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Le pouvoir des usagers :

Dans le document GOULLET de RUGY Bénédicte (Page 65-67)

2. Quelle mise en œuvre de la loi 2002-2 pour atteindre réellement ses buts et respecter ses principes fondamentaux ?

2.2. Une modification des relations de pouvoir au cours de l’évaluation :

2.2.1. Le pouvoir des acteurs dans le secteur médico-social :

2.2.1.3. Le pouvoir des usagers :

La question du pouvoir des usagers peut paraître saugrenue : s’il est nécessaire d’affirmer dans une loi que les droits des usagers doivent être garantis, n’est-ce pas parce que ces mêmes usagers n’ont pas suffisamment de pouvoir au sein des établissements et services médico-sociaux pour défendre le respect de leur droit dans les institutions ?

Les relations au sein des établissements et services médico-sociaux, entre les professionnels et usagers, sont aussi empreintes de dépendance mutuelle et déséquilibrée. La réciprocité de la dépendance n’est pas, la plupart du temps, repérée comme telle et les uns comme les autres la vivent à sens unique. Or, il existe bien aussi, une dépendance des professionnels vis-à-vis des usagers : sans usagers et leurs besoins, pas de professionnels !

Cette dépendance vécue, à tort, comme unilatérale influe fortement sur le pouvoir des usagers au sein des établissements et des services. Le pouvoir des usagers est aussi réduit, parfois, par leur déficience, mais celle-ci est loin d’être la justification unique de cette « confiscation du pouvoir ». Nous avons visité à plusieurs reprises des institutions accueillant des personnes atteintes de déficiences physiques auxquelles il n’était reconnu aucun pouvoir au sein de ces institutions, même pas celui de définir le projet qui les concernait avec les professionnels. Dans d’autres structures, il n’existe aucun lieu d’expression des usagers et leur participation à l’actuel Conseil d’établissement relève plus de la figuration.

La consultation, l’implication des usagers est donc une faille importante dans le fonctionnement de beaucoup d’établissements et services médico-sociaux : ceci les prive d’un pouvoir qu’on pourrait pourtant considérer comme légitime. Ce n’est pas le cas, bien heureusement, de toutes les institutions. Quelques unes se sont même engagées dans des démarches innovantes en la matière, précédant la loi 2002-2, dans la mise en œuvre

67 Au sens hippocratique du terme : le moment paroxystique où les symptômes sont à l’apogée de leur

d’instances de réelles expression, implication et consultation, mais c’est loin d’être une généralité. Si l’on souhaite s’orienter vers l’expression de l’autonomie et de la citoyenneté, il faudra donc certainement accepter de reconnaître aux usagers un pouvoir dont ils ont peu usé jusqu’à présent.

L’observation de plusieurs institutions médico-sociales que nous avons faite nous permet aussi de repérer une difficulté, voire une crainte des professionnels à laisser les usagers se regrouper, se rassembler pour échanger sur des thèmes qui les concernent, qui souvent les intéressent et pour lesquels il serait important qu’ils expriment leurs avis (respect de l’intimité et du libre choix, violence, sexualité…) pour éventuellement orienter l’action. Cette observation est aussi valable pour de nombreuses maisons de retraite.

Il y a aussi très peu de projets d’apprentissage de cette expression, de cette citoyenneté, pour les personnes qui auraient besoin d’être accompagnées dans de telles démarches ou dans les établissements ou services pour enfants ou adolescents.

Les autres acteurs avancent fréquemment l’argument que si les usagers n’ont pas ce type de pouvoir, tel que le défini FRIEDBERG, de structurer les processus d’échanges en leur faveur, c’est parce qu’ils n’en ont pas les capacités ou parce que les professionnels et/ou leurs représentants68 sont tout à fait en position de savoir ce qui est « bien » pour eux et où se situent leurs intérêts.

Nous ne nions pas la difficulté que représente la mise en place de lieux où les usagers auraient la possibilité effective de peser sur les décisions qui les concernent. Nous considérons en effet que l’exercice de la citoyenneté et le développement de l’autonomie nécessitent une réelle païdeia, une formation, une éducation dans cette visée spécifique, comme le défendait CASTORIADIS.69 Cette formation, qui devrait intégrer aussi une

formation à l’exercice du pouvoir, relève du rôle des professionnels (après qu’ils aient pu en bénéficier eux-mêmes), nous y reviendrons.

réaction salutaire du malade qui entamera le processus de guérison. CASTORIADIS C. La montée de l’insignifiance, Seuil, Paris, 1997, p 92

68 Parfois les uns avec les autres, mais parfois aussi, les uns contre les autres, plaçant de surcroît l’usager dans

une position de double contrainte.

69 CASTORIADIS C., Pour un individu autonome, dans : Manière de voir : Penser le XXIème siècle, Le

La situation des enfants ne doit pas être assimilée à celle des adultes. L’enfant70 est sujet de droit, mais pas encore citoyen : il s’agit donc plus de lui proposer un apprentissage de la démocratie que de lui donner un rôle prématuré de citoyen. L’accompagnement de son développement ne doit pas se faire au détriment de l’apprentissage au monde. Le positionnement, dans cette démarche, de l’enfant, de ses proches et représentants et des professionnels demande lui aussi un ajustement constant en fonction des progrès, des réussites ou échecs. Le pouvoir de l’enfant/usager doit aussi faire l’objet d’un apprentissage et il n’est pas dû d’emblée. Cela ne justifie pas en revanche, que la parole de l’enfant ne soit pas entendue ni prise en compte.

Les représentants des usagers, en revanche, exercent un réel pouvoir, auprès des autorités parfois, mais aussi au sein des institutions.

Dans le document GOULLET de RUGY Bénédicte (Page 65-67)