Conditions et constitution d’une posture ironique
I.1. Portrait du poète en bouffon
tempérer et de contrôler le flux passionnel dans ses moindres détails, tout comme de dénoncer l'imposture de l'ordre imposé par le sérieux, celui de la « bêtise ». Elle est cette « lunette critique » qui, placée à bonne hauteur (« à mi‐côte »), permet de regarder tranquillement, sereinement, aussi bien vers le bas que vers le haut. L'ironie ainsi conçue est une stratégie pleinement consciente et calculée : pour qui travaille la matière verbale, elle est donc d'abord une rhétorique. Et l'enjeu est on ne peut plus « sérieux ». En effet, il ne s'agit pas ici d'opposer l'ironie au sérieux mais plutôt de différencier, de dissocier ce que la doxa envisage comme un couple intangible et, aux yeux de Ponge, parfaitement usurpé : « sérieux » e(s)t « vérité ». Tout se passe comme si à l'impératif catégorique « il faut être sérieux » répond le non moins catégorique « il ne doit pas » qui renverse radicalement la hiérarchie des discours quant à leur aptitude et leur prétention à se faire porteurs de « vérité ». La posture ironique pour le jeune Ponge, loin d'occulter la « vérité », semble être donc la condition même de son émergence.
Ces propos de 1919 ne peuvent manquer de nous rappeler ceux que nous rapportions au seuil de cette étude, datés de 1983, où Ponge insistait sur la présence, « à chaque instant » et « dans tous [ses] textes », de l'ironie (et de l'humour), comme elle s'exerce ici « sur chaque détail », et permettent de mesurer la permanence et la fidélité aux intuitions premières. Entre ces deux dates, on tentera d'explorer les modalités de l'écriture ironique et, plus généralement, du discours oblique. I.1. Portrait du poète en bouffon. Si le modèle dialogique – et, nous le verrons, singulièrement théâtral ‐ semble revêtir une telle importance aux yeux du jeune Ponge, c'est sans doute qu'il peut, davantage qu'aucun autre, figurer, mettre en scène l'expérience singulière et fondatrice de ce qu'il désignera, quelques années après notre texte, comme le « drame de l'expression ». Les propos du texte de 1926 qui porte ce
titre109permettent de mieux cerner les implications d'un tel « drame ». Il y est question d'une véritable scission entre le sujet et le « monde », du fait de l'impossibilité pour le premier de donner corps à ses « pensées les plus chères », c'est‐à‐dire à les exprimer de telle façon qu'elles deviennent « communes » à ce dernier110. Les pensées non seulement demeurent « étrangères » au monde, mais encore au sujet lui‐même, réduit à la déploration toute théâtrale de son impuissance tragique (ou dramatique) : « Hélas ! Le puis‐je ? Elles me paraissent étranges à moi‐même. »111 Tout se passe pour le sujet comme s'il se trouvait dans une double situation d'étrangeté ou d'extranéité vis‐à‐vis de ses propres paroles, dans la mesure où elles ne permettent ni d'exprimer son rapport monde, ni d' y inscrire sa singularité. La dernière phrase du texte résume bien une telle situation : « Une suite (bizarre) de références aux idées, puis aux paroles, puis aux paroles, puis aux idées. »112 La relation des « idées » aux « paroles » et inversement, dont l'adjectif « bizarre » souligne une nouvelle fois l'étrangeté, fonctionne comme un système ou un circuit qui tourne à vide. Le terme « suite » comme la répétition de l'adverbe « puis » indiquent une succession, des bonds successifs et arbitraires des unes aux autres et non pas une véritable relation de nécessité entre pensée et langage. De fait, on peut observer ici que le sujet (« je ») comme le monde se trouvent exclus de ce système en vase clos. Cette impossibilité du sujet à se reconnaitre dans ses propres paroles souligne précisément leur impropriété et, consécutivement, le sentiment de trahison induit par l'écart impossible à combler entre l'intime de ce qui est à dire et l'étrangeté de ce qui est dit. Une telle situation implique et appelle, pour qui refuse catégoriquement d'être réduit au silence, une réponse par laquelle le sujet puisse tout à la fois s'exprimer mais ne pas se retrouver dupe des paroles. Aussi, l'ironie revendiquée, dans le « Premier essai d'analyse personnelle », comme l'une des deux postulations fondamentales, au côté de la passion, avant d'être une figure de rhétorique ou un ensemble de stratégies discursives, trouve à s'incarner dans 109 « Drame de l'expression », PR, OC I, 175‐176. 110 Ibid., p. 175. 111 Ibid., p. 176. 112 Ibid.
