2.4 La contribution hyperélastique 2.4.1 Potentiel hyperélastique et approche thermodynamique Dans l’approche phénoménologique, le matériau est considéré comme un solide continu. Le comportement du matériau est régi par une relation non linéaire liant les contraintes et les défor-mations. Ces contraintes sont obtenues par dérivation d’un potentiel de déformation, notéW. En formulation Lagrangienne, ce potentiel s’exprime naturellement par unité de volume non déformé. Ainsi, l’étude du comportement hyperélastique non linéaire des élastomères nécessite la connais-sance d’une densité d’énergie de déformation supposée proportionnelle à l’énergie libre par unité de volume. Classiquement, cette densité d’énergie de déformation est postulée en terme d’invariant de défor-mation généralement en contrainte ou en défordéfor-mation [Mooney, 1940, Rivlin, 1956, Ogden, 1972, Attard, 2003]. En utilisant les équations classiques de la thermo-élasticité (premier et second prin-cipe de la thermodynamique des milieux continus)[Lemaitre and Chaboche, 2001] et dans le cas des élastomères supposés homogènes, isotropes et incompressibles, la contrainte dérive de la den-sité d’énergie de déformation par la relation suivante : σ=−pI+2B∂W ∂B (2.4) où pest la pression hydrostatique. Avec l’hypothèse d’isotropie, les densités d’énergie de dé-formationW sont alors écrites à partir des élongations principalesλ1,λ2etλ3(valeurs propres du tenseur des déformations pures) ou très souvent à partir des invariantsI1, I2 etI3 du tenseur des élongations de Cauchy-Green gaucheB. Les invariants s’expriment alors de la manière suivante : I1=traceB (2.5) I2= 1 2((traceB)2+traceB2) (2.6) I3=detB (2.7) Dans le cas particulier de l’étude en repère principal, les trois invariants peuvent s’exprimer en fonction des élongations : I1=λ21+λ22+λ23 (2.8) I2=λ21λ22+λ21λ23+λ22λ23 (2.9) I3=λ21λ22λ23 (2.10) On définit aussi les invariants :J1=I1.I3−1/3etJ2=I2.I3−2/3. Depuis 1940, de nombreux auteurs ont travaillé sur ce sujet. Ils ont proposé différentes formes de densité d’énergie basées sur deux types d’approches, physique et phénoménolo-gique. La première cherche à décrire le comportement du réseau moléculaire du matériau ou les théories des réseaux macromoléculaires [Trealor, 1975, Arruda and Boyce, 1993, Anand, 1996, Boyce and Arruda, 2000]. La seconde propose des fonctions mathématiques décrivant le com-portement global du matériau [Mooney, 1940, Ogden, 1972, Heuillet and Dugautier, 1997]. Dans notre étude nous avons fait le choix d’utiliser l’approche phénoménologique (la seconde approche). De ce fait seul les modèles issus de cette approche seront évoqués. Les modèles présentés par la suite sont issus de la littérature. Classiquement, nous supposons, dans un premier temps lors de cette présentation, un comportement incompressible de l’élastomère. Notre modélisation, par contre, prendra en compte la compressibilité du matériau. Potentiel de Treloar Le premier potentiel a été proposé par Treloar en 1944 [Treloar., 1944] sous la forme : W =1/2µ(I1−3) (2.11) avecµle module de cisaillement à l’état initial. Treloar [Treloar., 1944] mena ensuite une série d’essais uniaxiaux et démontra que son modèle était capable de prédire ces expériences avec une précision acceptable. Potentiel de Mooney-Rivlin Mooney [Mooney, 1940] et Rivlin [Rivlin, 1949] ont par la suite démontré que la fonction d’énergie de déformation pouvait se mettre sous la forme d’un développement en série où figurent les deux invariantsI1etI2du tenseur des déformations de Cauchy-Green droit : W = i ∑ m,n=0 Cmn(I1−3)m(I2−3)n (2.12) avecCmn des constantes (C∞=0) et i peut prendre des valeurs infinies. Cette équation nous permet de retrouver la forme néo-hookéenne lorsquem=0 etn=1 et le potentiel le plus classique de Mooney-Rivlin à deux paramètres : W =C10(I1−3) +C01(I2−3) (2.13) L’équation de Treloar 2.11 apparaît donc comme un cas particulier de l’équation 2.12. Potentiel de Ogden En 1972, Ogden [Ogden, 1972] reprit le concept de la méthode des élongations principales et proposa une fonction d’énergie de déformation sous forme d’une combinaison linéaire des inva-riants telle que : W(λi) =∑ n µn αn(λαn 1 +λαn 2 +λαn 3 −3) (2.14) Ogden a ramené les équations des contraintes de Cauchy aux cas particuliers de traction uni-axiale, de cisaillement pur et de traction équibiaxiale. Dans ces trois exemples, les déformations sont homogènes et les axes principaux ne subissent pas de rotation dans l’espace. Sur la figure 2.9, on peut observer les résultats obtenus pour les modèles de Mooney-Rivlin et Ogden pour trois modes de chargement sur les courbes expérimentales de Treloar [Treloar., 1944], réalisé par [Arruda and Boyce, 1993]. FIG. 2.9 – Comparaison entre les essais expérimentaux de Treloar [Treloar., 1944] en traction uniaxiale, biaxiale et cisaillement, et les modèles de Mooney-Rivlin et Ogden [Arruda and Boyce, 1993]. Pour le modèle de Mooney-Rivlin, on peut constater qu’il offre une certaine limite pour repré-senter le raidissement du matériau. Par contre, jusqu’à une élongation de 2, les résultats sont tout à fait corrects. Pour le modèle de Ogden, la corrélation est bonne pour des déformations principales inférieures à 2, par l’ajustement du paramètreα. Mais en ajoutant un deuxième terme dans la loi constitutive, un choix judicieux des deux paramètresα1etα2lui permet d’approximer les courbes expérimentales jusqu’au grandes déformations avec une très bonne précision pour les chargements en traction uniaxiale et cisaillement pur. Un troisième terme est nécessaire pour reproduire les essais de traction biaxiale. Il faut rappeler que les lois d’Ogden sont rapidement instables car le potentiel n’est pas systématiquement convexe et ces lois sont principalement utilisées pour de faibles nombres de paramètres [Marckmann and Verron, 2006]. Potentiel de Hart-Smith Hart-Smith [Hart-Smith, 1966] a cherché à déterminer les fonctions mathématiques les plus à même de décrire les dérivées de l’énergie de déformation par rapport aux invariants sur une large gamme de déformations. Il a proposé des fonctions exponentielles et logarithmiques. Le potentiel proposé, par Hart-Smith, suppose que le matériau est isotrope et incompressible : W =C1 Z j1 3 exp C3(J1−3)2 dJ1+C2log J2 3 (2.15) oùC1,C2etC3sont les paramètres matériau. Le premier terme permet de décrire le comportement global du matériau avec notamment le phénomène de raidissement tandis que le second terme permet de reproduire la courbure à l’ori-gine du matériau. Ce modèle fut le premier capable de décrire le raidissement en gardant une formulation en invariant avec un nombre de paramètres limité. Ce modèle a aussi été retenu par [Chagnon, 2003]. Il offre une représentation pertinente du comportement hyperélastique des élas-tomères. Dans le document Etude du comportement mécanique pour différentes températures d'un élastomère: caractérisations expérimentale et numérique (Page 48-51)