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MATERIEL ET METHODES

Age 1 ère grossesse

A. Une précarité financière … :

Pour de nombreuses personnes atteintes de cancer, une détresse matérielle vient se surajouter à la détresse psychologique et physique engendrée par la maladie. C’est le cas de nos patients pour lesquels la composante « problèmes financiers » correspondait à la dimension symptomatique la plus dégradée, et ce de manière similaire pour tous les types de cancers étudiés (Tableaux 16, 18 et Figure 2). Le coût de la maladie semble par ailleurs d’autant plus important que le stade de la maladie est avancé, ce qui est hélas le cas de la majorité de nos patients. (Tableau 21)

Les sommes dépensées pour soigner nos malades du cancer ont en effet de quoi faire peur. A titre d’exemple, à un stade précoce, le traitement du cancer du sein par chimiothérapie seule coûte entre 13,3 et 28,6 millions de dollars par an, ce qui équivaut à 115 fois le salaire minimum annuel d’un citoyen marocain. Et l’usage d’un

arsenal thérapeutique de plus en plus sophistiqué comme les nouvelles molécules

anticancéreuses (thérapie ciblée) creuserait encore davantage ce gouffre financier [122-124]. L’association du trastuzumab à la précédente chimiothérapie mobiliserait cette fois l’équivalent de 976 fois le salaire minimum annuel en vigueur au Maroc. [121].

Cette surenchère de moyens, que l’on retrouve dans tous les pays, même les

plus riches, nous semble fort inquiétante dans la mesure où elle risque de réduire encore davantage le nombre de patients pouvant « s’offrir » leur traitement [128-132].

De plus, à l’opposé des autres dimensions, les difficultés financières sont

apparues comme une constante tenace tout au long du suivi, de la semaine S0 à la semaine 52 (Figure 18). La maladie s’inscrivant dans la durée, MARIOTTO et al. se

sont donnés pour objectifs de modéliser les données chronologiques des coûts de prévalence et de pouvoir réaliser des évaluations de coûts par phase de traitement. Cette approche a notamment permis de mettre en évidence une courbe des dépenses

en « U » en fonction du temps, avec les coûts les plus élevés lors de la phase initiale

suivant le diagnostic (correspondant à la mise au point des traitements de première intention), et lors de la phase précédant le décès (soins palliatifs), la période intermédiaire étant elle la moins onéreuse. [13]

Ainsi, si les progrès thérapeutiques améliorent la survie, ils font grimper les coûts, ce qui, ironiquement, alourdit encore davantage les répercussions financières d’un diagnostic de cancer. La question cynique du « prix de la vie » se place désormais au centre des réflexions en économie de la santé dans tous les pays industrialisés [128]. Aux Etats-Unis, on estime que les coûts des traitements contre le cancer vont croître de 39 % d’ici 2020. [134,135]

La publication en avril dernier d’un article dans la revue « Blood, journal de l'American Society of Hematology » a permis de lancer un débat éthique au sein de la communauté scientifique. Une centaine d’oncohématologues, américains pour la plupart, y avaient dénoncé l’extravagance des prix des thérapeutiques du cancer. Selon ces spécialistes, de tels coûts ne sont pas moralement justifiés, les médicaments dont dépendent des malades pour rester en vie ne devant pas selon eux être soumis à la loi du marché. [136]

D’autres études médico-économiques se sont également pencher sur la question en portant cette fois davantage leur attention sur le rapport bénéfice/ coût. Et le constat est amer: la plupart des innovations thérapeutiques obéissent à la loi des « rendements décroissants», c'est-à-dire qu’elles ne sont pas forcément corrélées à une meilleure efficacité en termes de gain d’années à vivre, surtout en fin de vie. [135]

De nouvelles recommandations pour la pratique clinique en cancérologie sont donc nécessaires. Elles permettront d’améliorer la qualité des soins des patients atteints de cancer et d’aider le clinicien dans la décision médicale en lui fournissant une synthèse des preuves scientifiques disponibles et des avis d’experts concernant le caractère approprié des stratégies de soins, pour une situation clinique donnée. [137,138]

