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Potentiel à encadrer

ANNEXE 4 : MONNAIES LOCALES COMPLÉMENTAIRES

2. Potentiel à encadrer

En parallèle de ces limites qui devraient être intégrées à la conception des MLC, la mise en place d’une MLC peut également mener à d’autres améliorations. Cependant, il est important de réaliser que ces dernières ne sont pas forcément automatiques et qu’il est donc nécessaire d’intégrer certaines mesures dans leur conception.

Tout d’abord, il est important, dans la création d’une MLC de mettre en place des mécanismes qui assureront la création de liens de confiance et qui chercheront activement l’intégration de tous les membres de la société. En effet, de nombreux auteurs prétendent que les MLC permettent, par défaut, de stimuler le capital social, d’augmenter les interactions sociales et de renforcer le sentiment d’appartenance (Wheatley, 2006). Certains exemples montrent d’ailleurs l’effet qu’a pu avoir le développement d’une MLC sur le tissu social d’une communauté (Patinkin, 2014, 3 juin). Or, plusieurs études de cas montrent qu’une telle relation n’est pas automatique (Dittmer, 2013). Dans le cadre d’une transition dé-croissanciste, il est important que les réformes et la transition puissent rejoindre une part importante de la population. Il est donc nécessaire de mettre en place les mécanismes adéquats à cet effet. Un de ces mécanismes peut être de promouvoir auprès des commerçants le fait que la circularité est à la base de cet argent et que la coopération finira par leur bénéficier davantage que la compétitivité malsaine qui existe actuellement dans certains secteurs (MLCQ, 2018a ; Patinkin, 2014, 3 juin). Une autre stratégie peut être d’organiser des moments de rencontre entre les différents usagers de la MLC (voir Accorderie (2018) pour des exemples d’activités organisées par les membres de l’Accorderie de Montréal-Nord). Une autre façon de faire qui permet de renforcer le tissu social est en mettant entre les mains de ses usagers la gestion de la MLC. C’est actuellement le mode de

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fonctionnement choisir par le BLÉ de Québec dans l’optique de créer les importants liens de confiance qui sont nécessaires pour un fonctionnement optimal de la MLC (MLCQ, 2018c). Finalement, il est important de présenter la MLC comme étant une façon de valoriser des compétences et des savoirs (MLCQ, 2018a ; Patinkin, 2014, 3 juin). Dans certains modèles actuels, c’est le fait que certains membres de la communauté sentent ne rien pouvoir offrir qui est l’un des principaux obstacles à l’utilisation de la MLC comme outil d’intégration sociale (North, 1996). Au travers de ces différents mécanismes, il devient donc possible de faire de la MLC un outil promouvant l’intégration sociale ; une intégration qui finira de toute façon par bénéficier à la MLC.

Un autre avantage des MLC est la réappropriation de certains services locaux. De fait, selon la méthode de taxation mise en place, il devient possible de profiter des transactions faites dans une monnaie locale pour financer des projets locaux (Patinkin, 2014, 3 juin). Ces projets peuvent permettre de soulager l’administration centrale ou de répondre à des besoins plus locaux qui ne seraient pas adressés autrement. Evidemment, au Québec, une réforme légale et une réforme en termes d’administration publique seraient nécessaires pour qu’une telle taxation soit possible. Cependant, vu la façon dont la province parvient à s’accommoder du niveau de taxation municipal, il devrait être possible de mettre en place un système de taxation local, adjoint aux différentes MLC.

En troisième lieu, il est intéressant de se pencher sur le pouvoir d’écolocalisation44 et de création de circuits courts d’une MLC. En effet, à la base, l’idée que la monnaie soit limitée géographiquement fait paraitre comme logique l’idée qu’une MLC stimulerait la production et la consommation locale. De nombreuses MLC se présentent en effet comme génératrice de circuits courts (Eusko, 2018f; MLCQ, 2018c). Cependant, l’influence qu’ont actuellement les MLC à ce niveau semble limitée. De fait, dans plusieurs cas, il est vrai que la généralisation des MLC encourage les individus à consommer plus localement, dans les commerces où leur MLC sera acceptée (Means of Exchange, s.d.). Cependant, l’écolocalisation peut signifier bien plus que cela. Ainsi, pour Dittmer (2013), l’écolocalisation caractériserait surtout les situations où la consommation de produits locaux remplacerait celle de produits importés ; une situation où économiquement, la région locale gagnerait réellement en termes de développement économique au détriment de « l’extérieur ». Il s’agit donc d’une relocalisation

44 L’écolocalisation est la localisation géographiquement réduite des réseaux de production et de

consommation dans une optique écologique (Dittmer, 2013). Il peut s’agir alors de questions liées au transport ou alors liées au mode de production. Par exemple, si produire des carottes au Québec permet d’avoir un impact écologique moindre que de les produire aux États-Unis par exemple, il devient écologiquement rentable de les produire localement dans une logique d’écolocalisation.

