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Mais il est possible de constater que certains de ces héros sont, comme les êtres fabuleux également issus de la mythologie grecque qui leur ont donné ce nom, prédestinés à avoir une

vie hors du commun par, notamment, leurs origines et leur hérédité singulière. En effet, un

héros est un « [ê]tre fabuleux, la plupart du temps d’origine mi-divine, mi-humaine, divinisé

après sa mort3 ». Avant même leur naissance, ces personnages sont donc promis à une

existence extraordinaire par leur ascendance en partie surnaturelle. Si, dans les textes plus

récents, les héros n’ont pas tous un parent divin, ils sont, toutefois, les enfants de personnages

remarquables, tels que des rois, des mages ou d’autres héros, faisant dès lors de l’héroïsme

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Anna S

TANISZEWSKI

,« Topic of the Week: The Chosen One: Fate vs. Free Will », The Enchanted Inkpot [en ligne], mis en

ligne le 09 octobre 2009, consulté le 20 mai 2016. URL : http://enchantedinkpot.livejournal.com/29806.html.

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Naamen G

OBERT

T

ILAHUN

, « “The Chosen On” vs. The One Who Chooses », Fantasy Magazine [en ligne], consulté le 20

mai 2016. URL : http://www.fantasy-magazine.com/non-fiction/articles/the-chosen-one-vs-the-one-who-chooses/.

3

« Héros », Trésor de la Langue Française informatisé [en ligne], consulté le 22 mai 2015. URL :

http://www.cnrtl.fr/definition/héros.

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une qualité héréditaire. Mais l’hérédité concerne également les antihéros, c’est-à-dire les

personnages négatifs des récits, ceux qui s’opposent à la quête héroïque. C’est ce que

confirment les historiens qui, dans Quand les Dieux buvaient, s’interrogent au sujet de

l’Impératrice d’Obersturm et de sa façon de régner : « Après bien des colloques

internationaux, les historiens ont conclu que tout ça, c’était à cause d’une hérédité chargée. »

(Dufour, T1, 2008, p.55). La notion de manichéisme entre donc souvent en compte dans

l’élection héroïque puisque, la plupart du temps, le héros doit affronter un anti-héros, tous

deux soumis à de grandes destinées liées l’une à l’autre. Naamen Gobert Tilahun écrit ainsi :

« Que ce soit par un voyant, une puissance ou une force supérieure, ou tout simplement à

cause de leur lignée particulière, les héros sont choisis pour vivre un grand destin qui

comprend souvent un combat entre les forces du bien et du mal1. »

Cependant, le destin particulier de ces personnages a souvent besoin d’être révélé par des

actions qui prouvent leurs valeurs. Fréquemment en rupture familiale parce qu’ils ont perdu

leurs parents ou ne sont pas élevés par eux, les héros doivent généralement leur statut à des

actes qui leur ont permis de pallier les manques qui étaient les leurs. Ainsi, le roi Arthur ne

découvre que tardivement qu’il est le fils d’Uther Pendragon, mais ce sont surtout sa capacité

à retirer Excalibur du rocher et sa vaillance qui ont fait de lui un héros et un roi apprécié de

son peuple. Pareillement, Naïla est, dans Filles de Lune, élevée par sa grand-mère qu’elle

croit être sa grande tante, et ne sait rien de la Terre des Anciens d’où viennent ses ancêtres et

de son statut de fille de Lune. Mais lorsqu’elle apprend sa véritable identité, ce sont ses choix

et ses actes de bravoure qui font d’elle une héroïne, plutôt que son ascendance, même si

celle-ci est à l’origine de ses agissements. Autrement dit, les héros sont prédestinés par leur

naissance à devenir de grands hommes. Toutefois, ils ne le deviennent qu’à condition de

réaliser des actions remarquables. Il semblerait que leur destin combine à la fois des innés,

c’est-à-dire des conditions qui mettent les personnages dans la voie de l’héroïsme, et des

acquis, à savoir les actes, bons ou mauvais, qu’ils effectuent et desquels découle leur

reconnaissance ou non, en tant que héros. C’est ce qui est très clairement illustré dans la

mythologie grecque à travers l’histoire d’Achille qui s’est vu offrir le choix entre une vie

courte et glorieuse ou une existence longue mais sans triomphe. Toutefois, Naamen Gobert