une figure privilégiée, à la fois historiquement avérée et emblématique d'un certain genre théâtral : celle du bouffon. Cette figure complexe, qui aura des prolongements tout au long de l'œuvre, se fait prédominante dans les textes des années 1920 et condense les enjeux tragi‐comiques de la conquête de l'expression tels que les affronte alors Francis Ponge. I. 1. 1. Un objectif : « défaire le sérieux ».
Qu'entend véritablement le jeune Ponge lorsqu'il évoque la question du « sérieux » et qu'il rejette si radicalement en ce qu'il représente à ses yeux le mal par excellence, le danger absolu pour la vie et l'œuvre de l'artiste ? Le sérieux, nous dit‐il, est de l' « irréflexion », de la « bêtise », ennemi de la réflexion et de la création. On pourrait a priori considérer ces propos comme datés, produit de l'esprit d'un jeune homme pas vraiment parvenu à maturité, dont l'œuvre est encore inexistante et au demeurant lui‐même assez instable, comme en témoigne le ton général du texte dont ils sont tirés. La dénonciation du sérieux serait au mieux la manifestation d'un certain dandysme lié à l'esprit rebelle d'une jeune bourgeois cultivé et cultivant une certaine aristocratie de l'esprit qui est, par nature et par définition, anticonformiste. Or il est symptomatique de voir la question resurgir au premier plan quelques années plus tard, au moment du « drame de l'expression ». L'apparition de la figure du poète en bouffon coïncide en effet avec l'expérience fondatrice de ce drame que constitue l'infidélité des moyens d'expression. En ce sens , défaire le sérieux, c'est tout autant déjouer la tentation du tragique qu'échapper à la médiocrité du commun. Dans cette perspective de renversement radical, un texte comme « Le sérieux défait » joue un rôle tout à fait emblématique de cette entreprise de déconstruction de l'imposture d'un discours en ce qu'il va réaliser très exactement le programme annoncé par son titre. Bien que ne relevant pas à proprement parler du genre théâtral, il procède néanmoins à une véritable mise en scène de la parole :
Le sérieux défait
A Charlie Chaplin
« “ Mesdames et messieurs, l'éclairage est oblique. Si quelqu'un fait des gestes derrière moi qu'on m'avertisse. Je ne suis pas un bouffon.
Mesdames et messieurs : la face des mouches est sérieuse. Cet animal marche et vole à son affaire avec précipitation. Mais il change brusquement ses buts, la suite de son manège est imprévue : on dit que cet insecte est dupe du hasard. Il ne se laisse pas approcher : mais au contraire il vient, et vous touche souvent où il veut; ou bien, de moins près, il vous pose la face seule qu'il veut. Chassé, il fuit, mais revient mille instants par mille voies se reposer au chasseur. On rit à l'aise. On dit que c'est comique.
