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Positionner l’EHPAD en spécialiste de l’accompagnement de la grande dépendance

CHAPITRE II : FACE A CES DEFIS, QUELLES PISTES D’EVOLUTIONS

II) Positionner l’EHPAD en spécialiste de l’accompagnement de la grande dépendance

Toujours dans l’optique de développer une offre adaptée et complémentaire de celle offerte par les acteurs du maintien à domicile, l’EHPAD de demain pourrait en ce sens faire évoluer l’accompagnement actuellement proposé. C’est le second axe stratégique identifié pour faire émerger l’EHPAD de demain, et ce dernier peut prendre plusieurs formes.

a) Un lieu hyperspécialisé

Les tendances démographiques à venir pointent le vieillissement de la population à horizon 2030. Cela s’accompagnera par une hausse de la dépendance physique des personnes accompagnées en EHPAD, du fait d’entrées de plus en plus tardives justifiées par un maintien à domicile privilégié par les seniors, ce même maintien à domicile qui n’est possible que jusqu’à un certain niveau de dépendance. Ainsi, l’EHPAD de demain sera confronté à l’accueil de personnes présentant dépendance physique grandissante auquel il devra faire

67 Ibid. 68 Ibid.

face, en adaptant son accompagnement en structure en parallèle du développement de service. Il s’agit du second axe stratégique potentiel étudié dans cette partie.

• Développer la médicalisation afin de s’adapter à la grande dépendance Depuis la Loi 2002-2, les établissements pour personnes âgées n’ont eu de cesse de se médicaliser, afin de gérer l’évolution des profils de résidents, caractérisées par la hausse des GMP et PMP. En parallèle du développement du maintien à domicile, plusieurs experts et rapports préconisent le renforcement de l’EHPAD sur le versant de la médicalisation, afin de ne se concentrer que sur les cas les plus complexes à prendre en charge, ceux pour qui le maintien à domicile est difficile voire impossible. Ainsi, Albert LAUTMAN estime que faire que l’EHPAD soit le lieu de la grande dépendance est « le sens

de l’histoire, un constat déjà irréversible face auquel il faut s’adapter »69. Le Haut Conseil

pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) préconisait début 2019 de renforcer les capacités d’accompagnement des EHPAD, afin de faire face à des situations de plus en plus lourdes expliquées par le vieillissement démographique, notamment à horizon 2030. Aussi, les rapporteurs tablant sur le fait que l’image de l’EHPAD en tant que lieu de vie est à ce jour très perturbée du fait de la concurrence des habitats alternatifs, ils préconisent « d’assumer » une réalité à laquelle l’EHPAD serait assigné aujourd’hui : celle d’être un lieu axé sur la dimension sanitaire, prioritairement à la dimension « sociale ». Cette poursuite de la médicalisation des structures pourrait prendre différentes formes.

 Par le renforcement du rôle du Médecin Coordinateur

Le médecin coordonnateur est un personnage clé de la pratique en EHPAD. Son rôle cependant est à ce jour limité à des tâches ne lui permettant pas par exemple de prescrire des traitements, hors cas d’urgence, cette tâche étant dévolu au médecin traitant du résident (dans la logique des choses puisque l’EHPAD est avant tout un lieu de vie). Cependant, lui accorder de nouvelles prérogatives permettant par cela pourrait participer au développement de la médicalisation des structures. C’est ce que le décret N° 2019-714 du 5 Juillet 2019 portant réforme du statut du métier de médecin coordinateur accorde justement, en stipulant que le médecin coordinateur désormais, «peut intervenir sur tout acte incluant l’acte de prescription médicamenteuse, lorsque le médecin désigné ou le remplaçant n’est pas en mesure de les réaliser ». Une telle évolution permettra de faciliter l’accompagnement des résidents, en limitant notamment d’éventuels retards de prises en charge parfois sources de complications, ou d’hospitalisations. Aussi, assurer une

présence plus grande et plus fréquente du médecin coordinateur permettrait d’aller dans le sens d’une plus grande médicalisation. A l’heure actuelle, ces derniers ne sont présents qu’à temps partiel en structure, généralement à 50% du temps. Ainsi en disposant en ses murs d’un professionnel ayant le pouvoir de prescription et davantage présent, l’EHPAD sera en mesure de proposer des prestations en mesure de répondre aux défis imposés par le vieillissement et la fragilisation de sa population.

