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Partie II- Le rôle des dirigeants

II. C La position des Etats-Unis

Le président américain a déclaré qu'il espérait que la Grèce resterait dans la zone euro, mais que cela demanderait des compromis de tous les côtés196. Barack Obama s'est, de manière générale, montré inquiet du faible taux de croissance en Europe. “La prudence fiscale est nécessaire, les réformes structurelles sont nécessaires dans beaucoup de ces pays mais ce que nous avons appris de notre expérience aux États-Unis, c'est que la meilleure façon de réduire les déficits et de restaurer la solidité fiscale, c'est de faire de la crois- sance197 ”, il ajoute.“Quand vous avez une économie qui est en chute libre, il faut qu'il y ait une stratégie de croissance, et pas seulement des efforts pour pressurer de plus en plus une population qui souffre de plus en plus198”.

Nabil Bourassi journaliste, relève que le but des Américains est d’exercer une pression sur les Européens afin de circonscrire une crise qui menace progressivement leurs intérêts économiques et stratégiques. Bien qu’ils tentent de faire accepter aux Européens un plan de restructuration de la dette grecque, cette alternative est rejetée par l’Allemagne. Les dirigeants américains ont anticipé le fait que la crise grecque pourrait faire l’effet d'une déflagration mondiale, c’est-à-dire faire ‘’effet domino’’ avec des répercussions imprévi-

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Francoise Diehlmann, “Crise grecque - Décision fatale pour une Europe allemande, par Joschka Fischer”,

Ibid. 196

Le Point Grèce, “Le soutien inattendu de Barack Obama à Alexis Tsipras”, Ibid.

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Le Point Grèce, “Le soutien inattendu de Barack Obama à Alexis Tsipras”, Ibid.

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sibles. Si bien que les Etats-Unis se sont largement penchés sur la question grecque quitte à s'ingérer dans les affaires européennes199.

A propos du résultat du référendum, les Etats-Unis réagissent en essayant de favoriser la prise d’une décision commune par la Grèce et les dirigeants européens. En fait, la Maison Blanche appelle la Grèce et l'Union européenne à retourner à la table des négociations et à trouver un compromis afin d’éviter un Grexit. Josh Earnest, porte-parole de la Maison Blanche, soutient qu’une solution valable et commune “qui permette à la Grèce de rester dans la zone euro” se trouve dans l'intérêt des deux parties200.

“Si les choses continuent sur cette pente, la voix de l'Amérique devra se faire plus forte”, a ainsi écrit Edward Luce du Financial Times. Pour Washington, la crise grecque pourrait influer sur ses intérêts d’une manière nuisible. La zone euro n’a pas toujours été un espace avec des perspectives de croissance en partie en raison des incertitudes liées à la crise grecque. Nabil Bourassi analyse dans son article201 :

“[…] La zone euro correspond à une part non-négligeable du commerce extérieur américain. Et Washington craint un alignement des planètes néfaste à son économie avec le ralentissement de l'économie chinoise, et la perspective de hausse des taux d'intérêts américains. De plus, Washington n'ignore pas que le dossier du traité transatlantique de libre-échange est en partie plombé par la défiance d'une opinion publique européenne échaudée par la levée des frontières économiques202.”

Pourtant, l’aspect économique n'est pas le seul sujet qui provoque l’inquiétude de l'admi- nistration Obama. Le fait que les relations entre la Grèce et la Russie se se soient tendues depuis l'élection d'Alexis Tsipras en janvier signifie que l’influence américaine sur l’Europe est en jeu. Nabil Bourassi parle de l’ombre de Vladimir Poutine en rajoutant que ce dernier exprime son intention de mettre Athènes dans de bonnes dispositions qui, en retour, pourrait lui octroyer son soutien dans la crise ukrainienne. De fait, le gouvernement

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Nabil Bourassi, “Les Etats-Unis s'inquiètent de plus en plus de l'évolution de la crise grecque”, La tri- bune, 10/07/2015, disponible en ligne http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/les-etats-unis-s- inquietent-de-plus-en-plus-de-l-evolution-de-la-crise-grecque-491453.html, consulté le 06/05/2016

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La rédaction de Le Parisien, “Crise grecque : ce lundi où le «Non» au référendum a tétanisé l’Europe”, 06/07/2015, disponible en ligne, http://www.leparisien.fr/economie/en-direct-au-lendemain-du-non-grec-au- referendum-l-europe-entre-dans-la-zone-grise-06-07-2015-4922273.php , consulté le 10/05/2016

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Nabil Bourassi, “Les Etats-Unis s'inquiètent de plus en plus de l'évolution de la crise grecque”, Ibid.

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grec a dénoncé les sanctions établies par le camp occidental contre la Russie. Cette prise de position avait provoqué l’ire des Européens et de Washington203.

