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Pré-séquence principale .1 Évolution de la structure

L’exemple d’une étoile de 1,2M ⊙ à métallicité solaire

4.1 Pré-séquence principale .1 Évolution de la structure

La pré-séquence principale est une phase dominée par la contraction de l’étoile et donc par des ajuste-ments structuraux intervenant sur des échelles de temps bien plus courtes que la séquence principale (pour une étoile de 1,2Mà Z, STAREVOL indique que la PMS dure 35Ma et la séquence principale 5,5Ga). Le transport interne de moment cinétique n’a alors que peu d’impact, que ce soit sur la vitesse de surface ou le profil de rotation. La grande majorité des modèles d’évolution prenant en compte les effets de la rotation et publiés dans la littérature ne prennent pas en compte la perte de moment cinétique pendant cette phase (Charbonnel et al. 2013; Choi et al. 2016; Eggenberger et al. 2012). En réalité, comme on peut l’observer sur la figure 4.2, l’importante enveloppe convective et la vitesse de rotation maximale rendent la perte de moment cinétique non négligeable durant cette phase, malgré sa très courte durée. Cet effet est d’autant plus important que la masse de l’étoile est faible, par exemple, une étoile de 0,8 Mperd environ 40% de son moment cinétique par les vents lors de la PMS avec les prescriptions qui sont utilisées ici alors que notre modèle de 1,2M perd seulement entre 15 et 20% par les vents stellaires. La perte de moment due au couplage avec le disque est largement plus importante (voir partie hachurée sur la figure de droite sur Fig. 4.2) mais concerne essentiellement une période pendant laquelle la modélisation du moment cinétique est extrêmement simplifiée2, on ne détaillera donc pas cette phase qui sort du cadre de l’évolution stel-laire. Une description précise de l’évolution du moment cinétique lors cette phase demanderait à prendre en compte rigoureusement l’accrétion et la perte de moment cinétique par les jets (Voir e.g. Matt & Pudritz 2008), ce qui sort du cadre de cette étude.

4.1.2 Transport par les instabilités hydrodynamiques

Profils de rotation - Instabilités hydrodynamiques : Pré-séquence principale

FIGURE 4.3 – Profil de rotation en fonction du rayon normalisé à 5 âges au cours de la pré-séquence principale. Gauche : Dh=Z92, Dv=TZ97 ; Droite : Dh=MPZ04, Dv=Z92

On présente ici l’influence de différentes descriptions des instabilités hydrodynamiques sur le transport de moment cinétique dans la zone radiative de l’étoile.

2. Rotation solide tant que l’étoile est complètement convective et taux de rotation de surface fixé par la vitesse keplérienne du disque

Flux de moment cinétique - Instabilités hydrodynamiques : Pré-séquence principale

FIGURE 4.4 – Flux radial de moment cinétique total (noir) en fonction du rayon normalisé. On distingue le flux porté par la circulation méridienne (rouge, confondu en bas avec la somme des composantes) de celui porté par la turbulence de cisaillement (bleu). Haut : Dh=Z92, Dv=TZ97 ; Bas : Dh=MPZ04, Dv=Z92

La figure 4.4 montre l’évolution du flux de moment cinétique au cours de la pré-séquence principale pour deux modèles (1-2) calculés avec deux jeux de prescriptions différents pour Dhet Dv. Dans tous les cas, le transport est dominé par la circulation méridienne (en rouge) face à la turbulence de cisaillement. Naturellement, le flux de moment cinétique augmente avec le rayon et est plus important à l’interface avec les zones convectives. Le modèle 1 montre des inversions du sens de la circulation, c’est-à-dire la mise en place de boucles de circulation en sens opposés. Celles-ci ne sont pas observées sur les autres modèles car l’un des termes de la circulation (cf. Sect. 3.2.3) domine le sens de circulation permettant une extraction plus efficace du moment cinétique des régions centrales. Le terme de cisaillement turbulent plus important avec le modèle 1 est lié à un double effet : d’une part, le coefficient de turbulence verticale (TZ97) est augmenté par la prise en compte dans son expression de la turbulence horizontale et d’autre part, la circulation étant moins efficace qu’avec la prescription de Mathis et al. (2004), elle permet l’établissement d’un profil de rotation fortement différentiel qui favorise le cisaillement turbulent.

