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La position de la RPC à l’égard de la responsabilité de protéger La RPC a assez clairement essayé d’appliquer à la responsabilité de protéger la même

technique que pour les droits de l’Homme. En effet, après avoir voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale qui la consacre, la RPC l’a interprété à plusieurs reprises comme ne modifiant en rien sa vision des principes de l’article 2 de la Charte tels qu’elle les comprend. Pourtant, elle a participé à la formulation de la responsabilité de protéger dans le document final du Sommet mondial de septembre 2005170, et celui-ci consacre presque mot pour mot la position qu’elle exprima sur la question, y compris sur son volet « interventionniste »171. Par son vote avec tous les autres Etats membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, la RPC s’est indéniablement déclarée prête « à mener en temps voulu une action collective résolue, par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité »172.

Dès novembre 2005 toutefois, la RPC se disait réticente à inclure une référence à la responsabilité de protéger dans une résolution du Conseil de sécurité, comme le Secrétaire général des Nations Unies l’y invitait173. Le 28 avril 2006, elle finit par voter favorablement à la première résolution du Conseil qui y fait référence sur un plan abstrait174, mais dès le 31 août 2006, elle rechigna à l’appliquer dans un cas concret, et s’abstint lors du vote sans même évoquer la responsabilité de protéger dans sa déclaration au Conseil175. Lors d’un débat en décembre 2006, elle souligna que la « communauté internationale » ne devait pas, en intervenant dans le cadre d’une crise humanitaire, « porter atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale des Etats concernés, ni imposer sa présence en passant outre la volonté de ces Etats »176. Elle mit également en garde contre les tentations d’étendre ou d’abuser du concept177. En juin 2007, elle indiqua qu’une « aide extérieure ne doit être octroyée qu’avec le

170 Voir spéc. à cet égard : R. Foot, « The Responsibility to Protect (R2P) and its Evolution: Beijing’s Influence

on Norm Creation in Humanitarian Areas », St Antony’s International Review, February 2011, vol. 6, n°2, pp.

47-66, et R. Foot, China and Humanitarian Intervention, cours dispensé le 26 mars 2012 à l’Université de

Cornell, http://www.youtube.com/watch?v=obWpuPOh-T4 (en particulier autour de la 23ème minute). La même

auteure a fait une intervention sur ce sujet le 8 juin 2012 au Collège des Bernardins à Paris, dans le cadre d’une Conférence organisée par l’Asia Centre, intitulée China’s Foreign Policy and Its Non-Interference Principle: Farewell or Renewal ?.

171 Voir spéc. le point III.1 du Position Paper of PRC on the United Nations Reform, du 7 juin 2005 (http://www.fmprc.gov.cn/eng/zxxx/t199318.htm) : « (…) Each state shoulders the primary responsibility to protect its own population. (…) When a massive humanitarian crisis occurs, it is the legitimate concern of the international community to ease and defuse the crisis. Any response to such a crisis should strictly conform to the UN Charter and the opinions of the country and the regional organization concerned should be respected. It falls on the Security Council to make the decision in the frame of UN in light of specific circumstances, which should lead to a peaceful solution as far as possible. Wherever it involves enforcement actions, there should be more prudence in the consideration of each case ».

172 Document final du Sommet mondial de 2005 adopté par la Résolution 60/1 du 24 octobre 2005

(A/RES/60/1), pp. 33-34 §139.

173 Voir : Rapport du Secrétaire général sur la protection des civils dans les conflits armés, 28 novembre 2005 (S/2005/740) §53.

174 S/RES/1674 (2006) (alinéas 4, 8, 13 et 14).

175 Voir not. : S/PV.5519, p. 2 (la RPC s’abstient sur la résolution 1706 (2006) ; le représentant chinois n’évoque pas la responsabilité de protéger, au contraire des représentants britannique, argentin et ghanéen).

