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De la possibilité de présumer l’autorisation de recourir à la force : l’argument

A priori, il convient de faire une nuance entre l’autorisation implicite et l’autorisation présumée.

En effet, une autorisation implicite suppose, comme nous avons eu à le dire précédemment, une résolution effectivement adoptée par le Conseil, laquelle autorise une action coercitive, mais dont les moyens à utiliser pour la mise en œuvre de la décision du Conseil sont laissés au libre choix des intervenants. Ce type de résolution ne contient aucune mention concernant l’emploi de la force, mais l’interprétation donne à entendre qu’il s’agit vraisemblablement d’une autorisation de recourir à la force, y compris la force armée. Ainsi en est-il lorsque le Conseil utilise les termes comme « tous les moyens

nécessaires291 ». L’autorisation implicite se fonde toujours sur une résolution préalable du

Conseil de sécurité. Au regard de la pratique suivie par le Conseil, on pourrait avancer que l’autorisation implicite est sa forme d’expression privilégiée. Il appert que l’autorisation implicite entre en collision avec la règle selon laquelle la délégation des pouvoirs ne peut se faire que par des autorisations expresses ou explicites. À défaut, on mesure le champ d’action laissé à l’utilisation décentralisée de la force par le biais

d’interprétations spécieuses de la part des États intéressés292.

      

291 Au sujet de la résolution 678 (1990), voir É. ROBERT, « La licéité des sanctions des Nations Unies contre l’Irak », dans Centre de droit international de l’ULB, Entre les lignes. La guerre du Golfe et le droit international, préc., note 204, p. 51. 

292 O. CORTEN, Le droit contre la guerre. L’interdiction du recours à la force en droit international contemporain, préc., note 73, p. 535. 

Tandis que l’autorisation présumée se fonde sur des indices variables, qu’il s’agisse des résolutions qualificatives, ou du comportement du Conseil de sécurité ex ante ou ex post facto. Dans l’hypothèse des résolutions qualificatives, le Conseil opère la qualification selon l’article 39 de la Charte, mais s’abstient d’autoriser des États membres à mettre les

mesures coercitives en œuvre. Il s’agit de cas de qualification sans autorisation293. En

pareil cas, aucune décision du Conseil de sécurité de recourir à la force ne peut être directement établie à partir d’une analyse des termes de la résolution – qui ne contiendrait ni une mention explicite du recours à la force, ni une formule comme celle de « tous les moyens nécessaires »-, ni des débats ayant précédé son adoption – lors desquels le recours à la force n’aurait pas été envisagé. Dans ce contexte, l’autorisation ne serait ni

explicite ni implicite294. Souvent, le Conseil n’arrive même pas jusqu’à qualifier la

situation, il se limite à condamner les actes et à imposer des obligations à charge d’un État qui menace la paix internationale. Tel est le cas de la résolution 688, qui a servi de fondement à l’opération « Provide Comfort » contre l’Irak. Dans la pratique, les États plus enclins à recourir à la force dans les relations internationales se sont engouffrés dans la brèche offerte, arguant que les résolutions qualificatives démontraient la nécessité d’une action militaire, a fortiori lorsque le Conseil a lui-même considéré la situation comme tombant sous le coup du chapitre VII, et que l’État visé a manifestement manqué de satisfaire aux conditions qui lui ont été imposées. Ce genre d’argument a été invoqué lors de l’intervention de l’OTAN au Kosovo.

      

293 R. KOLB, Ius contra bellum. Le droit international relatif au maintien de la paix, préc., note 9, no 234, p. 102. 

294 O. CORTEN, Le droit contre la guerre. L’interdiction du recours à la force en droit international contemporain, préc., note 73, p. 535. 

S’agissant du comportement du Conseil, soit avant, soit même après le recours à la force, des incertitudes importantes sont nées autour de la question de l’interprétation du silence du Conseil de sécurité face à l’emploi de la force non formellement autorisé. Ici, on ne se situe plus dans la question de savoir si la qualification vaut également autorisation, à savoir si les États pourraient se fonder sur des résolutions qualificatives comme titre

d’intervention295. La question est autre : une fois l’action est menée sans autorisation

préalable, comment faut-il interpréter le comportement du Conseil de sécurité avant que le feu ne prenne et après qu’il a pris ? Les cas sont légions dans la pratique où les actions militaires ont été entreprises sans résolution préalable, explicite ou implicite, dont on a argué que le Conseil a donné sa couverture, avant ou postérieurement à l’action. Ces précédents seront analysés sous peu. Cet argument fondé sur l’attitude du Conseil de sécurité a suscité une controverse sur le seuil nécessaire pour parler d’une autorisation qui viendrait rétroactivement régulariser l’action illicite ab initio. Pour une doctrine dont D. Momtaz est l’un des porte-paroles le plus remarqué, il s’est développé une pratique subséquente au sein des Nations Unies selon laquelle le simple silence du Conseil régularise l’action. Il s’agit d’une autorisation tacite ex post, avec effet rétroactif, notamment en ce qui concerne l’action entreprise dans le cadre d’accords ou organismes régionaux296.

L’objectif de cette section est de démontrer que malgré les conditions de validité de l’autorisation précédemment analysées, la pratique connaît des actions militaires entreprises sans autorisation formelle et préalable. Pourtant, il est difficile de prétendre       

295 R. KOLB, Ius contra bellum. Le droit international relatif au maintien de la paix, préc., note 9, no 237, p. 103. 

296 D. MOMTAZ, « La délégation par le Conseil de sécurité de l’exécution de ses actions coercitives aux organisations régionales », préc., note 147, p. 113. 

que toutes ces interventions non autorisées sont illicites. Car, l’attitude du Conseil de sécurité est quelque peu confuse.

À cet égard, nous commencerons par analyser quelques précédents à l’occasion desquels l’argument de l’autorisation présumée a été invoqué et rejeté (chapitre 1), avant de nous intéresser sur l’avenir de cet argument (chapitre 2). Il importe de préciser à ce stade, qu’il ne sera pas question, sauf à titre exceptionnel, d’exposer les faits tels qu’ils se sont déroulés à l’occasion des cas ciblés, mais d’identifier les moyens qui ont servi de base à la justification de l’argument de l’autorisation présumée.

Chapitre 1 : Le rejet de la possibilité de présumer l’autorisation de