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CHAPITRE II - Si la responsabilité des États Membres est non-reconnue : autres solutions

I. Les possibilités légales

Si l’on peut considérer que les États sont responsables pour les actes de leur secteur privé, comme on l’a vu dans le chapitre sur « La responsabilité des États face à ses organismes privés », cette obligation d’assistance technique devrait être élargie à toute entité, et donc aux opérateurs privés, et notamment ceux qui sont à l’origine des référentiels considérés comme d’importantes barrières sur les échanges internationaux.

CHAPITRE II - Si la responsabilité des États Membres est non-reconnue : autres solutions envisageables pour résoudre la question des référentiels privés

Dans la mesure où les États Membres seraient impuissants face aux actions de leurs opérateurs privés dans le domaine des référentiels privés, existerait-il un recours au niveau international ?

Quelques possibilités et recommandations politiques sont proposées par GRACE CHIA-HUI48, dans son travail sur les impacts des référentiels privés dans les pays en développement, et par le Département du développement international (DFID) du gouvernement du Royaume Uni en collaboration avec le Point d’information SPS du Royaume Uni dans un travail intitulé « Les normes volontaires privées dans le cadre multilatéral de l’OMC »49 .

I. Les possibilités légales

Depuis que GlobalGap prétend être un ensemble de spécifications dans les standards européens, peut-il être considéré comme un référentiel de contrôle officiel ?

48 GRACE CHIA-HUI (L.), op. cit. 49

OMC, ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE, 2007. – Les normes volontaires privées dans le cadre multilatéral de l’OMC . – G/SPS/GEN/802. 108p.

Les contrôles officiels sont définis par le règlement EC/882/2004, comme l’application de la loi d’inspection effectuée par les autorités compétentes dans les États Membres sur le respect des normes et exigences du secteur alimentaire par les entreprises. Ces contrôles comprennent, par exemple, les inspections, les audits, la surveillance, l'échantillonnage, l'analyse, etc. Le contrôle est effectué par la Commission européenne d’inspection des services, plus précisément par l’Office Alimentaire et Vétérinaire (OAV).

L’OAV a pour mission, au travers de ses évaluations 50 :

de promouvoir des systèmes de contrôle efficaces dans le domaine de la sécurité et de la qualité des denrées alimentaires, dans le domaine vétérinaire et dans le domaine phytosanitaire ;

de vérifier le respect des prescriptions de la législation communautaire en matière de sécurité et de qualité des denrées alimentaires, vétérinaire et phytosanitaire au sein de l'Union européenne et dans les pays tiers exportant vers l’Europe ;

et de contribuer à l'élaboration de la politique communautaire dans le domaine de la sécurité et de la qualité des denrées alimentaires, dans le domaine vétérinaire et dans le domaine phytosanitaire, et d’informer les parties concernées des résultats des évaluations.

Toute demande de denrées alimentaires, des pays en développement exportateurs, à la Communauté européenne est de la responsabilité de la Commission européenne. Pour les denrées d’origine animale, l’OAV effectue des inspections sur place et effectue un rapport écrit à la Commission. Selon ce rapport de l’OAV, la Commission fait une liste positive des pays et établissements qui sont autorisés à exporter pour la Communauté européenne.

Cependant, pour les exportations de denrées alimentaires d’origine non animal, l’OAV ne peut pas obliger les producteurs ou autorités compétents des pays en développement à aligner leur système avec les exigences de l’Union européenne. Il n’existe aucune liste positive de pays et établissements dans ce cas. L’OAV ne fait que soumettre les rapports à la Commission qui sont aussi valables pour le secteur privé. Basé sur ces rapports, l’opérateur privé peut choisir dans quels pays ou établissements il veut acheter. C’est-à-dire que le Règlement EC/882/2004 n’a aucun impact sur les

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fournisseurs de denrées alimentaires d’origine non-animale, sauf si la Communauté européenne décide d’étendre ses exigences à ces denrées.

Dans ce cadre, les référentiels privés/opérateurs privés ont-ils autorité, par substitution ou par défaut de réglementation publique de certifier ou auditer les producteurs qui veulent exporter sur le marché de l’Union européenne ?

A priori, l’article 5 du règlement EC/882/2004 permet aux autorités compétentes de déléguer des

taches spécifiques des contrôles officiels aux organismes privés de certification. Mais les organismes établissant les référentiels privés ne sont pas des organismes de certification. Ils ne sont pas disposés à avoir ce rôle dans les pays en développement.

Est-ce que l’OAV peut accepter les systèmes de certification basés sur les référentiels privés, dans les pays en développement, comme un mécanisme de contrôle de compétence nationale ?

L’acquisition d’une certification, basée sur un référentiel privé, signifie-t-elle automatiquement l’accomplissement de toutes les réquisitions légales ? N’y a-t-il pas une omission de la Communauté européenne en ce qui concerne les systèmes de certification privés ? En même temps, si la Commission intervient, elle assumera toute la responsabilité de ses référentiels privés face à l’OMC. Si la Commission accepte GlobalGap, elle devra accepter tous les autres référentiels en attente de leur reconnaissance.(GRACE CHIA-HUI, 2006).

En reconnaissant la validité de ces référentiels, la Commission autoriserait automatiquement leurs développements et leurs exigences de protection. Est-ce qu’elle ne devrait pas être la seule à pouvoir établir des niveaux de protection ? Est-ce que son autorité ne serait pas compromis par les référentiels privés ?

Pour le DFID du Royaume Uni, il existerait aussi la possibilité de traiter la question des référentiels privés en cherchant des indications interprétatives des Accords SPS et OTC. Cette interprétation pourrait être faite sous la forme d’une décision ad hoc au sein du système de l’OMC. Bien que cette approche soit théoriquement possible, « l’examen et l’adoption d’une telle décision ad hoc semblent

procéduraux nécessaires dans le système de l’OMC »51. De plus, la complexité des négociations, les possibles désaccords entre les États quant à la nécessité d’une telle initiative et la probable opposition de puissants groupes de pression, font que ce type de solution est inenvisageable.

Cette proposition pourrait être aussi appliquée par la formulation d’un amendement formel à ajouter aux Accords SPS et/ou OTC. L’article X de la Charte de l’OMC indique les majorités requises pour l’adoption d’un amendement formel, mais en pratique cette majorité et la procédure à suivre montrent que ce moyen semble être aussi irréaliste.

Une autre solution du DFID consisterait à « rechercher un accord sur la question des référentiels

privés entre un groupe choisi de Membres de l'OMC qui rédigerait, adopterait et contracterait certaines obligations ad hoc au moyen d'un "instrument plurilatéral" »52. Le Document de

référence sur les services de télécommunications est un exemple de ce type d'action plurilatérale

dans le système de l'OMC. Ce type d’instrument juridique évoquerait la possibilité de réglementer certains aspects sur les référentiels privés sans les imposer à l'ensemble des Membres de l'OMC, mais permettant, en même temps , à tous ceux qui le souhaitent de contracter ces engagements additionnels. Mais là encore, la question est loin d’être gagnée.

Pour finir, il existerait toujours la possibilité de considérer le système officiel de règlement des différends de l'OMC comme une voie juridique admissible pour aborder la question. Un pays en développement pourrait engager une procédure de règlement des différends contre un Membre au sujet d'un référentiel privé appliqué par un certain nombre de détaillants et qui serait présumé ne pas être fondé sur des fondements scientifiques. Cependant, « la procédure de règlement des différends

à l'OMC est coûteuse, politiquement sensible et souvent incapable de produire les résultats escomptés »53.