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CHAPITRE 1: Introduction, Problématique et Objectifs

1.3 La minéralisation passive du carbone :

1.3.3 Précipitation des carbonates

La troisième phase de la réaction de minéralisation, la précipitation des carbonates, est également influencée par des processus abiotiques et biologiques (Figure 1.6). Au cours de la précipitation, les ions magnésium (Mg2+) dissouts dans l'eau se combinent avec le CO2 dissout.

Dans des conditions de surface, les ions Mg2+ forment, en milieu aqueux, des liaisons hydrogènes avec les molécules d'eau. Par conséquent, les produits de la minéralisation sont des carbonates de magnésium hydratés (landsfordite (MgCO3·5H2O), nesquehonite (MgCO3·3H2O), dypingite

minéraux a été décrite plusieurs fois au cours d'études sur la minéralisation du carbone naturelle et passive des résidus miniers (Beaudoin et al., 2008; Huot et al., 2003; Lechat, 2016; Oskierski et al., 2013c, 2016, Power et al., 2014b, 2013c; Pronost et al., 2012; Rollo and Jamieson, 2006; Wilson et al., 2011, 2009, 2006, 2014). La magnésite, bien que thermodynamiquement stable en surface (Tableau 1.1), n'est que rarement observée (Power et al., 2014b). Divers processus physico- chimiques favorisent la précipitation de carbonates. Un pH alcalin favorise la présence d'ions CO3

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et permet une meilleure précipitation des carbonates. Inversement, un pH trop faible (<7) peut induire une dissolution des minéraux carbonatés. Le pH de l'eau influence donc la stabilité des carbonates précipités.

L'évaporation des eaux de surface favorise la formation de carbonates par sursaturation. Les processus d'évaporation provoquent notamment, la précipitation de nesquehonite, qui est couramment observée à la surface des piles de résidus (Oskierski et al., 2016; Power et al., 2014b; Wilson et al., 2011, 2009). De plus, l'évaporation permet une déshydratation des carbonates- hydratés (Power et al., 2014b; Wilson et al., 2014). Ces processus permettent notamment l'apparition d'hydromagnésite par l'intermédiaire de la dypingite (Hopkinson et al., 2012, 2008). Dans certains environnements, les cycles d'évaporation-dissolution permettent la formation de dypingite et d'hydomagnesite à partir de cristaux de nesquehonite (Zarandi et al., 2017b) mais également la formation de magnésite (Power et al., 2014b).

La stabilité des carbonates magnésiens augmente de la landsfordite et l'artinite à la magnésite en passant par la nesquesonihte, la dypingite et l'hydromagnésite (Canterford et al., 1984; Hopkinson et al., 2008; Langmuir, 1965). De plus, la précipitation des formes cristallines comme la nesquheonite est favorisée et précédée par la formation de carbonates métastables, friables et amorphes (Zarandi et al., 2016). Parmi les autres processus physico-chimiques influençant le type et la stabilité des carbonates, on peut citer la température. La landsfordite est stable pour des températures inférieures à 10 °C. Au-dessus de cette température, elle est remplacée par la nesquehonite (Beinlich et Austrheim, 2012; Ulven et al., 2017). À température ambiante (>15°C), l'hydromagnésite et la nesquehonite sont les formes les plus stables (Königsberger et al., 1999; Zarandi et al., 2017b). Par ailleurs, les cycles de gel-dégel et la température influencent la stabilité mécanique des carbonates. L'apparition de fractures au cours des cycles de gel/dégel peut fragiliser la structure cristalline et aboutir à l'arrachement des minéraux carbonatés (Zarandi et al., 2017b, 2016). Enfin, la précipitation est influencée par des processus biologiques. Les cyanobactéries formant des tapis alguaires, favorisent notamment la précipitation de dypingite (Braithwaite et Zedef, 1996; McCutcheon et al., 2016, 2015, Power et al., 2014b, 2009b, 2007).