176 Intervention du représentant chinois dans : Security Council Open Debate on Protection of Civilians in Armed Conflict, UN Security Council Verbatim Record, 4 décembre 2006 (S/PV.5577), pp. 7 in fine-8 (notre traduction).

consentement du gouvernement concerné », qu’aucune intervention « ne doit être imposée à un gouvernement alors qu’il objecte », et elle invita les membres du Conseil de sécurité à « s’abstenir d’invoquer » la responsabilité de protéger en raison des « interprétations et compréhensions divergentes » du concept178. Toujours dans le même sens, en 2009, elle déclara à l’Assemblée générale que « la mise en œuvre de la responsabilité de protéger ne doit pas contredire le principe de la souveraineté étatique et le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. Bien que le monde ait connu des changements profonds et complexes, la valeur de l’objet et des principes de la Charte des Nations Unies reste inchangé. Il ne doit y avoir aucune hésitation concernant les principes du respect de la souveraineté étatique et de la non-ingérence dans les affaires intérieures »179. De toutes ces déclarations, il ressort que la RPC ne se contente donc pas, comme les autres membres du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et la majorité des Etats « du Sud », d’insister sur les deux premiers piliers de la responsabilité de protéger (chaque Etat a la responsabilité de protéger sa propre population ; la « communauté internationale » s’engage à aider chaque Etat à protéger sa population)180, et de souligner les conditions de la mise en œuvre, à la fois exigeantes et floues, du troisième pilier. Rejoignant le clan très minoritaire le plus dur sur le plan des principes (FDR, Azerbaïdjan, Pakistan), la RPC estime ainsi que la responsabilité de protéger ne mène pas à réinterpréter les principes de souveraineté181 et de non-ingérence en vue d’éviter la commission de certains crimes, ce qui était pourtant sa vocation principale.

En sens contraire, d’aucuns avancent parfois la position chinoise en ce qui concerne la Jamahiriya arabe libyenne en 2011. Pourtant, si la RPC vota favorablement à la résolution 1970 (qui fait référence à la responsabilité de protéger dans l’alinéa 9 de son préambule), elle évita de mentionner la responsabilité de protéger pour justifier sa position182, et elle précisa qu’elle votait favorablement uniquement « [c]ompte tenu de la situation très particulière qui règne en Libye à l’heure actuelle et à la lumière des préoccupations et des positions exprimées par les pays arabes et africains ». De même, lors du vote de la résolution 1973 (qui fait référence à la responsabilité de protéger dans l’alinéa 4 de son préambule), elle s’abstint avec les autres BRICS présents au sein du Conseil (le Brésil, la FDR et l’Inde), en soulignant qu’elle n’usait pas de son véto eu égard à la « grande importance » qu’elle attribuait « à la position exprimée par les 22 membres de la Ligue des Etats arabes sur la création d’une zone d’exclusion aérienne en Libye », « à la position des pays africain et de l’Union africaine », et « compte tenu des circonstances particulières qui entourent la situation en Libye »183. Comme on le voit, ce qui fut compris comme décisif par la RPC en l’espèce n’était pas le caractère impératif de la protection du peuple libyen. On peut donc difficilement voir dans ces positions de la RPC au Conseil de sécurité une approbation claire de la mise en œuvre du troisième pilier de la responsabilité de protéger telle qu’elle est entendue par les Etats occidentaux.

Sans surprise puisqu’elle a toujours insisté sur les conditions strictes de la mise en œuvre du volet coercitif de la responsabilité de protéger, la RPC a récemment soutenu la

178Security Council Open Debate on Protection of Civilians in Armed Conflict, UN Security Council Verbatim

Record, 22 juin 2007 (S/PV.5703), p. 17 (notre traduction).

179 Déclaration du représentant chinois à l’Assemblée générale lors d’un débat sur la responsabilité de protéger en 2009, cité in R. Zongze, « Responsible protection: Building a Safer World », China International Studies, Mai/juin 2012, vol. 34, http://www.ciis.org.cn/english/2012-06/15/content_5090912.htm (notre traduction). 180 Ce qu’elle fait bien évidemment. Voir par ex. l’intervention du représentant chinois dans les débats au Conseil de sécurité sur la protection des civils dans les conflits armés (notamment celui du 12 février 2013, S/PV.6917, p. 28, ou celui 4 décembre 2006, S/PV.5577, pp. 7-8).