En réfléchissant, on peut dire encore que les hommes regardent voler les mouches. Ah ! mesdames et messieurs, mon haleine n'incommode‐t‐elle pas ceux du premier rang ? Était‐ce bien ce soir que je devais parler ? Assez, n'est‐ce pas ? vous n'en supporteriez pas davantage.“ »
Ce texte de 1924 écrit pour le numéro du Disque vert consacré à Charlie Chaplin et dédié par Ponge au plus grand comique de son temps a déjà fait l'objet d'une analyse convaincante par Benoît Auclercqui insiste sur « la présence à la fois embarrassante et libératrice du corps dans le discours »113 et dont nous reprenons ici les acquis essentiels, mais que nous voudrions relire à la lumière de la perspective qui est la nôtre. Il nous semble en effet relever d'une double pratique du discours oblique, étroitement liés ici : l'ironique et l'allégorique. Dans le premier cas, l'ironie consiste à mettre en scène le discours sérieux de telle façon qu'il se trouve (par) lui‐même ridiculisé. L'adresse du début nous place en effet dans le cadre de la conférence, lieu par excellence où s'exerce et se déploie le discours sérieux. Mais d'emblée le conférencier, au lieu de s'exprimer, exprime son inquiétude quant à la possibilité même de tenir un discours sérieux dans les circonstances qui sont les siennes, remettant en cause le sérieux d'une partie de son auditoire et revendiquant, par la négative, son statut qu'il oppose à celui du « bouffon ».
Dans le second paragraphe, qui constitue le corps de la conférence et le cœur du discours sérieux, l'ironie semble opérer dès la première phrase : le ridicule réside déjà dans l'incongruité établie par les deux points entre le cadre sérieux et docte de la conférence exprimé par la solennité de l'adresse (« Mesdames et
113 Benoît Auclerc, Lecture, réception et déstabilisation générique chez Francis Ponge et Nathalie Sarraute (1919 1958), thèse de doctorat de 3ème cycle, Lyon II, 2006, p. 26‐27.
Messieurs ») et l'objet dérisoire de cette conférence, la mouche, dont il est paradoxalement mais solennellement dit que la « face » est « sérieuse ». Cette phrase sonne comme un avertissement à l'adresse du public et vise à prévenir une réaction que le conférencier ne semble pas méconnaître et à laquelle il s'attend. Le reste de la conférence, consacré aux agissements de la mouche, décrit une situation comique, celle d'un homme aux prises avec les « mille » facéties de cet insecte particulièrement agile et tenace mais le discours sérieux de la conférence, fondé sur le commentaire (« On rit à l'aise. On dit que c'est comique. »), neutralise son effet et met en évidence son inadéquation à son objet. Le dernier paragraphe, qui fait écho au premier en substituant à la conférence proprement dite l'évocation des conditions matérielles qui ne la rendent plus possible, opère le renversement ironique : la mauvaise haleine de l'orateur, émanation de son corps, « défait » son discours sérieux et le rend acteur, « bouffon » bien malgré lui, de l'objet de son discours : il s'agit d'une ironie de situation114. Mais c'est là également sa chance : l'envers positif de cette ironie est qu'elle lui permet, paradoxalement, d'échapper au ridicule d'un discours sérieux sur le comique. Les conditions d'énonciation du discours permettent ainsi de réaliser ce que le discours lui‐même n'a pu réaliser en suppléant à son efficace. Pour autant, le comique ne signifie pas , dans son fond, l'absence de sérieux. Si la stratégie d'ensemble du texte vise à déconstruire un esprit de sérieux ici hors de propos, il ne faut cependant pas oublier le genre dans lequel s'inscrit explicitement ce texte : l'apologue requiert en effet une lecture « allégorique » et n'a de raison d'être qu'en tant qu'il nous délivre une leçon. D'emblée, le conférencier nous avertit : « l'éclairage est oblique », et il est ici double. A l'obliquité de l'ironie se greffe et se superpose celle de l'allégorie : la description de la situation matérielle de la communication peut se lire, dans cette perspective, comme un discours réflexif à usage du lecteur sur les conditions et modalités de réception du texte. Selon la traditionnelle inversion des rôles, le « bouffon », double de l'écrivain, a donc quelque chose de « sérieux » à nous dire, qui s'exprime ici par le point de vue adopté dans la description de la mouche. Comme cela a été souligné 114 Ou ironie du sort, en ce sens que le personnage ‐ orateur se retrouve très exactement dans la situation à laquelle il voulait très précisément échapper.
