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Le pouvoir de suspendre les cours en cas de grève étudiante pourrait être inscrit dans les « Renseignements généraux » ou « Règlements des études » qui lient déjà les parties au contrat.

Contrairement au pouvoir de suspension de cours en cas de tempête hivernale, prévu par des directives ou politiques, le pouvoir de suspension pour cause de grève étudiante devrait idéalement être inclus au contrat par un règlement. Car ce dernier pouvoir étant plus susceptible d’être contesté judiciairement pour des raisons politiques, mieux vaut qu’il soit prévu par un règlement dont l’inclusion au contrat a déjà été reconnue explicitement par la jurisprudence et la doctrine. Cela renforcerait la probabilité que la clause proposée et le pouvoir qu’elle donne soient considérés valides.

Le pouvoir prévu par la clause de grève, ou par une clause de suspension de cours plus générale qui couvrirait notamment le cas des grèves et celui des tempêtes hivernales, pourrait prendre différentes formes. La clause pourrait donner le pouvoir discrétionnaire de suspendre les cours lorsque certaines conditions sont remplies. L’établissement pourrait alors décider s’il suspend, ou non, les activités. Par exemple, suite à un vote de grève conforme aux conditions prévues par le règlement, l’établissement serait libre de prendre la décision qu’il juge appropriée, sans obligation de suspendre. Le cumul des conditions ne déclencherait que la possibilité, pour l’établissement, d’exercer ou non son pouvoir.

La clause pourrait plutôt prévoir l’obligation pour les établissements de suspendre les cours en certaines circonstances. Dans ce cas, lorsque les conditions seraient réunies, l’établissement n’aurait d’autres choix que de suspendre.

Mentionnons que la « clause de grève » dont il est question ici n’inclut que le pouvoir de suspendre les cours, et non le pouvoir d’annuler la session. Ce pouvoir distinct nécessiterait une autre étude, notamment quant à la validité de ce pouvoir d’annulation.

Or, puisque l’annulation de session est une mesure à laquelle les établissements ne recourent pas, son analyse ne sera pas effectuée dans le présent article. Cela est d’autant plus logique qu’il a été démontré que les grèves qui lient l’ensemble des membres d’une association durent beaucoup moins longtemps99.

La clause de grève permettrait à l’établissement de suspendre les cours sans risquer qu’un étudiant dissident s’y oppose par une demande d’injonction, l’étudiant étant forcé de respecter les termes du contrat auquel il a consenti lors de son inscription, contrat auquel est donnée une importance déterminante par les tribunaux en raison de sa force obligatoire. Tout comme la hausse de frais de scolarité à laquelle ne pouvaient s’opposer les étudiants dans l’arrêt Fédérations des médecins résidents (CA)100, en raison de l’inclusion au contrat de la possibilité d’une telle hausse, le pouvoir de suspendre les cours, inscrit au contrat par l’entremise d’un règlement, ne pourrait faire l’objet de contestation. Un recours judiciaire serait néanmoins possible si la décision de l’établissement ne respectait pas les conditions requises pour l’exercice valide du pouvoir de suspension.

La clause de grève pourrait donc être utile aux associations étudiantes en ce qu’elle obligerait les étudiants dissidents à respecter la suspension de cours résultant de la grève étudiante. Toutefois, dans la mesure où l’établissement a le pouvoir discrétionnaire de suspendre, encore faut-il qu’il décide de suspendre les cours. C’est donc dire que dans le cas d’un pouvoir discrétionnaire, le respect du vote de grève ne serait pas assuré.

Il en irait autrement dans le cas d’une obligation de suspendre les cours. Alors, l’établissement n’aurait pas de choix. Seule la conformité aux conditions requises pourrait faire l’objet d’une contestation par des étudiants dissidents. Une clause prévoyant l’obligation de suspendre les cours garantirait un plus grand respect du vote de grève et serait ainsi plus profitable aux

99. Id.

100. Université de Montréal c. Fédérations des médecins résidents du Québec,

associations étudiantes. Non seulement l’établissement aurait l’obligation de respecter le vote conforme aux conditions, mais les associations étudiantes pourraient s’adresser aux tribunaux afin de forcer l’établissement à remplir son obligation de suspension.

La clause de grève n’est pas avantageuse que pour les étudiants et leurs associations, elle l’est aussi pour les établissements. Comme l’indiquait le professeur Brunelle, lorsqu’ils font face à un jugement leur ordonnant de donner les cours, les établissements sont confrontés à une situation « intenable et nullement propice à l’enseignement »101. Une suspension de cours conforme à la clause contractuelle leur permettrait donc d’éviter cette situation indésirable.

Afin d’être le plus incontestable possible, la clause de grève ne pourrait se contenter de donner un pouvoir sans prévoir un encadrement minimal. Il faudrait donc des conditions fixant les modalités d’exercice du pouvoir de suspension.

2. Les conditions pouvant servir à encadrer le pouvoir de

suspension

Ces conditions pourraient être de deux types : celles concernant le vote de grève et celles concernant la façon de suspendre les cours. Les premières conditions concerneraient plus particulièrement la tenue du vote de grève par les associations étudiantes. Le vote devrait être conforme à certaines exigences, par exemple quant au mode de scrutin secret, afin qu’il puisse déclencher l’exercice du pouvoir ou l’exécution de l’obligation par l’établissement. Un vote dont la tenue ne serait pas conforme aux conditions ne pourrait être le fondement de la décision de l’établissement.

Le second type de conditions concernerait plutôt la façon dont l’établissement pourrait suspendre les cours. Par exemple, afin que la suspension soit valide, l’établissement devrait publiciser sa

décision de différentes façons et garantir une reprise de cours adéquate.

La clause, selon le pouvoir et les conditions choisis, pourrait être rédigée de différentes façons. Les conditions et formalités pourraient se retrouver dans un règlement distinct ou dans une directive semblable à celles vues concernant les tempêtes hivernales. La « Procédure en cas de tempête de neige ou de verglas »102 de l’Université Laval, étant la plus complète, indique ce que pourraient contenir ces règlements et directives. On pourrait y retrouver le même genre de précisions, c’est-à-dire les objectifs, les définitions des concepts importants, les critères sur lesquels repose la prise de décision, la personne chargée de la prendre, les modes de diffusion et les dispositions applicables aux personnels.

Les critères pourraient contenir les conditions précé- demment mentionnées concernant la tenue du vote de grève. Plus précisément, ces conditions pourraient être que l’établissement doit être informé au préalable de la tenue d’une assemblée au cours de laquelle sera tenu un vote de grève. Aussi, l’établissement pourrait exiger que les étudiants en soient avisés un certain nombre de jours en avance et qu’une majorité d’étudiants présents ait voté en faveur de la grève. Il pourrait également exiger un vote secret.

Concernant les modes de diffusion, il pourrait être prévu que l’établissement envoie un courriel à l’ensemble de la communauté universitaire ou collégiale. Il pourrait aussi être prévu qu’un avis soit envoyé au ministre afin de l’informer de la suspension. Une condition pourrait concerner l’avis transmis aux étudiants et ses indications quant à la reprise de cours ou d’examens.

La présence de conditions encadrant le pouvoir des établissements serait importante, notamment afin d’assurer la validité de la clause de grève.

102. UNIVERSITÉ LAVAL, « Procédure en cas de tempête ou de verglas », préc., note

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