181 Voir par ex. : R. Zongze, « Responsible protection: Building a Safer World », op. cit., 2012 (la responsabilité de protéger contredit en elle-même le principe de souveraineté qui doit être impérativement préservé).

182 Voir : S/PV.6491, pp. 4-5, à l’inverse des représentants états-unien, colombien et français. 183 S/PV.6498, p. 11.

notion complémentaire de « responsabilité en protégeant »184 (responsibility while protecting) proposée par le Brésil en septembre 2011185. Plus généralement, cette notion a reçu le soutien de tous les BRICS186 et, de manière plus surprenante, celui de l’UE. En apparence, elle est superfétatoire puisqu’elle consiste surtout en une insistance sur des éléments déjà connus187, comme le caractère premier de la prévention et l’importance des conditions politiques (recherche de l’efficience et de la proportionnalité) et juridiques (autorisation du Conseil de sécurité) de mise en œuvre du troisième pilier188. En elle-même, cette proposition manifeste surtout le souhait des grands Etats émergents de limiter au maximum le recours à la force lorsqu’il est justifié par des motifs humanitaires. Le seul point sur lequel la proposition innove par rapport aux travaux antérieurs est l’accent mis sur la distinction entre les piliers et sur leur application « séquentielle », pilier après pilier189, qui est d’ailleurs critiquable190.

Mais au fond, le plus important à propos de la « responsabilité en protégeant », c’est que la formule choisie par le Brésil consiste en un retournement spectaculaire des titulaires de la responsabilité : dans sa formule, ce ne sont plus les Etats sur lesquels des pressions sont exercées ou chez lesquels certains sont susceptibles d’intervenir qui sont responsables, mais au contraire ceux qui exercent des pressions et qui sont susceptibles d’intervenir. La notion proposée par le Brésil et reprise en chœur par les cinq BRICS se veut ainsi un renvoi des

184 Dans les documents des Nations Unies, la Responsibility while protecting est traduite par « protection responsable », ce qui est moins barbare que « responsabilité en protégeant ». Toutefois, il nous a semblé nécessaire d’éviter de traduire Responsibility while protecting par « protection responsable » pour réserver cette formule à la traduction de la proposition chinoise (Responsible protection), plus proche d’elle en langue anglaise.

185 Voir spéc. la lettre adressée le 9 novembre 2011 par le représentant permanent du Brésil au Secrétaire général et son annexe intitulé « Responsibility while protecting: elements for the development and promotion of a concept » (A/66/551-S/2011/701).

186 Dans un sens concordant, voir déjà, un peu avant, la Déclaration des BRICS à Sanya (en RPC) le 14 avril

2011 (§§9 sur les principes et 10 sur la Jamahiriya arabe libyenne), et peu après la Déclaration de la quatrième rencontre des BRICS à New Delhi du 29 mars 2012 (§21 sur la Syrie).

187 Voir not. : CIISE, op. cit., 2001, pp. XI-XIII ; Document final du Sommet mondial de 2005 déjà cité (A/RES/60/1), pp. 33-34 §§138-139.

188 Plus précisément le document brésilien insiste sur la prévention (§11 a), un usage rigoureux de tous les moyens pacifiques pour résoudre les conflits (§11 b), le fait que la force ne peut être employée qu’avec l’autorisation du Conseil de sécurité ou de manière exceptionnelle par l’Assemblée générale (§11 c), qu’elle doit l’être selon un mandat précis et de manière conforme au droit des conflits armés (§11 d) ; bien entendu, l’intervention doit entraîner le moins de violence et d’instabilité possibles, et en aucun cas davantage que celles qu’elle a vocation à faire cesser (§11 e) ; enfin, l’usage de la force doit être opportun, proportionné et limité aux objectifs fixés par le Conseil de sécurité (§§11 f).