par Michel Collot115, Ponge, contrairement au discours de la fable classique qui prêtait aux animaux des comportements humains, adopte le point de vue de la mouche et le mépris dont elle a pu faire l'objet chez La Fontaine dans « Le Coche et la Mouche » est ici réparé en ce que le texte souligne sa logique propre et partant son autonomie. Cette réhabilitation se fait au moyen d'un contre ‐ discours qui se veut en apparence celui de l'opinion commune et donc propre à emporter l'adhésion du public mais dont on doit comprendre qu'il est faux. Ainsi des mouvements en apparence désordonnés de l'insecte (« on dit que cet insecte est dupe du hasard ») qui ne doivent certainement rien au « hasard »; et de même pour ce qu'on considère comme une banale situation comique (« On rit à l'aise. On
dit que c'est comique. ») qui met en valeur, aux dépens des hommes, l'agilité de
l'insecte et sa capacité concertée à se poser et se positionner pour s'imposer selon les circonstances où il évolue, sans jamais donner prise : s'il « ne se laisse pas approcher », il « vous touche souvent où il veut » et « vous pose la face seule qu'il veut ». L'ironie de la formulation réside ici dans l'ambigüité entre le discours consensuel du lieu commun porté par l'indéfini « on » qui semble inclure le locuteur et la distance sous‐jacente du locuteur vis‐à‐vis de ce même discours sous‐tendue par la forme du discours rapporté. La dernière phrase consacrée à la mouche, par sa brièveté et la formule introductive « En réfléchissant », semble fonctionner comme la leçon de l'apologue : ici il ne s'agit pas de marquer ses distances avec un discours (« on dit que ») mais d'en proposer un nouveau, dans lequel le locuteur est partie prenante (« on peut dire encore »)116 et qui fait du comportement ou façons d'être de la mouche un modèle de liberté pour les hommes, prisonniers qu'ils sont des représentations induites par des discours préconstruits ou préfabriqués, vecteurs de préjugés et donc à même d'occulter la vérité. Contrairement à la mouche qui « vole à son affaire » selon des principes qui lui sont propres et adéquats, les hommes, dont on souligne la passivité au regard de l'insecte (« les hommes regardent voler les mouches »), sont donc dupes de leur paroles, incapables de voir la vérité des choses parce qu'incapables de (re)mettre 115 M. Collot, dans la notice de « Le sérieux défait », in F. Ponge, Œuvres complètes, I, p. 888.
116 On peut penser ici que, sous couvert de simple ajout, l’adverbe « encore » indique plutôt une proposition inverse des précédentes.
en question les paroles dont ils usent et dont la prétention est ici ridiculisée : les jugements portés sur les agissements de la mouche et leurs conséquences renvoient les hommes à leurs propres inconséquences quant à leur relation aux paroles. Cette vérité, qui se lit en creux dans le discours du malheureux orateur , donne rétrospectivement toute leur légitimité et leur « sérieux » (entendu cette fois au sens de « vérité ») aux paroles du « bouffon ». La situation comique dans laquelle il se retrouve n'oblitère pas le sérieux de la leçon de l'apologue : le corps se joint à la parole117 pour produire une communication efficace. L'opposition entre l'homme et l'animal, sur laquelle, parmi d'autres, s'appuie l'esprit de sérieux, se trouve déconstruite par l'ironique et l'allégorique qui interrogent en même temps, obliquement, la vérité des choses et des discours, qui posent la question du « dire », du comment dire et du dire vrai. I. 1. 2. Un modèle : Hamlet.
Une telle perspective peut également se lire dans un autre texte, tout aussi emblématique puisqu'il est le premier de ce premier recueil et auquel « Le sérieux défait » semble directement faire écho. Du fait de ce positionnement qui le surdétermine dans l'économie générale du recueil, il mérite une attention toute particulière pour mesurer l'importance de l'ironie et de la figure du bouffon qui l'incarne :
« Excusez cette apparence de défaut dans nos rapports. Je ne saurai jamais m'expliquer.