Les tactiques d’Alexis Tsipras ont constitué un obstacle dans la stratégie d'endiguement de la Russie. En outre, Washington considère qu'une sortie de la Grèce de la zone euro peut éventuellement provoquer une sortie de l'Union européenne, phénomène qui pourrait me- ner la Grèce à être plus proche de Moscou l’Union plus proche de Moscou. En revanche, Nabil Bourassi précise que la Russie n’a pas promis une aide concrète à la Grèce et, par conséquent, cela provoque un certain soulagement de la part des dirigeants américains. “Barack Obama peut au moins se consoler en se disant que Vladimir Poutine n'a jamais promis le moindre rouble (et encore moins d'euro) pour sortir Athènes de l'ornière, et pour cause, il est lui-même confronté à une grave crise économique : sanctions économiques, contre-choc pétrolier…”, indique Bourassi Nabil204.

Il décrit ce dossier comme trop sensible pour Bruxelles. Il explique que, face à l'enlisement de la crise grecque, Washington n’est plus disposé à abandonner ce dossier aux techno- crates bruxellois. Il a ainsi mobilisé beaucoup d’acteurs afin de faire entendre sa voix dont le FMI qui est l’un des acteurs les plus influents. Christine Lagarde, la directrice de l'insti- tution, a réclamé la restructuration de la dette grecque, rappelant que c'était la position dé- fendue par le FMI depuis longtemps205.

Les dirigeants américains ont tenté d’activer tous les ressorts diplomatiques possibles sans pour autant froisser leurs partenaires. Jack Lew, le secrétaire d'Etat américain au Trésor, a ainsi discrètement fait pression sur les Européens pour parvenir à un accord avec la Grèce. Il a exprimé ses craintes qu'un Grexit coûte des “dizaines de milliards de dollars de dom- mages économiques à travers le monde” tout en précisant qu'il n'y avait “pas de menaces directe sur l'économie américaine206”. Par ailleurs, Jack Lew est pour une prise de décision européenne commune. Il agit dans ce sens en déclarant avoir envoyé des émissaires dans les différentes capitales européennes. Il s’est parfois même déplacé lui-même.En outre, il

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Nabil Bourassi, “Les Etats-Unis s'inquiètent de plus en plus de l'évolution de la crise grecque”, Ibid.

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Nabil Bourassi, “Les Etats-Unis s'inquiètent de plus en plus de l'évolution de la crise grecque”, Ibid.

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Nabil Bourassi, “Les Etats-Unis s'inquiètent de plus en plus de l'évolution de la crise grecque”, Ibid.

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souhaite que l'accord avec la Grèce aboutisse à une restructuration de la dette pour la rendre soutenable. Pourtant, Berlin s’oppose vivement à cette perspective 207.

Barack Obama est entré dans l’arène puisqu’il a effectué un entretien téléphonique avec Angela Merkel deux jours après le référendum grec qui a bouleversé le statut quo poli- tique, tout en nuisant au plan d'austérité tant soutenu par les créanciers. Nabil Bourassi analyse la position des américains et précise que : “De plus en plus, l'action des Etats-Unis va au-delà de la simple force de proposition mais ressemble à une véritable ingérence.” Pour le Financial Times, les Etats-Unis “sont devenus un avocat important de la restructu- ration de la dette grecque.” En gardant cette position amicale envers les grecs, “Alexis Tsi- pras pourrait peut-être alors tourner casaque et se rapprocher de Washington”208.

Selon Les Echos, les Etats-Unis ne sont qu'un témoin à la voix bien faiblarde. Bien que les Etats-Unis ne soient pas directement exposés aux dangers d'un Grexit, puisqu’ils ont peu prêté à la Grèce, ils doivent renforcer leur position. “Les Etats-Unis ont deux intérêts vi- taux à empêcher un Grexit”, poursuit Edward Luce. Selon les rédacteurs des Echos “Non seulement le pays en pâtirait, car cela affaiblirait la croissance de la zone euro, un parte- naire économique majeur, mais un Grexit risquerait également de renforcer l'influence en Europe de la Russie de Vladimir Poutine, dont la stratégie consiste notamment à semer la zizanie pour parvenir à ses fins209.”

De plus, l’Europe est affaiblie face à un voisin russe dont les violations territoriales n'ont été que faiblement sanctionnées. Ils mettent en avant le fait qu’à l'exception de pays comme la Grèce, la majorité des pays européens consacrent en outre moins de 2 % de leur PIB aux dépenses militaires. “L'opinion publique européenne est peu préoccupée par la menace russe”, juge-t-il. Pour l'éditorialiste, l'Union européenne doit accorder plus d'im- portance à la position des Etats-Unis. Même s'ils sont discrets, ils souhaitent que la Grèce reste dans l'Union et dans l’Otan210.

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Nabil Bourassi, “Les Etats-Unis s'inquiètent de plus en plus de l'évolution de la crise grecque”, Ibid.

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Nabil Bourassi, “Les Etats-Unis s'inquiètent de plus en plus de l'évolution de la crise grecque”, Ibid.

209

Ludovic Desautez, “Les Etats-Unis sur la pointe des pieds dans la tragédie grecque”, Ibid.

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