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Précipitation de l’hélium-3 dans les métaux (germination et croissance des bulles d’hélium-3)

CHAPITRE I – ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

5.2 Précipitation de l’hélium-3 dans les métaux (germination et croissance des bulles d’hélium-3)

5.2.1 Diffusion de l’hélium.

Les bulles ne peuvent se former que grâce à la diffusion des atomes d’hélium-3 dans le réseau métallique. Cette migration est décrite par les trois cas schématisés sur la figure 1.16 [SCHRÖDER 85] :

a) La diffusion par sauts entre sites interstitiels, qui est également le mode de diffusion du tritium dans le métal. Toutefois, l’énergie de liaison importante entre un atome d’hélium et un défaut (lacune atomique, dislocation, joint de grains, impureté atomique) rend ce mécanisme possible uniquement dans les zones exemptes de défauts.

b) La diffusion par l’intermédiaire d’une lacune occupée par un atome d’hélium jusqu'à ce qu’il migre sur une lacune voisine.

c) La diffusion par dissociation d’un complexe hélium-lacune puis par migration interstitielle. Néanmoins, ce mode de diffusion est moins probable, l’énergie de dissociation d’un complexe hélium-lacune dans le palladium valant 2,3 eV, contre 2,1 eV pour la liaison hélium-lacune.

Figure 1.16 : Mécanismes de diffusion de l’hélium dans la maille métallique [SCHRÖDER 85].

A notre connaissance, le coefficient de diffusion de l’hélium dans le palladium n’a jamais été mesuré expérimentalement. Certains auteurs l’évaluent à l’aide de calculs, comme Cowgill qui l’évalue, d’après les observations de densité de bulles de Thomas et Mintz [THOMAS 83], à 3.10-17 cm².s-1 à 300 K [COWGILL 04], ou encore Xia [XIA 06], par dynamique moléculaire, qui l’estime à 10-14 cm².s-1 à 300 K (par extrapolation). De manière plus générale, la littérature donne un coefficient de diffusion de l’hélium dans les métaux variant de 10-20 cm2.s-1 dans le titane [JUNG 91] à environ 10-10 cm2.s-1 dans le nickel [XIA 06]. Le coefficient de diffusion de l’hélium reste donc une inconnue dont les valeurs varient sur plusieurs ordres de grandeur.

5.2.2 Formation / croissance des bulles d’hélium.

Dans le cas d’échantillons vieillis sous tritium à basse température (T < Tm / 3, où Tm est la température de fusion du métal), les bulles se forment dans un matériau initialement sans lacunes puisqu’à ces températures il n’existe quasiment pas de lacunes thermiques (rapport du

nombre de lacunes / nombre d’atomes égal à 2.10-17 pour le palladium à 300 K).

Les atomes d’hélium-3 sont donc générés en position interstitielle et migrent par le mécanisme a) de la figure 1.16 jusqu'à ce qu’ils forment un amas ou soient piégés par une impureté ou un défaut.

Un modèle permettant d’expliquer la formation des bulles d’hélium-3 dans le nickel a été développé par Wilson et al. [WILSON 76], [WILSON 81]. Il a pu calculer l’énergie de liaison du Nième atome d’hélium-3 d’un amas, c'est-à-dire l’énergie de la réaction HeN → HeN-1 + He, jusqu’à N = 20. Pour le plus petit amas possible (N = 2), l’énergie de liaison est faible (E ≈ 0,2 eV), mais lorsque d’autres atomes entrent dans l’amas, l’énergie de liaison augmente jusqu’à une valeur relativement élevée (E ≈ 2 eV) puis reste pratiquement constante. La formation d’amas d’hélium-3 par diffusion s’accompagne d’une forte distorsion du réseau, et à partir d’un certain nombre d’atomes d’hélium-3 il est énergétiquement plus favorable d’éjecter un atome métallique vers un site interstitiel voisin afin de répartir la déformation sur deux mailles (relaxation de l’amas). Ce mécanisme a pu être mis en évidence expérimentalement grâce à des observations de Thomas et Bastasz [THOMAS 81] sur de l’or, après y avoir implanté de l’hélium.