Vous est‐il impossible de me considérer à chaque rencontre comme un bouffon ? Je ris maintenant d'en parler d'une façon si sérieuse, cher Horatio ! Tant pis ! Quelconque de ma part la parole me garde mieux que le silence. Ma tête de mort paraîtra dupe de son expression. Cela n'arrivait pas à Yorick quand il parlait. »118 117 On peut d'ailleurs remarquer que ce qui place l'orateur dans la situation du bouffon, sa mauvaise haleine, emprunte le même canal que ses paroles, la bouche. 118 DPE, OC I, p. 3.
Ce petit texte daté de la même année que le précédent mais dont la rédaction s'est poursuivie sur l'année 1925 a également été publié dans Le Disque vert avant d'être repris en pièce liminaire des Douze petits écrits, sous le titre « Une réplique d'Hamlet »119. Ce titre et les guillemets qui accompagnaient la version préoriginale indiquaient plus explicitement une situation de discours120, comme dans « Le sérieux défait », et faisaient clairement du personnage éponyme de la pièce de Shakespeare le sujet de l'énonciation. D'autre part, comme le souligne Maurice Delcroix121, l'importance quantitative accordée dans le texte au célèbre dialogue de Hamlet avec le crâne de Yorick (Acte V, scène 1) est telle qu'on peut à bon droit le considérer comme une réécriture de l'épisode shakespearien, d'autant plus que l'hypotexte est ici, pour reprendre la terminologie de Riffaterre, « obligatoire » tant il appartient aux fondamentaux d'une culture commune.
Dans le mesure où il prolonge, comme le texte suivant d'ailleurs, la dédicace initiale à Jean Paulhan, il est toujours possible de le référer aux « rapports » avec son mentor. Mais sans nier cette dimension du texte, il semble plus pertinent de prendre au mot l'ambiguïté, dans l'adresse initiale, de la deuxième personne du pluriel (« Excusez ») qui fait de toute communication verbale, en tant que production et réception, un malentendu122. Il convient en effet ici de mettre en rapport les deux parties du texte. La première, constituée de deux phrases juxtaposées mais dont le rapport logique est sous‐jacent, fait naître l'écriture d'une situation d'incommunication. Tout en le déplorant, elle porte un jugement rédhibitoire (« jamais ») sur l'impossibilité d'une parole efficiente, c'est‐à‐dire capable à la fois d'exprimer pleinement et vraiment le sujet parlant et, d'autre part, d'être comprise, reçue en tant que telle. Ce paradoxe d'une communication voulue mais clairement assumée sinon comme impossible, en tout cas toujours insatisfaisante, est à mettre en relation avec la seconde partie du texte dont la
119 Le Disque vert, 3° année, 4° série, n° 2, 1925.
120 Entrée en matière paradoxale : la série des « écrits » s'ouvre par une prise de parole et l'interpellation d'un interlocuteur.
121 Maurice Delcroix, « Un intertexte évident : Hamlet et le premier des Douze petits écrits », CRIN, n° 32, 1996, p. 106.
122 Sur cette expérience fondatrice de l’écriture et sur les Douze petits écrits en général, voir J. M. Gleize, Francis Ponge, Paris, Seuil, 1988,p. 30‐43.
tonalité contraste singulièrement avec la précédente. À la déploration et à la posture d'infériorité qui l'accompagnent succède et s'oppose ici une tonalité revendicative, pour ne pas dire vindicative. Celle‐ci en effet répond à ce constat d'impuissance par un second paradoxe qui affirme la suprématie du sujet sur la conséquence possible d'une telle situation (le silence) et le fonde en tant que sujet parlant (écrivant) : « Quelconque de ma part la parole me garde mieux que le silence. » Il s'agit donc de parler malgré tout, quitte à paraître (plus tard) « dupe de son expression ». Allons un peu plus loin : « paraîtra » et non pas sera : en substituant une possible perception déformée de la réalité de son l'expression, le sujet instaure une distance avec son interlocuteur qui est celle de l'obliquité et se met en jeu en (se) jouant de ses paroles. D'où sa revendication, à l'ouverture du paragraphe et à la forme interro ‐ négative, comme une invitation pressante pour son interlocuteur à le considérer (à l'entendre et à le lire) exclusivement (« à chaque rencontre ») et sérieusement dans ce rôle. La phrase suivante confirme et