B. …. doublée d’une précarité sociale :

Dans la diversité des cancers étudies et des traitements qu’ils exigent, se dégage une problématique commune : le financement des thérapeutiques du cancer. Or la

pauvreté des patients marocains, en particulier ceux consultant dans un

établissement public, est le principal handicap dont ils souffrent, avec un impact inéluctable sur l’équipe soignante et la prise en charge thérapeutique. En effet, 65,8 % des cancéreux de notre population d’étude patients ont un niveau socioéconomique considéré comme bas. (Tableau 19)

De plus, notre filet de sécurité sociale comporte hélas beaucoup de maillets qui filent si bien que plus de 71,4% de nos malades ne bénéficient pas de couverture sociale prenant en charge le coût des soins (Tableau 19). Ces patients disposent d’un certificat d’indigence qui leur permet de bénéficier gratuitement des prestations offertes par l’hôpital public, lesquelles se limitent à des médicaments anticancéreux peu coûteux.

Cela oblige les médecins à adapter les protocoles de traitement en fonction des moyens financiers et des stocks disponibles à l’hôpital et non aux standards thérapeutiques qui incluent des médicaments de plus en plus onéreux. Le patient est non sans ignorer ces aménagements thérapeutiques, ce qui a un impact psychologique très important en raison de la crainte de l’inefficacité du traitement. [3]

Si l’accès aux droits sociaux constitue un problème récurrent, la difficulté d’accès aux prestations de soins n’est pas à méconnaitre, 72,8% de nos patients étant

d’origine rurale.

Cet éloignement géographique des centres de soins et des professionnels médicaux, implique des frais de déplacements supplémentaires : une enquête de la

distance dépassait 50 Km, ce qui est considérable et explique en partie le retard diagnostic et majore dans le même temps l’impact financier de la maladie (Tableau21). [16]

Les dépenses annexes peuvent revêtir plusieurs formes. A titre d’exemple, la

majorité des patients a été obligée d’avoir recours à un moyen de transport en commun (Tableau 2).

Pour ceux se déplaçant en voiture, les coûts en carburant risquent d’être élevés. De plus, une personne affaiblie par la maladie et le traitement aura éventuellement besoin d’un compagnon de voyage, ce qui suppose des frais additionnels et des pertes de salaire pour le conjoint, l’ami ou le membre de la famille accompagnateur. Enfin, les traitements nécessitant de fréquents allers/retours entre le domicile et le centre de soin, certains patients devront quitter leur village pendant plusieurs mois et prévoir le séjour dans un hôtel notamment dans le cas où il n’y a pas de maison du cancer à proximité ou pas de place disponible. Ainsi, parallèlement aux dépenses de soins, la maladie cancéreuse génère des coûts indirects conséquents qui échappent aux remboursements des prestations sociales, si toutefois le patient en bénéficie. [3]

Cette hausse brutale des dépenses est aussi souvent aggravée d’une baisse du revenu familial en particulier pour les personnes qui avaient une activité

En France, 60% des personnes actives avant le début de la maladie disent avoir subi une diminution de leurs revenus. Cette diminution concerne d’abord les personnes en arrêt de travail, même si elle peut aussi concerner des personnes encore en activité mais obligées de limiter leur temps de travail ou des personnes se retrouvant à la retraite plus tôt que prévu ou en invalidité. [141]

Dans notre contexte marocain patriarcal, où la femme est souvent cantonnée au travail domestique (59,3% des patientes de notre panel sont femmes au foyer), cette vulnérabilité socio-économique de la famille devrait être accrue lorsque c’est l’époux qui est malade. [25]

Cette conjoncture de facteurs occasionne donc très fréquemment une

paupérisation de nos malades, déjà fragilisés par leur statut socio-économique difficile. Le recours à une aide financière s’avère être alors comme une nécessité

vitale.

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