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« L!homme corporel reparaît, rompt le monde des idées – comme un bruit rompt le monde des sons »

Introduction

Dans le chapitre précédent, dédié à l!observation et l!analyse des stratégies de l!habiter dans les rues des Quartiers Espagnols, nous avons vu comment les espaces du quartier sont en permanence redéfinis par des appropriations successives et/ou simultanées qui s!opèrent par une série de micro-territorialisations. Le quartier apparaît dans sa dimension dynamique (Mayol, 1994) et la rue se révèle habitée, surtout dans le cas des « bassi », comme une extension du foyer, de sorte que la distinction binaire privé/public s!en trouve en permanence remise en jeu. L!habitat se définit en grande partie comme un « espace pratiqué » (De Certeau, 1990) et en cela apparaît dans sa multiplicité : multiplicité des acteurs, des statuts, des significations, des usages et des configurations. Les habitants s!imposent comme les auteurs de ces « arts de "faire-avec!, usages polysémiques des lieux et des choses » (De Certeau, Giard, 1994 : 202), qui placent les habitants comme les acteurs d!un habiter mouvant, changeant, en permanente mutation, rendu possible par la densité de l!interconnaissance et des interactions. Ces « arts de faire » impliquent les habitants-acteurs dans une redistribution du quartier opérée sous le signe d!un « bricolage », proche du modèle que Lévi-Strauss reconnaît aux mythes : les espaces, leur sens et leurs usages, sont manipulés, modifiés dans leur répartition et leur emplois. Les phénomènes de porosité sociale et perceptive qui le caractérisent tendent à y admettre une co-présence des habitants en générant des espaces à la fois distincts et confondus, que l!on peut définir comme des « espaces intermédiaires » (Faillebin, 2007) imposant leur pluralité. La rue se trouve alors prise dans un constant va-et-vient entre l!intime et le collectif qui la fait osciller continuellement entre un statut d!espace public et d!espace privé.

Dans ce processus d!appropriation, la rue domestiquée voit se déployer en son sein un ensemble de gestes et d!attitudes propres à l!espace domestique. Ce « territoire où se déploient et se répète de jour en jour les gestes élémentaires des "arts de faire! » devient un « lieu du corps » (De Certeau, Giard, 1994), c!est-à-dire un lieu dans lequel le corps trouve une place comparable à celle qu!il occupe dans l!intimité du foyer. Espace d!implication dans la vie sociale et d!investissement de la personne, l!environnement du quartier place le corps au centre d!une intersensorialité. Intersensorialité et

interconnaissance se trouvent ainsi liées par des postures d!action et de perception qui nous amènent à présent à nous tourner vers ce que François Laplantine appelle une anthropologie modale (2005), centrée sur la dimension sensorielle. En choisissant de se concentrer sur une modalité sensible en particulier, le sonore, nous verrons qu!elle permet de rendre compte à la fois des relations sociales entretenues par les individus et de l!importance de la place qu!elle occupe dans la vie quotidienne.

De même que nous l!avons vu à propos de l!habitat - en tant qu!il s!impose comme un environnement investi, manipulé, détourné et approprié - la dimension sonore du quartier participe de la façon dont le quartier est vécu comme un territoire. En effet, l!environnement sonore du quartier, en tant qu!il comprend l!ensemble des sonorités immergeant les habitants dans un milieu perçu a priori comme unitaire (l!espace de la rue, et par extension du quartier), est sujet lui aussi à un processus de micro-territorialisations tendant à déjouer à la fois son apparente homogénéité et la dialectique public/privé.