 Par la généralisation des infirmières de nuit

Ces derniers mois plusieurs expérimentations portant sur la mutualisation d’astreintes ou de garde d’infirmières de nuit entre plusieurs EHPAD ont vu le jour. Ces astreintes peuvent être organisées soit par les EHPAD directement, soit par un centre hospitalier opérant sur le territoire dans le cadre d’une convention de partenariat. Les principaux bénéfices à retirer d’une telle organisation seraient de diminuer le recours aux urgences, d’assurer une prise en charge adaptée à tout moment, notamment pour les accompagnements de fin de vie en permettant à la personne de rester dans son lieu de vie habituel, mais aussi de rassurer les équipes de nuit et les résidents70grâce à cette possibilité d’intervention augmentée.

Repenser l’organisation du travail

La médicalisation par la refonte de l’organisation du travail. Cet axe pourrait être étudié afin de repenser notamment les horaires de travail des infirmières, afin d’assurer une présence continue du matin au soir, et notamment le week-end. Ainsi, là où sur ces jours les infirmiers travaillent généralement sur des postes « coupés », avec une plage de 4h entre midi et 16h durant laquelle l’EHPAD ne dispose d’aucun infirmier sur site, il pourrait être opportun de revoir l’organisation des horaires afin d’assurer une présence infirmière en continu du matin au soir, sur le mode hospitalier (horaires postés avec équipe du matin et de l’après-midi). Le temps de nuit étant assuré par les astreintes ou gardes infirmières. Cependant, ces évolutions sont soumises à l’augmentation des moyens destinés au recrutement, et à la hausse du taux d’encadrement infirmiers et soignant en EHPAD.

 Proposer davantage de prestations médicalisées

La médicalisation par la proposition de nouvelles prestations71. Dans cette optique, il

pourrait être envisageable de voir l’EHPAD proposer en ses murs des actes jusqu’à lors essentiellement dispensés en hôpital, tel que des séances de dialyse, des transfusions sanguines, séances de chimiothérapie ou encore la pose et surveillance de voie veineuse périphérique. Pour ce faire, les structures pourraient s’appuyer sur les compétences des professionnels infirmiers qui les composent, lesquels disposent des mêmes formations et acquisitions de base que les infirmiers en milieu hospitalier. Cependant, de telles évolutions impliquent de développer le nombre de professionnels présents afin d’assurer les surveillances idoines, ainsi que de développer les prérogatives du médecin coordinateur. En outre, cela suppose de faire bénéficier aux EHPAD de budgets supplémentaires permettant l’acquisition des matériels nécessaires ainsi qu’un aménagement adapté des locaux. Cependant, cette médicalisation des prestations peut aussi passer par la conclusion de davantage de conventions de partenariat et de coopération avec les établissements hospitaliers du territoire. Elles pourraient permettre d’accentuer l’accompagnement spécifique, notamment au travers des équipes mobiles pour ce qui concerne des prises en charge spécifiques telle que celles inhérentes à la fin de vie ou aux troubles cognitifs.

Ainsi, l’EHPAD positionné en tant que spécialiste de la prise en charge de la grande dépendance, grâce à une médicalisation accrue, s’intègrerait dans une logique de parcours de prise en charge des seniors grâce à ses nouvelles compétences et moyens, avec les bénéfices espérés suivants :

- Faciliter l’aval d’hospitalisation en proposant des solutions d’hébergement temporaire en sortie d’hospitalisation, et en limitant les ré-hospitalisations ;

- Limiter le recours aux urgences ainsi que les hospitalisations du fait du développement des prérogatives des Médecins Coordinateurs, à la présence accrue de professionnels et aux nouveaux moyens techniques disponibles ;

- Faciliter les prises en charge de fin de vie au sein de l’établissement grâce aux partenariats et coopérations.

Dans cette optique de spécialisation, se poserait la question du positionnement des EHPAD en regard des Unités de Soins Longue Durée (USLD). A terme, assisterait-on à

71 L’EHPAD de demain : perspectives d’évolution de cet établissement et des compétences du directeur de

une fusion de ces modèles, qui proposeraient peu ou prou le même type de prestations ? Aussi, il convient d’être vigilant avec cette notion de médicalisation. Assigner aux EHPAD un rôle exclusivement orienté vers l’accompagnement de la très grande dépendance pose la question de la place de la vie sociale dans ces structures. Comment concilier les deux ? Est-ce à l’EHPAD de se médicaliser davantage, ou doit-il au contraire se concentrer sur la développement de la dimension « sociale » et lieu de vie de ses structures ? Le troisième axe de développement stratégique possible pour les EHPAD consisterait à axer davantage son accompagnement sur le versant social, en « proposant du soin certes, mais du soin caché », tel que le préconise Sophie BOISSARD, Directrice Générale du Groupe Korian.

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