La figure 4.5 montre l’évolution des coefficients de diffusion au cours de la pré-séquence principale. On notera en particulier le coefficient de diffusion horizontal très important dans le cas 2 comparé au cas 1. Lors de cette phase de l’évolution, le coefficient donné par Mathis et al. (2004) (modèle 2) est même supérieur de un à deux ordres de grandeur aux trois âges représentés. Un autre point intéressant dans le cas de ces deux Dhest lié au rapport Dh/KT qui est alors supérieur à 1 et parfois même très supérieur, signifiant que la partie du flux thermique liée à la turbulence horizontale ajoutée par Maeder & Zahn (1998) n’est pas négligeable et le terme donné par l’équation Eq. 3.38 de la circulation méridienne en sera d’autant plus

Coefficients de diffusion - Instabilités hydrodynamiques : Pré-séquence principale

FIGURE 4.5 – Coefficient de diffusion en fonction du rayon normalisé à trois âges au cours de la pré-séquence principale. On a représenté la diffusivité thermique (vert), les coefficients de diffusion turbulente horizontal (noir) et vertical (bleu), le coefficient de diffusion lié à la circulation méridienne (rouge), la somme de ces deux derniers (magenta) et le coefficient de viscosité moléculaire (cyan).

Haut : Dh=Z92, Dv=TZ97 ; Bas : Dh=MPZ04, Dv=Z92

important.

On voit sur la figure 4.3 que le profil de rotation interne varie suivant les prescriptions de transport turbulent déjà de manière importante lors de la pré-séquence principale. Plus le coefficient de turbulence horizontale est faible, moins le transport de moment cinétique est efficace globalement. Lors de cette phase le coefficient de diffusion turbulente horizontale est beaucoup plus important lorsqu’il est calculé selon Mathis et al. (2004). Cela est dû à la relative constance du coefficient Dhen fonction du rayon comparé aux autres prescriptions où Dhest beaucoup plus faible au cœur de l’étoile (4 ordres de grandeur perdus entre Dh

sous l’enveloppe et au centre pour la prescription de Z92). Or, lors de la contraction, le moment cinétique est concentré dans les régions centrales, le transport doit donc être d’autant plus efficace pour minimiser l’accélération du cœur. On obtient en fonction des prescriptions utilisées, soit un profil plus aplati dans la région centrale et une meilleure distribution du moment cinétique augmentant la vitesse en surface avec le coefficient Dhselon Mathis et al. (2004), soit un profil avec un fort gradient à la ZAMS entre la vitesse de surface et la vitesse au centre, selon Zahn (1992).

4.1.3 Ondes internes de gravité

Les ondes internes de gravité transportent une grande quantité de moment cinétique de manière non-locale. La dissipation de l’onde à un rayon donné, qui libère alors son moment cinétique, entraine des

Flux de moment cinétique - Ondes internes : Pré-séquence principale

FIGURE4.6 – Même légende que la figure 4.4 avec en plus le flux de moment cinétique porté par les ondes de gravité interne (magenta). Dh=Z92, Dv=TZ97. Haut : Sans ondes de gravité ; Bas : Avec ondes de gravité.

modifications importantes du profil de rotation. Lors de la pré-séquence principale, l’enveloppe convective est très étendue mais le flux de moment cinétique reste faible. En effet, la zone radiative étant encore relativement peu stratifiée, seules les ondes de basses fréquences portant le moins d’énergie peuvent se propager et transporter le moment cinétique (Charbonnel et al. 2013). Cependant, le rayon de la base de l’enveloppe convective étant encore très faible (lors de l’expansion du cœur radiatif), le flux de moment cinétique n’a donc pas besoin d’être à son maximum à ce stade pour avoir un impact important sur le profil de rotation interne.