Dans ce chapitre, il s!agira de témoigner de la pertinence d!une anthropologie sonore qui, en partant d!une analyse préalable de l!habiter, tend à démontrer l!importance de cette dimension sensible, encore trop peu abordée dans les sciences sociales. Dans un premier temps, il sera discuté de l!intérêt même d!une approche anthropologique du quotidien par le sonore en montrant en quoi elle s!insère dans le champ, aujourd!hui largement diffusé, de l!anthropologie sensorielle. Nous verrons que, malgré son aspect original, elle est issue d!une histoire récente de propositions émanant de domaines distincts, allant de l!écologie sonore à la bioacoustique, pour lesquels la notion d!environnement prend des significations et des vocables différents. Si l!approche de l!environnement sonore se voit habituellement attribués ses fondements aux travaux du compositeur et théoricien Raymond Muray Schafer, à qui l!on doit la notion phare de « paysage sonore », il s!agira d!insister sur une distinction nécessaire entre environnement et paysage, en discutant des limites d!une telle notion.

Dans le chapitre suivant (chapitre 4), après nous être positionnés dans un contexte épistémologique, nous nous pencherons plus spécifiquement sur la dimension sociale des environnements sonores des Quartiers Espagnols. Nous verrons que dans la rue, en tant qu! espace d!interaction permanente et de forte interconnaissance, une sonorité s!impose particulièrement dans l!environnement sonore : la voix. Espace de la vocalité,

la rue apparaît comme un terrain propice à l!usage de la voix haute, poussée sans retenue et sans dissimulations, avec toujours comme prétexte premier la prise de contact, comme si l!interaction sociale était d!autant plus marquée que la voix est forte et à même de générer ses espaces propres. Au travers d!une ethnographie de la communication verbale, il sera mis en lumière en quoi la voix participe au premier plan de la porosité de l!habitat, appuyant sur le fait qu!elle tend à créer, dans une co-présence, des espaces de sociabilité autres que ceux qu!impose la morphologie urbaine et domestique. Dans un second temps, après avoir décrit cette manière d!être sonore au quotidien par les actes de voix, nous nous intéresserons à un autre ensemble de sonorités qui tendent à s!imposer de façon beaucoup plus forte dans l!environnement sonore du quartier : les détonations des pétards et des feux d!artifices. Pétards et feux d!artifices font, à Naples, l!objet d!une pratique que l!on peut qualifier de traditionnelle. S!ils s!imposent surtout dans la période du nouvel an, ils sont également utilisés lors des festivités religieuses ou familiales. À travers l!analyse des discours relatifs à ces pratiques, nous verrons qu!émergent en profondeur des désaccords au sein desquels transparaît de façon virulente une stigmatisation des « fauteurs de bruit » directement liée à celle qui vise les habitants des quartiers populaires.

3.1 - Vers une anthropologie sonore

L!intérêt porté au sonore, cette incarnation acoustique d!un monde habité par des sons entendus, écoutés et produits, accidentellement ou intentionnellement, n!a cessé de croître ces dernières décennies, depuis des travaux fondateurs comme ceux de Raymond Murray Schafer ou de Pierre Schaeffer, dans des milieux aussi diversifiés que l!acoustique musicale, le champ de l!art contemporain, les sciences de la perception, la bioacoustique ou la géographie. Tel qu!en témoignent la plupart des travaux portant sur le sujet, cet engouement apparaît souvent comme dû à un retard que le sens de l!audition tenterait de rattraper sur la domination que le sens de la vue aurait soumis à la pensée occidentale depuis des siècles. Pourtant, dans les sciences sociales, les travaux portant sur les sons et l!environnement sonore restent rares, et ce n!est que très récemment que le terme l!intérêt pour le sonore fait timidement son apparition dans la production anthropologique, encore limité à un niveau de proposition. Lors que les termes « anthropologie » et « sonore » sont employés, ont les trouve associés comme « anthropologie du sonore » plus que comme « anthropologie sonore ». Déjà en 1991, Pascal Amphoux parlait d!une « anthropologie du sonore » dans une optique large mêlant architecture et urbanisme, perception, acoustique, sociologie et technologie118:

« Entre les études à dominante technique qui considèrent le bruit comme une nuisance dont il faut se protéger (approches acoustiques, normatives ou urbanistiques) et les travaux à dominante esthétique qui y voient un mode d'expression à préserver ou à mettre en valeur (approches musicologiques et ethno-musicologiques), s'ouvre depuis peu une troisième voie qui vise plus fondamentalement une anthropologie du sonore. Cette troisième voie intéresse directement l'architecte dans la mesure où elle consiste à intégrer de façon transversale des données liées à l'espace (acoustique appliquée, architecture, urbanisme), à la perception (psycho-physiologie, sociologie du quotidien) et à la production sonore (technique, communication, médias) ». (Amphoux, 1991 : 3)

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On retrouve là les principaux centres d!intérêt du laboratoire CRESSON (Grenoble, CNRS : UMR 1563 : "Ambiances architecturales & urbaines").

