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Le positionnement de SYNPA par rapport au réseau de la réforme

Partie III : LE PLAIDOYER DE L’ALLIANCE SUR LE CODE DOMANIAL ET

Chapitre 1 Le positionnement de SYNPA par rapport au réseau de la réforme

SYNPA assume une position isolée au sein de la « société civile », qui pour une partie soutient le processus du MCA-Bénin. En effet, dans une évaluation par « la société civile » du MCA-Bénin, réalisée par Social Watch en 2009 « Perception de la société civile sur la mise

en œuvre du programme du Bénin pour le Millenium Challenge Account », SYNPA est l’une

des seules organisations contestant les bases de cette réforme foncière : « La menace est que

le MCA-Bénin n’ait pas attaqué la lutte contre la pauvreté du bon côté et pourrait contribuer à accroître la dépendance du pays en général et des plus pauvres que sont les agriculteurs. […]Une organisation comme Synergie Paysanne, dénonce déjà des spéculations foncières qui sont faites actuellement par certains intermédiaires qui sont en relation avec des firmes agro- alimentaires internationales pour leur fournir des informations sur les terres sécurisées au Bénin. Il y a le risque que les terres soient vendues à des étrangers qui vont désormais se prévaloir des certificats fonciers qu’ils auront achetés aux populations pour développer de grandes exploitations agricoles. Une situation qui aggravera l’exode rural et la précarité des populations »1. L’étude n’émet que des critiques à la marge et ne remet pas en cause les fondements de la réforme, basés sur la généralisation des titres fonciers. Pour SYNPA, Social Watch fait partie de la « société civile » qui « caresse » le MCA.

1 Social Watch, 2009. Perception de la société civile sur la mise en œuvre du programme du Bénin pour le Millenium Challenge

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De surcroît, l’isolement du réseau de la sécurisation foncière, dans lequel SYNPA s’inscrit, se manifeste aussi au sein de la « société civile » à travers un réseau de l’immatriculation largement partagé et organisé au sein des corporations juridiques. En effet, pour les mobilisations de l’ordre des avocats, des chambres nationales des notaires, des huissiers de justice, des architectes ou des urbanistes du Bénin, le code ne garantit pas les conditions suffisantes de la généralisation du titre unique, le certificat de propriété foncière1. Ils soutiennent que certains articles maintiennent le dualisme foncier et entretiennent une confusion sur les droits de propriété, qu’ils contestent : « l’article 4 qui revient totalement sur

le principe de l’appartenance à l’Etat de la propriété des terres au Bénin. […] Les droits réels immobiliers revendiqués selon la tenure coutumière sont maintenus quoique désormais affectés d’une simple présomption de propriété. Cette présomption laisse subsister la question de la preuve du droit de propriété et la distinction du droit de propriété avec les droits d’usage et/ou d’exploitation qui n’en sont que de simples démembrements. Cette présomption de propriété, autant que le certificat d’appartenance ne sont pas de nature à faciliter les transactions foncières ni à constituer une sûreté acceptable ou suffisante pour les dites transactions. Il n’est par ailleurs fixé aucun délai d’extinction de ces droits réels présomptifs existants alors paradoxalement que la loi votée introduit la notion de prescription acquisitive, sans la réserver exclusivement à l’Etat ce qui devrait s’entendre dans le contexte social, administratif, judiciaire et légal du Bénin. En effet, nul ne peut être propriétaire de tout ou partie du territoire béninoise s’il ne détient un titre délivré par l’Etat du Bénin. Certes la loi votée unifie le contentieux foncier mais en maintenant la liberté de la preuve des droits présomptifs existants, elle échoue à unifier le régime de la preuve et le contentieux de l’administration de la preuve devant le juge civil moderne ». Ces corporations, qui défendent

ardemment le certificat de propriété foncière et un approfondissement de l’immatriculation, portent un cadre conceptuel largement opposé à celui de SYNPA.

Le réseau de l’immatriculation connaît aussi des soutiens au sein du Ministère de l’Agriculture. Par exemple, Elise Suzanne Behanzin-Djogbenou, ancienne Directrice de la promotion et de la législation rurale, en charge des questions foncières pour l’élevage concernant la loi 2007-03, défend la généralisation des titres de propriété privée comme

1 Communiqué interprofessionnel sur la loi 2013-01 portant code foncier et domanial en République du Bénin, Ordre des avocats, Chambre nationale des notaires, chambre nationale des huissiers de justice, chambre nationale des commissaires-priseurs, ordre des géomètres experts, ordre national des architectes et des urbanistes réunis en interprofession le 14 janvier 2013 votée par l’Assemblée nationale.

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principale solution aux conflits fonciers et son effet de valorisation de la terre1. En mars 2013, elle n’était pas informée des atouts et des faiblesses du code, car elle ne l’avait pas encore lu. Si elle reconnaît l’importance de la question du bradage et de la thésaurisation des terres, elle défend aussi la terre comme garantie de crédit et le remembrement pour faciliter l’investissement étranger, qui sont souvent deux préalables à la généralisation des titres de propriété privée :

« Il faut qu’on évolue. La gouvernance foncière a une envergure internationale. La FAO lutte pour que la gouvernance foncière devienne une réalité. A défaut de remembrement, où l’Etat prend la responsabilité de la propriété foncière ; le remembrement est un problème très important pour les paysans. C’est dans leur avantage, c’est un outil pour augmenter leurs superficies. Avec le PFR, ils ont leur nom inscrit dans un registre qui permet l’immatriculation. L’immatriculation, ça valorise les terres, elle peut être utilisée pour faire un emprunt bancaire au lieu de brader la terre. La paysannerie doit tout mettre en œuvre pour rendre accessible ces Certificats de Propriété Foncière. Certes la question du coût de l’accès au CPF est importante, mais ce n’est pas une raison pour le remettre en cause. Si nous n’en avons pas, les paysans continueront à vendre leur terre de façon clandestine et continueront d’être exploités. La paysannerie peut faire du lobbying pour que les communes aient leurs schémas d’aménagement du territoire pour garantir une bonne gestion de nos terres. Le Certificat de Propriété Foncière est une forme améliorée du Certificat Foncier Rural, qu’on a expérimenté à partir du PFR. Avant, vous seriez obligé de transformer le CFR en titre foncier. […] Les CPF ne vont pas détruire les droits coutumiers. Il n’est pas en contradiction avec le droit coutumier. La collectivité entre dans le processus d’immatriculation et améliore le droit coutumier pour que la propriété soit reconnue. »

Si elle valorise la participation et la concertation des acteurs de la « société civile » organisée par le MCA-Bénin, je montrerai que ce dernier a plus marginaliser SYNPA, qui a dû lui « arraché » des temps de dialogue.