189 Annexe à la lettre du représentant permanent du Brésil, op. cit., 2011, §6.

190 A l’inverse de la proposition brésilienne (mais sans le dire), le dernier rapport du Secrétaire général (ainsi que certains Etats comme l’Allemagne) insistent sur le fait que les activités de prévention et de répression se recoupent souvent en pratique, qu’elles peuvent et doivent souvent être appliquées de manière concomitante pour être efficaces, que certaines mesures peuvent être rattachées à différents piliers, et que ces derniers peuvent être appliqués selon diverses combinaisons (voir spéc. : Secrétariat général, Responsabilité de protéger : réagir de manière prompte et décisive (25 juillet 2012, A/66/874-S/2012/578) §§2, 3, 11, 12, 14, 20, etc). A notre sens, il est préférable de séparer conceptuellement les trois piliers, même s’il peut y avoir des cas où il est difficile de déterminer le pilier auquel une mesure se rattache. En revanche, la proposition brésilienne de séparer les trois piliers en trois séquences chronologiquement distinctes doit être rejetée. Il serait absurde de séparer une séquence 1 (action de l’Etat) et une séquence 2 (aide internationale apportée à l’Etat), non seulement parce que ces deux séquences se recoupent fréquemment en pratique (Ibid. §11), mais surtout parce que l’aide internationale à l’Etat (qui relève du deuxième pilier) n’a de sens et ne peut être efficace que si l’Etat concerné essaie déjà de remplir lui-même ses obligations (premier pilier). Le second pilier ne peut donc être mis utilement en œuvre que si le premier l’est déjà. Seul le troisième pilier peut – et probablement doit – constituer une séquence chronologiquement distincte des deux autres, déclenché uniquement à raison de l’inexécution du premier pilier par l’Etat concerné, et de l’inefficacité consécutive du deuxième pilier. En tout état de cause, l’objectif de la mise en œuvre des deuxième et troisième piliers doit être de revenir le plus vite possible à une situation où l’Etat est à même de remplir son obligation par lui-même (premier pilier) (Ibid. §§14, 18).

accusateurs – les Etats occidentaux – à leur propre responsabilité. D’ailleurs, ce dont il est question n’est pas tant la responsabilité et les devoirs de celui qui protège en général, comme le suggère la formule Responsibility while protecting, mais plus précisément la responsabilité et les devoirs de celui qui intervient – la question du devoir d’intervenir et donc de la responsabilité de ceux qui n’interviennent pas étant en elle-même passée sous silence. Ce dont il est question ici – et le Brésil le souligne dans son document191 –, c’est donc bien de la responsabilité des « donneurs de leçons » dont les interventions sont de plus en plus contestées par les BRICS.

Dans un sens comparable quoique de manière légèrement différente, le China Institute of International Studies, qui est le think tank officiel du Ministère des Affaires étrangères chinois a proposé une troisième notion, celle de « protection responsable » (Responsible protection) durant l’année 2012192. Sur un plan général, le choix de la RPC de proposer une troisième notion plutôt que d’interpréter la notion d’origine brésilienne peut surprendre, dans la mesure où les éléments de la « protection responsable » (mandat clair et limité, autorisation du Conseil de sécurité, usage de la force uniquement en dernier recours et en tenant compte de ses conséquences probables, etc.) sont à peu de choses près ceux de la « responsabilité en protégeant », qui étaient déjà les principaux éléments de la version « officielle » de la responsabilité de protéger. Par rapport à la proposition brésilienne, la proposition chinoise ajoute cependant l’idée que la responsabilité de la période post-intervention repose sur les Etats qui sont intervenus, et que les Nations Unies devraient établir un mécanisme d’évaluation des interventions. Ces deux suggestions visent de manière manifeste à faire hésiter les Etats occidentaux à intervenir, d’autant que la baisse de leurs moyens financiers et le risque d’être taxés de néo-colonialisme les poussent désormais – on le voit notamment dans les cas de la Jamahiriya arabe libyenne et de la République du Mali – à des interventions s’étendant moins dans le temps.