Mais cette « troisième voie » qui s!ouvrait alors, les travaux qui ont suivit en témoignent, ne constitue pas à proprement parler une approche anthropologique du sonore dans sa dimension sociale et culturelle. C!est principalement aux Etats-Unis et en Angleterre que cet angle d!approche a été le plus en faveur au cours de la dernière décennie. En France, l!ethnologie en a peu fait cas et l!ethnomusicologie, pourtant potentiellement bien disposée à s!intéresser aux productions sonores issues des traditions orales, résiste encore à ouvrir son champ d!investigation à des objets trop éloignés, de son point de vue, d!une dimension proprement musicale. Face au caractère émergeant et caléidoscopique des différentes approches du sonore en sciences humaines, il est encore difficile de parler véritablement d!un champ disciplinaire nouveau. Pourtant, sur le plan international, il devient aujourd!hui possible de rapprocher un ensemble de travaux et de propositions scientifiques sous le terme d! « anthropologie sonore ».

L!anthropologie sonore ne concerne pas à proprement parler un champ disciplinaire appartenant officiellement à l'anthropologie, au sens où elle n'est tout simplement inscrite dans aucun bulletin officiel des disciplines scientifiques ni dans aucun programme universitaire de sciences sociales. Elle apparaît plutôt comme une approche sociale et/ou culturelle des faits sonores tendant à émerger çà et là au travers de quelques travaux pour la plupart récents. Qu'elle pointe sous le jour d!une approche historique (Corbin, 1994), ou ethnographique (Ricci, 1996), la prise en compte des faits sonores comme objet de l'anthropologie dévoile néanmoins un vaste champ d'investigation ouvert permettant une relecture pertinente de nombreux objets des sciences sociales. Littéralement, le terme lui-même d' « anthropologie sonore » n!apparaît pour ainsi dire pas dans la littérature anthropologique, et cela appelle aujourd!hui à mettre en oeuvre son attelage théorique. Lorsque Antonello Ricci (1996) parle d'une « antropologia dei suoni », que Luc Bernard se présente comme un « ethnologue du sonore », ou que Jacques Coget119 tente une synthèse pluridisciplinaire, pour autant qu!elle a été décriée, autour d!une « anthropologie du sonore », bien que les objets demeurent différents, il s'agit de préoccupations d'un même ordre: considérer le sonore comme un environnement social et culturel dans lequel s!organisent des relations entre les individus et peuvent se constituer une culture

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et un rapport au monde par le sensible, par un savoir et un savoir-faire. En réalisant son « anthropologie des sons » d!un village de Calabre, Ricci (1996) a montré comment les sons accompagnent la vie domestique, festive, rituelle, pastorale et agricole, autant au travers des pratiques musicales que des activités quotidiennes. Pour nous, il s!agit de montrer que, dans une optique plaçant le sonore dans une dimension globale, la notion d' « environnement sonore » prend tout son sens en ce qu'elle introduit un rapport écologique à un espace de vie physique autant que social, c'est-à-dire recelant un système d'interactions signifiant et sensoriel entre un habitat et ses habitants. Cette même approche pousse certains auteurs à parler de « paysage sonore », expression relativement diffusée dont on discutera plus loin des limites et des usages qui en ont été faits.