A partir de ces calculs, il est donc possible de déterminer un mécanisme de formation des amas d’hélium-3 par « auto-piégeage ». Aux faibles concentrations en hélium-3, les atomes d’hélium-3 ont peu de chance de rencontrer un autre atome d’hélium-3 pendant leur diffusion pour sortir du métal et il ne se forme pas d’amas. Quand la concentration en hélium augmente,

2 atomes peuvent se rencontrer et la faible énergie de liaison entre ces 2 atomes peut retarder suffisamment la diffusion pour qu’un troisième atome soit à son tour piégé, un peu plus profondément, et les autres atomes se joignant à l’amas seront piégés davantage. Au delà d’un certain nombre d’atomes dans l’amas, il se forme spontanément une paire de Frenkel : la lacune est occupée par les atomes d’hélium et un atome métallique est éjecté en position auto-interstitielle (SIA pour Self Interstitial Atom), selon la réaction HeN-1 + He → HeNV + SIA, où V est le symbole de la lacune. A ce stade, la formation de la bulle est considérée irréversible. Ce mécanisme a été repris par Cowgill [COWGILL 04] pour modéliser la germination des bulles au cours des premiers jours du vieillissement. Ce modèle sera détaillé au chapitre 4. Le modèle de Wilson montre, dans le cas du nickel, que l’éjection d’un atome métallique en interstitiel est favorable lorsque le nombre d’atomes d’hélium dans l’amas dépasse 5 unités. Une récente étude de Yang et al. [YANG 06], reposant sur la dynamique moléculaire, confirme ce nombre de 5 atomes dans le cas du nickel, et donne un nombre de 7 atomes d’hélium dans le cas du palladium.

Le modèle de Wilson indique également que lorsque N est compris entre 6 et 10, les amas sont susceptibles d’évoluer par des réactions du type He + HeNV →HeN+1V2 + SIA, pour faire place à un atome d’hélium supplémentaire.

La condition nécessaire pour l’émission d’un SIA est que la pression PSIA à l’intérieur de la bulle excède une valeur seuil donnée par [TRINKAUS 83]:

Ω E r 2γ P f SIA SIA = + [1.21]

où γ est la tension de surface du métal, EfSIA l’énergie de formation d’un SIA, r le rayon de la bulle et Ω le volume d’une lacune. PSIA peut atteindre des valeurs supérieures à 10 GPa. Enfin, au delà d’une certaine taille de bulles, il est énergétiquement plus favorable d’émettre une boucle de dislocation plutôt que des SIA isolés (voir figure 1.17). La pression atteinte pour émettre une boucle est donnée par [TRINKAUS 83] :

r µb 2γ

P= +

[1.22]

Dans cette relation, µ représente le module de cisaillement du matériau constituant la matrice et b le vecteur de Burgers de la boucle de dislocation. D’une façon plus pratique, la pression à atteindre pour émettre une telle boucle est de l’ordre de P = µ / 5 [WÖLFER 88], [McCONVILLE 94]. Ainsi, pour le tritiure de palladium, la pression estimée pour l’éjection d’une boucle de dislocation est de l’ordre de 9 GPa, en considérant µ = 45,2 GPa [COWGILL 04], valeur calculée pour hydrure de palladium.

Nucléation d’un anneau interstitiel

Séparation d’une boucle prismatique de dislocation

Figure 1.17 : Etapes de la nucléation et de la croissance d’une boucle de dislocation autour d’une bulle [DONNELLY 91].

La croissance des bulles peut également se faire sans ajout de gaz, par migration et coalescence ou par le mécanisme d’Ostwald [TRINKAUS 83]. Dans le premier cas, le centre de gravité de la bulle se déplace par diffusion des atomes métalliques d’un côté à l’autre de la bulle. Les atomes d’hélium-3 et les autres bulles situées sur la trajectoire de la bulle principale sont absorbés. Dans le second cas, les plus grosses bulles croissent aux dépens des plus petites à cause du gradient de concentration entre bulles de différentes tailles. En effet, au voisinage d’une petite bulle contenant une forte pression d’hélium-3, la concentration en hélium-3 dissous est plus importante qu’au voisinage d’une grosse bulle (le champ de contrainte est plus fort) et la diffusion le long du gradient de concentration va dans le sens d’une expansion des plus grosses bulles.

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