La réaction de minéralisation passive dans les résidus miniers est une réaction complexe. Les différentes phases de la minéralisation du carbone en milieu humide sont favorisées par des conditions de température et pH différentes. Sur un profil vertical, les conditions chimiques de l'eau évoluent fortement (Bruni et al., 2002; Cipolli et al., 2004; Kandji et al., 2017a, 2017b; Paukert et al., 2012). En surface, l'eau de pluie s'infiltre à pH faible (~6) et réagit avec les minéraux présents, induisant de profonds changements géochimiques, notamment une augmentation du pH (Kandji et al., 2017a, 2017b; Oskierski et al., 2016; Wilson et al., 2014). L'augmentation du pH au cours de la réaction de minéralisation du carbone limite la mobilité des métaux (Fe, Ni, Zn, Cu) et favorise leur précipitation sous forme d'hydroxyde ou de carbonates (Kandji et al., 2017c). L'évolution de la qualité des eaux influence donc la réaction de minéralisation et conditionne la capacité de séquestration. Toutes ces réactions ayant lieu en même temps, dans le même milieu poreux, elles influencent les propriétés hydrodynamiques des résidus. La dissolution a tendance à augmenter la porosité alors qu'à l'inverse, la précipitation de carbonates tend à la faire diminuer.

Les différents processus mis en jeux au cours de la minéralisation ont été étudié à l'aide de la composition isotopique du CO2 dissout (δ

13

CDIC) et de celle des carbonates néoformés (δ 13

C et δ18

O) (Beaudoin et al., 2008; Harrison et al., 2016, 2013, Oskierski et al., 2013a, 2013b, 2016, Wilson et al., 2014, 2011, 2006). Ces études ont notamment mis en évidence que les carbonates néoformés, fixant du CO2, sont caractérisés par un δ

13

C compris entre -5‰ et 5‰ et un δ18O élevé proche de 25 ‰ (Beaudoin et al., 2008; Gras et al., 2017; Oskierski et al., 2016; Wilson et al., 2014). De plus, il a été mis en évidence que le facteur de fractionnement isotopique (13CDIC-CO2(g))

est égal à -11.2 ‰ à 25°C au cours de la dissolution du CO2, dans une eau à fort pH et forte salinité

pendant la minéralisation du carbone (Gras et al., 2017; Wilson et al., 2010).

La modélisation numérique des processus naturels permet, après calibration, d'évaluer et comprendre à long terme le comportement des résidus. Malgré la complexité de la réaction de minéralisation, les processus naturels ont été modélisés en utilisant le modèle numérique MIN3P (Bea et al., 2012; Harrison et al., 2015; Lechat, 2016). Ce modèle numérique développé par Mayer (1999) permet de simuler le transport réactif, multicomposant dans un milieu à saturation variable, avec un transport diffusif et advectif de la phase gazeuse. Ce modèle numérique permet donc de simuler les réactions chimiques et l'écoulement des fluides (gaz, eau) dans une pile de résidus miniers. Bea et al. (2012) et Lechat (2016) ont modélisé respectivement en 1D, la réaction de minéralisation naturelle dans les résidus de la mine de Mount Keith en Australie et de Black Lake au Canada. Ces travaux ont notamment permis de souligner le rôle essentiel de l’évaporation dans la minéralisation (Bea et al., 2012) et l’importance des phénomènes d’advection des gaz (Lechat,

2016). Enfin, les travaux d’Harrison et al. (2015) ont souligné l’impossibilité de représenter les phénomènes de passivation en utilisant le code MIN3P. Les différentes études menées à ce jour ont permis de décrire les différents facteurs clés de la réaction de minéralisation à l'échelle de tests en laboratoire en utilisant quelques grammes à quelques kilogrammes de résidus. Aujourd'hui, afin de mieux comprendre et prédire l'évolution de la capacité de séquestration des résidus miniers, des tests à plus grandes échelles sont nécessaires.

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