De leur côté, les historiens, les géographes et les archéologues ont abordé à leur façon la question du sonore, du bruit, des objets bruiteurs, des relations au bruit…, s!éloignant ainsi des sentiers battus de leur discipline. Même si les recherches en la matière demeurent minoritaires, l!archéologie, et en particulier l!archéologie musicale (ou archéomusicologie), s!est en effet elle aussi intéressée depuis un certain temps aux questions de productions sonores non « musicales ». Tout du moins, elle s!est attachée à établir une distinction entre productions sonores et musicales (Dauvois,1998 ; Homo-Lechner,1996), s!intéressant aux signaux de communication (Dieu, 1999), aux instruments bruiteurs, ou aux acoustiques particulières de certains espaces sacrés (Reznikoff, 2005). Les historiens quant à eux, et principalement Alain Corbin (1994) et Jean-Marie Fritz (2000), ont tenté une réappropriation de la notion de paysage sonore en l!abordant chacun d!un point de vue différent, tandis que Jean-Pierre Gutton (2000) propose une relecture de l!histoire par les bruits et les sons en se basant sur des documents écrits comme les chroniques, les témoignages ou les actes judiciaires. Pour les historiens, le défi consiste à traiter d!objets dont les traces sonores ont disparu, les premières ne peuvant remonter plus loin que 1878, date officielle de l!invention du phonographe par Edisson. L!enjeu est alors de proposer, comme Alain Corbin, une approche de la culture sensible. Non seulement pour les historiens mais également pour de nombreux anthropologues, Corbin est considéré comme l!un des grands instigateurs de l!approche sensorielle en sciences sociales. En se concentrant sur les cloches, il déplie de nombreux aspects d!une société entière, celle des campagnes du XIXe siècle,

dont il met en lumière des enjeux qui se révèlent reposer pour une grande part sur cette culture sensible. Il a ainsi démontré que du seul point de vue des sonorités des cloches, peuvent être révélés des enjeux identitaires, territoriaux, sociaux et politiques. Pour Jean-Marie Fritz, il s!agit de traiter du versant épistémologique de ce qu!il nomme le paysage sonore au moyen-âge. Son étude repose non plus sur un point de vue sociologique ou sur celui des phénomènes acoustiques, mais sur celui des théories qui président dans la pensée médiévale. Il s!agit pour l!auteur de dégager les présupposés théoriques ayant pu conditionner l!écoute d!un horizon sonore médiéval afin de constituer un préalable nécessaire à l!observateur d!aujourd!hui s!il veut rendre compte de ce paysage sonore. Il s!agit donc plus de s!intéresser aux différents traités dans lesquels il est parlé du son et des manifestations sonores que de restituer un paysage sonore. Cette investigation épistémologique permet de mettre en lumière la manière dont sont décrites les manifestations sonores, révélant en quoi l!ouïe a pu jouir d!un statut particulier et participer à la constitution d!un savoir.

De la part des géographes, l!intérêt pour le sensible en général et le sonore en particulier s!est inséré dans leurs soucis toujours plus croissant de faire éclater les limites de leur discipline. Pascal Amphoux, membre du Laboratoire CRESSON120, travaille de longue date sur la dimension sonore de l!espace urbain, s!intéressant à l!identité sonore urbaine et aux notions d!ambiance, d!espace, de milieu et de paysage sonore, en insistant sur la distinction qui doit être faite entre elles121. Plus récemment, Frédéric Roulier propose une réflexion en faveur d!une « géographie des milieux sonores ». Invoquant autant Murray Schafer que Jean-François Augoyard (CRESSON), l!auteur insiste sur le fait que s!intéresser au paysage sonore ressort avant tout d!un questionnement géographique : « Le monde des sons n!est pas uniforme. Il présente au contraire, pour qui veut bien tendre l!oreille, de grandes disparités tant sur le plan temporel que sur le plan spatial. L!analyse de ces variations justifie l!entrée géographique et fonde les recherches dans la discipline » (Roulier, 1999). Cette

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Le Centre de recherche sur l'espace sonore et l'environnement urbain (c r e s s o n) est un laboratoire de recherche de la Direction de l!Architecture et du Patrimoine, implanté à l!Ecole Nationale Supérieure d!Architecture de Grenoble. Le CRESSON, associé au CERMA à Nantes (Centre d'Etudes Méthodologiques en Architecture), constituent depuis 1997 une Unité Mixte de Recherche du CNRS : UMR 1563 : "Ambiances architecturales & urbaines"

