiques (Ainley et Blight 2008). Il convient par conséquent d’être prudent dans l’interprétation des effets des changements climatiques sur les populations de prédateurs qui peuvent être en partie confondues avec les dynamiques post-exploitations des ressources de l’Océan Austral. Parmi les conséquences de l’exploitation des ressources marines de l’Océan Austral par l’homme figurent les prises accidentelles d’espèces non ciblées, notamment des prédateurs marins endothermes. De nombreuses espèces d’oiseaux et de mammifères marins suivent les bateaux de pêche, attirés par les déchets alimentaires et les rejets de pêche. Derrière les palangriers, les oiseaux tentant d’attraper les appâts fixés sur les hameçons des lignes lors de la mise à l’eau de palangres se retrouvent eux-mêmes hameçonnés et périssent noyés (Figure 22) lors de l’immersion de la palangre (Brothers 1991).

Figure 22. En haut : Groupe d’oiseaux marins à l’arrière d’un bateau palangrier. Les lignes d’effarouchement (banderoles rouges) disposées à l’arrière d’un bateau pour empêcher les oiseaux d’accéder aux lignes sont visibles. En bas : Pétrel géant mort accroché à un hameçon fixé sur une ligne de palangre.

Derrière les chalutiers, oiseaux et mammifères marins peuvent mourir étranglés ou noyés dans le filet ou après avoir heurté les câbles de traction du chalut (Baker et al. 2002). Ainsi chaque année environ 300 000 cétacés et autant d’oiseaux marins sont tués dans les engins de pêche (principalement palangres, filets et chaluts). On peut donc s’attendre à un effet négatif de ces pêcheries via la mortalité accidentelle sur les taux vitaux et les populations de certaines espèces de prédateurs. Néanmoins, ces pêcheries offrent des ressources alimentaires supplémentaires (rejets, déchets) qui peuvent bénéficier à certaines espèces (Thompson 1992, Oro et al. 1995).

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