Pour une étoile de 1,2 masse solaire, les ondes internes de gravité sont efficacement générées par l’en-veloppe convective avec un flux de moment cinétique maximal pour une température effective autour de 6200K. Dans le cas de notre modèle, cela correspond à l’arrivée sur la séquence principale, ce qui signifie que dans la phase de fin de la pré-séquence principale, lorsque le cœur convectif est déjà en place, les ondes internes de gravité sont déjà un acteur majeur de la redistribution du moment cinétique. En effet, elles sont capables de ralentir le cœur stellaire pendant que la partie radiative s’étend en masse, tandis que la contrac-tion de l’étoile mène à une rotacontrac-tion différentielle négative sous l’enveloppe convective. Notons que malgré la présence d’un cœur convectif sur la pré-séquence principale, celui-ci n’a aucun impact sur l’évolution du moment cinétique. En effet, le flux de moment excité par le cœur convectif est 5 ordres de grandeur en dessous de celui excité par l’enveloppe pour une étoile de 1.2 masse solaire (voir Charbonnel et al. 2013, pour des conclusions sur un domaine de masse étendu).

On a montré dans Charbonnel et al. (2013) que, lorsqu’elles sont prises en compte avec la turbulence de cisaillement, les ajustements structuraux et la circulation méridienne, les ondes internes de gravité

do-Coefficients de diffusion - Ondes internes : Pré-séquence principale

FIGURE 4.7 – Coefficient de diffusion à trois âges au cours de la pré-séquence principale. On a représenté la dif-fusivité thermique (vert), les coefficients de diffusion turbulente horizontal (noir) et vertical (bleu), le coefficient de diffusion lié à la circulation méridienne (rouge), la somme de ces deux derniers (magenta) et le coefficient de viscosité moléculaire (cyan). Dh=Z92, Dv=TZ97. Haut : Sans ondes internes de gravité ; Bas : Avec ondes internes de gravité.

minent largement le transport de moment cinétique et modifient fortement le comportement de la circula-tion méridienne. Comme on le voit sur la figure 4.8, de multiples boucles de circulacircula-tion apparaissent alors, transportant le moment dans un sens ou dans l’autre et modifient le profil de rotation en conséquence.

Les modèles calculés dans Charbonnel et al. (2013) n’incluaient aucune perte de moment cinétique sur la pré-séquence principale, or le freinage de surface est le principal processus déterminant la vitesse de rotation de l’enveloppe convective et des ondes qui en sont excitées. J’ai donc recalculé quelques modèles avec un freinage suivant Matt et al. (2015), on voit dans figure 4.9 ci-dessous l’impact sur le profil de rotation dans le cas avec et sans ondes. On note en particulier la diminution de la vitesse en surface déjà à la fin de la séquence principale. Le couple exercé à la surface par les vents magnétisés avance également l’arrivée du front d’onde, il est situé à 20% du rayon de l’étoile dans le cas sans freinage à la ZAMS et déjà à 30% du rayon lorsqu’une extraction de moment cinétique est ajoutée à la surface.

4.1.4 Champ magnétique : Dynamo de Tayler-Spruit

Les mesures de champ magnétiques d’étoiles de différents types spectraux durant la PMS montrent des étoiles fortement magnétisées (de la dizaine de Gauss jusqu’à plusieurs centaines, voir e.g Folsom et al. (2016)) pour la quasi-totalité. On s’attend donc à ce que le champ magnétique soit un acteur important

Circulation méridienne - Ondes internes : pré-séquence principale (1,0M)

FIGURE4.8 – Boucle de circulation méridienne dans la zone radiative d’une étoile de 1Mavec (bas) et sans (haut) ondes de gravité interne à trois âges au cours de la pré-séquence principale (De gauche à droite : 14, 35 et 55 millions d’années). Les lignes bleues et rouges indiquent respectivement une circulation méridienne dans le sens horaire (U2> 0) et anti-horaire (U2< 0). Les zones hachurées représentent les zones convectives. (extrait de Charbonnel et al. (2013))

lors de cette phase, autant en ce qui concerne son interaction avec l’environnement extérieur qu’en ce qui concerne le transport interne de moment cinétique dans la zone radiative en développement. Cependant, très peu de travaux existent sur le sujet de l’impact du champ magnétique sur la rotation interne durant la pré-séquence principale. Les travaux les plus récents concernent l’impact du champ magnétique sur la structure (Feiden et al. 2015) et la quantité de lithium (Somers & Pinsonneault 2015) mais ne prennent pas en compte le champ magnétique interne lorsqu’ils calculent l’évolution de la rotation interne (s’ils la calculent).