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Ce point se discuté dans la section 3.2.2. « Les mondes sonores qui nous entourent :

question de la variation spatiale et temporelle des relations entre homme et milieu semble justifier le fait que les géographes s!intéressent de plus en plus à des objets d!étude jusque-là portés par certaines disciplines comme l!écologie, la psychologie de la perception, la phénoménologie, l!anthropologie ou encore parfois l!ethnographie. Pourtant, le risque de cet intérêt pour l!observation de ces variations géographiques est de mettre en place des approches similaires à celles de l!école schaferienne, que l!on discutera plus loin, et de rejoindre la définition qui y en est faite de la notion de « paysage sonore ». En ce qui nous concerne, la présente recherche menée à Naples a volontairement éclipsé le niveau historique, préférant se concentrer sur une profondeur non pas diachronique mais synchronique des multiples aspects de la société mis en jeu par l!entrée de l!environnement sonore. Cela n!a pas été abordé sous l!angle d!une variation géographique culturaliste, ni selon des oppositions binaires comme celle, encore souvent invoquée, du rural et de l!urbain.

Dans la littérature ethnomusicologique, certains travaux ont voulu proposer un regard sur le sonore et questionnent la limite des pratiques musicales comme objet central de la discipline, mais ils sont restés mineurs. Il y transparaît la question du dépassement d'une conception trop « musicaliste » des faits sonores. L'intuition d!une approche anthropologique du sonore pointait déjà lorsque John Balcking parlait d!une « sound anthropology » (1995). Dans certains travaux d!ethnomusicologues comme Marcel-Dubois(1975), Canzio (1992), Bolle-Zemp (1992), Baily (1996), ou Feld (1982), le musical a servi de point d!appui à une vision plus large des pratiques sonores, en montrant que les enjeux sociaux peuvent également s!exprimer au-delà des pratiques musicales, pointant ainsi les limites des catégorisations issues du champ du musical. Il est étonnant qu!en France l!ethnomusicologie n!ait pas pris davantage en compte le sonore dans son sens large, ne serait-ce que du point de vue des pratiques (rituelles, festives…), car elle est pourtant à même, plus que d!autres disciplines, de s!interroger sur la catégorisation de ce qui, du point de vue des acteurs, entre ou non dans une catégorie du musical, et de démontrer que le social et le culturel passent aussi, et pour une grande part, par le canal auditif. Si Claudie Marcel-Dubois a introduit très tôt la notion de « paramusicalité » (1975 ) pour décrire des pratiques ne rentrant pas dans des catégorisations strictement musicales, le terme reste défini par rapport au musical, il lui est parallèle, voire secondaire, et n!a guère été repris par des travaux ultérieurs. Si

l!ethnologue Ricardo Canzio parle de « monde sonore », c'est bien que l'« oreille culturelle »122 ne peut se réduire à un fait musical qui résiste aujourd'hui plus que jamais à une définition close et pérenne.

S!il existe une diversité des manières d!écouter comme des façons de produire des sons, sur un mode esthétique ou plus imbriqué dans la vie sociale, on peut se demander les raisons pour lesquelles cette oreille, qui pour Bernard Lortat-Jacob est à même d!être considérée comme l!expression d!une culture, devrait se limiter à seulement un aspect du sonore, celui de la musique et de ses pratiques. Dans la production ethnologique française, ce n!est que récemment que l!on rencontre des travaux se revendiquant plus ou moins directement à une anthropologie du sonore, sous des acceptions divergentes. Pour certains, il s!agit simplement de mettre en avant le support audio des matériaux de la recherche, en privilégiant la collecte de témoignages oraux. Le groupe de recherche MELICO, par exemple, parle à ce titre de « mémoire sonore »123. Or, on pourrait appuyer sur le fait que cela ne diffère en rien de la pratique même de l!ethnographie qui, depuis ses débuts, fonde sa méthodologie sur la double collecte des observations et des discours, très tôt fixés par l!enregistrement sonore.

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