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Chapitre 5 : Présentation et analyse des résultats

5.1.2 Portrait socio-professionnel des répondants:

La totalité des personnes interrogées avait, au minimum, réussi des études collégiales. Lors des entrevues, plusieurs ont affirmé avoir complété les classes de baccalauréat, première et deuxième partie en Haïti, qui correspondent au cycle collégial (CÉGEP) au Québec. Parmi les répondants, une seule personne a mentionné n'avoir pas suivi le cheminement dit « classique ». Celle-ci a plutôt complété une technique en secrétariat. Les onze autres répondants ont effectué des études universitaires.

Quant à leur situation professionnelle en Haïti avant leur départ, la majorité des répondants (neuf répondants sur douze) affirme avoir occupé un emploi de niveau professionnel alors que trois personnes ont occupé un poste de secrétaire.

En ce qui concerne la connaissance des langues officielles, tous les répondants qui ont participé à notre recherche connaissent le français. Onze des douze entrevues ont été réalisées en français et une en créole, mais par les interactions (première entrée en contact, prise de rendez-vous pour l'entrevue) que nous avions eues avec ce répondant, nous avions pu remarquer qu'il maitrisait lui aussi parfaitement la langue française. Par ailleurs, une répondante détient une très bonne connaissance de l'anglais, cinq en ont une faible connaissance et six ne maitrisent pas cette langue. Cette courte présentation des caractéristiques socio-professionnelles des répondants nous

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permet donc d’affirmer, tel que nous l’avons énoncé au chapitre précédent, que notre recherche a été réalisée auprès de personnes dites qualifiées15.

Notons enfin qu’au moment de l'entretien, la quasi-totalité des répondants (dix personnes sur douze) détenait un emploi [l’un des répondants cumulait deux emplois à temps partiel]. Parmi ces dix répondants, sept avaient déjà occupé plus d'un emploi depuis leur arrivée au Québec, quatre n’ont occupé qu'un poste. Les principaux secteurs dans lequel travaillaient les répondants au moment de l'entretien, étaient : le secteur des soins de la santé et de l'assistance sociale (deux répondants sur dix), celui des services d'enseignement (trois sur dix), celui de la finance et de l'assurance (deux répondants sur dix), un répondant œuvrait dans le secteur de l'administration, un travaillait dans le secteur de l'informatique et un autre occupait un emploi dans le domaine des ventes et des services.

Six répondants sur douze ont affirmé qu'il existe une certaine concordance entre le métier exercé en Haïti et celui qu'ils exercent au Québec. Les autres répondants ont mentionné que dans leur cas, il n'y avait aucune concordance avec l'emploi exercé en Haïti puisqu'ils avaient effectué un changement de carrière une fois arrivés au Québec. Par exemple, le répondant 1 a effectué un passage d'un métier de journaliste en Haïti à un poste de préposé aux bénéficiaires au Québec et affirme que : « tout sa'm te fe en Ayiti yo mwen te just depoze yo yon kote16».

Deux personnes ne travaillaient pas au moment de l'entrevue dont une seule (Flore, 38 ans : chômage) n'avait pas encore réussi à occuper un emploi au Québec. Cette répondante était

15Nous réitérons toutefois que nous avons eu des difficultés à recruter un échantillon plus large et plus diversifié de la

population haïtienne arrivé au Québec après le tremblement de terre. Les personnes qui ont accepté de participer à notre recherche sont celles qui ont un profil scolaire et professionnel assez riche. Les résultats doivent donc être pris avec précaution puisqu'ils ne dépeignent que la situation de la part de cette population qui est qualifiée. Cela dit, les difficultés vécues par ces travailleurs laissent présager des difficultés encore plus importantes pour les personnes moins qualifiées.

16« J'ai tout simplement mis de côté toutes les expériences acquises en Haïti » (Jean-François, 46 ans : Préposé aux

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toutefois activement à la recherche d'un emploi lors de notre rencontre. L’ensemble des personnes interrogées avait donc une certaine connaissance du marché du travail québécois, de son fonctionnement et était donc en mesure de nous apporter des informations intéressantes pour notre recherche.

Bien qu’elle ne travaillait pas au moment où nous l'avions rencontrée, le cas de Flore (38 ans) a été particulièrement intéressant puisqu’étant alors à la recherche de travail, les difficultés qu'elle rencontrait ont permis d’enrichir notre réflexion et nous ont aidé à mieux comprendre certaines difficultés exprimées par d’autres répondants ayant par la suite trouvé un emploi.

Quant à Christian (42 ans) qui, lui non plus, ne travaillait pas au moment de notre entretien [mais qui possédait une expérience de travail au Québec], il effectuait des études à temps plein en vue de l'obtention d'un baccalauréat en sociologie à l'Université de Montréal. Son cas n’est pas exceptionnel : huit des personnes interrogées ont affirmé avoir effectué un retour aux études une fois arrivées au Québec. Deux autres ont en outre affirmé vouloir faire un retour aux études. Parmi ceux ayant déjà effectué un retour aux études au moment de l'entrevue, six ont exprimé la volonté de suivre d'autres cours avec comme objectif d'accéder à un meilleur poste ou pour pouvoir par la suite changer de domaine d'emploi.

Certains répondants ont affirmé qu'il a été nécessaire de suivre des cours, même quand ils ont réussi à trouver un emploi au Québec dans leur domaine sans avoir eu à effectuer un retour aux études. Ils affirment que cela a été rendu nécessaire, car, dans certains secteurs d'emploi, le système en place en Haïti est différent de celui du Québec. Cela semble particulièrement vrai dans le secteur bancaire. Louise (28 ans, conseillère en sécurité financière) affirme que l'emploi de conseillère en sécurité financière qu’elle occupe actuellement ne correspond pas à ce qu'elle

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faisait dans son pays, bien qu'elle ait acquis dix ans d'expérience dans le domaine bancaire en Haïti en tant qu'officier de crédit.

« [...] parce que en Haïti on a un système tout à fait différent. Parce que là, présentement, je vends des fonds de placement garantis. Je suis conseillère en sécurité financière. Et... tout ce que j'ai appris c'était vraiment du nouveau pour moi parce que en Haïti on n'a pas un système d’épargne, on n'a pas le REER, on pas le FEER, on n'a pas le... le CRI, on n'a pas le FRV, on n'a pas le RPDB, on n’a pas ce genre de régime, régime de retraite, régime d'épargne, ça n'existe pas en Haïti. Donc, ça a été vraiment un apprentissage complet. [...] j'étais obligée d'étudier pour poursuivre » (Louise, 28 ans : conseillère en sécurité financière).

Son expérience nous permet de nous rendre compte que, du moins dans certains cas, le fait d'étudier et d'avoir une expérience sur le marché du travail en Haïti n'est pas toujours suffisant pour pouvoir occuper ou garder un poste dans le même secteur une fois arrivé au Québec. Selon Louise (28 ans, conseillère en sécurité financière), même si la personne n'effectue pas un retour aux études, suivre certaines formations est parfois nécessaire afin de s'insérer et/ou se maintenir sur le marché de l'emploi.

Ce dernier constat montre bien que la question de l’intégration socio-professionnelle ne peut être appréhendée simplement en s’intéressant au travail, mais que la question de la formation constitue un élément important à intégrer à la réflexion.