À ce jour, les seuls travaux prenant en compte un transport par le champ magnétique pour l’évolution du profil de rotation lors de la PMS sont ceux d’Eggenberger et al. (2010) et Li et al. (2014). Ils ont réalisé des modèles PMS avec le transport de moment par la dynamo de Tayler-Spruit, à chaque fois dans le but d’étudier l’évolution du lithium en surface lors de l’évolution complète d’étoiles de type solaire. Ces travaux indiquent que le coefficient de diffusion associé à la dynamo de Tayler-Spruit est quatre ordres de grandeur au dessus de celui associé à la turbulence de cisaillement lors de la pré-séquence principale. Le transport de moment cinétique est ainsi bien plus efficace et la zone radiative atteint très vite un profil quasi-plat, inhibant complètement la destruction du lithium due au transport sous la zone convective et permettant alors à la diffusion microscopique d’être efficace.

Sans freinage Avec freinage

Sans ondes :

Avec ondes :

FIGURE4.9 – Figure récapitulative des modèles avec et sans freinage et avec et sans ondes.

4.1.5 Pré-Conclusion

Lors de la pré-séquence principale, l’évolution structurelle et les processus de transport façonnent le profil de rotation de différentes manières. Les processus hydrodynamiques seuls permettent d’obtenir plu-sieurs types de profils de rotation, la prescription utilisée pour le coefficient de turbulence horizontale induira une efficacité plus ou moins importante de la circulation. Ainsi, la prescription fournie par Zahn (1992) donne un profil fortement différentiel à la ZAMS avec le rapport des vitesses de cœur et de surface ∆Ω = Ωc/ΩS égal à 11. L’expression de Dh de Mathis et al. (2004) permet d’obtenir un profil beaucoup plus plat avec ∆Ω = 2,5 seulement.

Lorsque l’on ajoute des processus de transport supplémentaires, on tend naturellement à coupler da-vantage les différentes régions de la zone radiative. L’instabilité de Tayler-Spruit agit comme une viscosité augmentée du plasma et diminue fortement la rotation différentielle jusqu’à un profil quasi-plat à la ZAMS (∆Ω ≃ 1).

Les ondes internes de gravité ont un comportement un peu plus complexe, elles extraient le moment cinétique du cœur de l’étoile en laissant le reste de la zone radiative évoluer grâce aux autres processus hydrodynamiques. Il s’ensuit un profil de rotation en deux parties, la contraction de l’étoile tend à l’accélérer mais le cœur est ralenti par les ondes et la surface par l’extraction de moment par les vents magnétisés. Ainsi, le gradient de rotation est alternativement négatif en plein cœur, positif du fait du ralentissement des ondes et à nouveau négatif du fait du freinage. On obtient alors un rapport ∆Ω = 0,65 qui est bien inférieur

à 1.

Malheureusement, aucun moyen actuel ne permet de sonder l’intérieur des étoiles de faible masse à cette phase de l’évolution, on ne peut donc comparer nos modèles qu’aux observations de période de ro-tation de surface dans les amas jeunes. Il est à noter également que pendant la pré-séquence principale, la période de rotation dépend encore beaucoup des conditions initiales dont la distribution est encore as-sez mal contrainte. Cependant, plusieurs études (Bouvier et al. 1997; Gallet & Bouvier 2013, 2015; Irwin & Bouvier 2009) ont montré que pour permettre de reproduire l’ensemble des observations de surface, un découplage relativement important devait exister entre l’enveloppe et la zone radiative. Cela permet de contraindre un minimum le transport de moment dans la zone radiative. Par exemple, les modèles incluant un transport par l’instabilité de Tayler-Spruit n’indiquent aucun découplage à la fin de la séquence princi-pale et ne permettent donc pas de reproduire les rotateurs les plus lents à cet âge. De même pour les modèles calculés avec les ondes internes de gravité, elles sont fortement dépendantes des conditions initiales mais induisent globalement une accélération de la surface comparé au cas sans ondes. Les modèles qui sont donc le plus en accord avec les observations lors de la pré-séquence principale sont les modèles n’incluant qu’un transport par les instabilités hydrodynamiques.