Tilahun souligne le fait que les décisions propres des héros n’empêchent pas

1

« Whether by a seer, some higher power or force, or simply because of their particular bloodline, characters are chosen for

some great destiny that often includes a fight between the forces of good and evil. », Naamen G

OBERT

T

ILAHUN

, « “The

Chosen On” vs. The One Who Chooses », op. cit..

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l’accomplissement de leur destin : il ne s’agit que de détours dans leur quête1. De même,

Joseph Campbell écrit que « [l]à où un héros ordinaire devrait affronter une épreuve, l’élu

n’est arrêté par aucun obstacle et ne commet pas d’erreur2 ». Autrement dit, les actes

héroïques qu’ils effectuent permettent une reconnaissance officielle des Elus auprès de la

population, mais leur statut de héros leur est prédestiné : quelle que soit la manière dont ils

accomplissent leur mission, celle-ci arrivera à son terme.

De même, dans les contes de fées, il est souvent question de récits mettant en scène des

personnages princiers qui sont, par définition, prédestinés à une vie de règne. Cependant, les

êtres féeriques entrent en jeu pour bouleverser leur destin en proférant quelque prophétie ou

en les aidant à pallier ce qui manque à leur bonheur. Les membres du Petit Peuple jouent donc

un rôle essentiel dans l’existence de ces protagonistes, mais celui-ci est totalement

indépendant de la volonté de ces derniers, comme cela est à plusieurs fois précisé dans Quand

les Dieux buvaient. Ainsi, il y est expliqué que les princes aimeraient profiter de leur célibat

mais que « les fées ne leur demandaient que très rarement leur avis. » (Dufour, T2, 2009, p.9).

Ce qui est confirmé un peu plus loin, lorsqu’il est question de leur « compétence reconnue

dans le domaine des mariages royaux, du moins auprès des gens qui n’ont jamais songé à

demander leurs opinions aux mariés. » (idem, p.90).

Les protagonistes de fictions féeriques n’ont, pour autant, pas tous un héritage princier ou

héroïque. Cela ne les empêche pas de devenir des héros dans la mesure où les êtres féeriques

peuvent remédier à leur vie modeste en intervenant sur leur destin. C’est ainsi que l’héroïne

éponyme de Laïyna est née de parents serfs assassinés par des barbares. Suite à cela, elle est

accueillie et éduquée par une Bête et le Petit Peuple de la forêt (Dubois, T1, 2001, p.24-29).

Pareillement, Lindyll est, dans Le Dernier Roi des elfes (Huguet, 2010), un jeune homme

recueilli par le souverain des Elfes. Ces deux personnages ont pu gagner leur titre de héros

grâce au bon vouloir des êtres féeriques qui sont intervenus dans leurs vies. Cela en fait des

élus dans la mesure où ils sont les seuls de leur espèce à avoir des relations aussi étroites avec

le Petit Peuple. Nous verrons ultérieurement que le personnel féerique ne laisse pas pénétrer

n’importe qui dans son univers et que seuls quelques élus peuvent en franchir les frontières.

Un héros est également quelqu’un qui « incarne dans un certain système de valeurs un

idéal de force d’âme et d’élévation morale3 ». Autrement dit, les héros des œuvres de notre

corpus sont les champions du peuple féerique : ils sont choisis pour en représenter les valeurs,

1

« Their decisions often amount to nothing more than little detours on this pre-destined path. In the grand scheme of things

they have very little choice. », Naamen G

OBERT

T

ILAHUN

, « “The Chosen On” vs. The One Who Chooses », op. cit..

2

Joseph C

AMPBELL

, Le Héros aux mille et un visages (The Hero with a Thousand Faces – 1949), Paris, J’ai Lu, 2015,

p.239-240.

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