Les différences entre les notions de Responsibility while protecting et de Responsible protection découlent principalement des caractéristiques de leurs auteurs et du contexte dans lequel elles sont nées : autant la Responsibility while protecting a été dégagée à la fin de l’année 2011 par un Etat n’appartenant pas aux « P5 », en vue de mettre en cause la responsabilité des Etats membres de l’OTAN intervenus en Libye ; autant la Responsible protection a été proposée par un membre permanent du Conseil de sécurité durant l’année 2012, afin de justifier son véto persistant dans l’affaire syrienne. Cette différence de contexte et d’intention à l’origine des deux formules explique le nom différent qu’elles portent chacune : tandis que, dans la formule brésilienne, la responsabilité est celle des Etats intervenants et notamment celle des « P5 », la formule chinoise est beaucoup moins « accusatrice » dans la mesure où c’est la protection elle-même qui doit être exercée de manière « responsable » – et on sait que l’un des leitmotiv du discours de la RPC sur elle-même ces dernières années est qu’elle agit de manière « responsable » et non « niaise », « impérialiste » ou « sentimentale » comme les Etats occidentaux. C’est « en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies » que la RPC estime « [devoir] préconiser de manière non-équivoque la « protection responsable » (…) »193. Dans un cas

191 Voir en particulier le paragraphe 9 de l’Annexe à la lettre du représentant permanent du Brésil (op. cit., 2011), selon lequel certaines interventions récentes [on pense évidemment à la Jamahiriya arabe libyenne et à l’Irak] ont aggravé des conflits déjà existants, ou la situation de vulnérabilité de la population, ou ont créé des foyers de terrorisme là où ils n’existaient pas auparavant. De même, voir le paragraphe 10 selon lequel il existe un sentiment croissant que certaines interventions humanitaires ont davantage pour objet le renversement de régime que la protection des civils.

192 Voir spéc. : R. Zongze, « Responsible protection: Building a Safer World », op. cit., 2012, et R. Zongze, « Responsible protection », China Daily, 15 mars 2012.

comme dans l’autre cependant, la nouvelle proposition est dirigée contre le « néo-interventionnisme » des Etats occidentaux accusés de manipuler la responsabilité de protéger, et de lui donner une signification différente de celle qui a fait l’objet d’un consensus en septembre 2005. De manière moins polémique, les propositions brésilienne et chinoise sont également opposées au souhait des Etats-Unis d’Amérique et des Etats européens de ne pas déterminer précisément et en amont, dans quelles situations il convient d’user de moyens coercitifs en matière humanitaire.

Au fond, l’institution de la responsabilité de protéger est peut-être la dernière notion juridique favorable à l’intervention armée que la RPC a accepté, parce qu’elle a cru alors qu’elle obtenait un recul de la part des Occidentaux, par rapport à la théorie plus large du « droit d’ingérence » ou de « l’intervention humanitaire ». Elle n’en estime pas moins aujourd’hui que la responsabilité de protéger telle qu’entendue en septembre 2005 est encore trop favorable à l’intervention. Sa position s’en ressent déjà au Conseil de sécurité et, d’une manière comparable, les positions brésilienne et chinoise ont déjà trouvé un écho dans la cinquième partie du dernier rapport du Secrétaire général sur la responsabilité de protéger (2012)194.

Conclusion

La conception du droit international adoptée par la RPC n’est pas nouvelle, et ne s’est pas spécialement radicalisée dans la période récente. En revanche, l’affaire de la Syrie montre que la RPC hésite moins à censurer les choix occidentaux qu’elle déplore, c’est-à-dire à employer son véto là où elle se contentait auparavant d’une abstention. Elle mène certes une politique faite de beaucoup de pragmatisme195, mais elle ne s’est jamais véritablement éloignée des principes juridiques qu’elle a mis au centre de sa conception depuis plusieurs décennies, parce qu’elle comprend toujours ses intérêts principaux de la même manière. Depuis 2008, la RPC veut clairement imposer une voie « asiatique »196 qui privilégie le statu quo territorial et la non-ingérence mutuelle, sur la « lutte » – et particulièrement la lutte armée – pour la démocratie et les droits de l’Homme.

194 Rapport déjà cité, 2012 (A/66/874-S/2012/578), §§ 49-58 (passage consacré à la Responsibility while

protecting).C’est également probablement en vue de montrer qu’il prend en compte la position des BRICS que

le rapport souligne que « l’emploi de mesures coercitives pour protéger les populations » reste un dernier recours controversé (§§59-60) et que « toute une gamme de mesures non coercitives peuvent être appliquées dans le

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