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beaucoup plus profonde et importante de la production et de la consommation ; il s’agit de la création de nouvelles entreprises ou de l’augmentation de la production locale actuelle pour répondre aux demandes en approvisionnement des entreprises et des particuliers. Cela peut mener par exemple à la production d’énergie locale ou à une production industrielle n’utilisant que des matériaux locaux. Dans le contexte québécois où de nombreuses régions sont centrées autour d’une seule industrie, une telle approche pourrait être grandement bénéfique d’un point de vue socio-économique, car elle mènerait forcément à une diversification des activités économiques, rendant les régions plus résilientes économiquement (P. Rondeau, entrevue, 22 juin 2018). Pour qu’une telle transformation de l’économie locale existe, il faut cependant que l’attrait de la MLC soit suffisant pour attirer sur le territoire des entreprises et de l’expertise n’y existant pas déjà. Or, dans ce domaine, le manque de données empiriques empêche de déterminer avec clarté la place que peut jouer une MLC à une telle échelle (Dittmer, 2013). Dittmer, quant à lui, défend l’idée que les MLC ne seraient pas forcément les meilleurs outils pour rapprocher les industries et raccrocher la production aux territoires. En outre, comme l’écrit Latouche (2007, p.119) : « Il faudra du temps pour relocaliser la production, les échanges, es modes de vie ».

Cependant, cela ne signifie pas que les MLC qui seront développées au Québec ne pourraient pas être conçues et encadrées pour faciliter et encourager une telle relocalisation en profondeur. Dans un premier temps, il est surtout nécessaire qu’un nombre important d’entreprises et de consommateurs adhère à la MLC. En outre, il faut qu’il existe une demande de la part des commerçants pour s’approvisionner localement. A ce niveau, limiter la convertibilité des MLC en dollar peut encourager les commerçants à chercher des débouchés et des produits locaux. Evidemment, attirer expertise et entreprises sur le territoire local ne peut pas être la responsabilité des seuls commerçants. Ainsi, la communauté d’utilisateur d’une MLC doit agir de manière collective, dans une optique de démocratie économique, pour attirer activement les activités de production nécessaires et souhaitées au sein du réseau de la MLC. De cette façon, il serait possible d’utiliser les MLC et leur réseau pour modifier durablement les schémas d’approvisionnement et de production.

Finalement, en modifiant la façon dont les MLC sont vues par les communautés qui les utilisent, il est possible de s’occuper d’une dernière critique qui a été adressée aux MLC. La critique est la suivante : certaines MLC, en particulier les banques de temps, ne réussissent pas à intégrer dans leurs cercles d’influence des activités nécessitant de hautes qualifications (docteur, avocat, ingénieur, professeur universitaire, etc.) (Dittmer, 2013). De fait, dans le paradigme actuel, il pourrait sembler illogique par

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exemple pour un avocat d’échanger une heure de son travail contre une heure de travail d’un maçon : avec une heure de travail, selon les taux du marché, il pourrait se payer au moins trois ou quatre heures de maçonnerie. Or, une telle situation entre totalement en contradiction avec les principes soutenant les MLC et la dé-croissance ; des principes beaucoup plus égalitaires et favorisant la démocratie économique. En introduisant le concept de monnaie locale, il est donc important de soulever à nouveau toute la réflexion concernant les écarts de salaires et les raisons d’être de ces dernières. Il faut donc qu’à ce niveau les comités et les communautés mettant en place des MLC repensent la question des égalités de salaires et intègrent, à la base, quelques-unes des recommandations proposées à la section 2 de l’annexe 3 comme l’intégration des ratios de salaire à l’intérieur des entreprises et la mise en place des salaires maximum.

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