• Aucun résultat trouvé

Bref portait de l'arrondissement Saint-Laurent dans le contexte de Montréal 1 Composition et profil général de Saint-Laurent

L'arrondissement Saint-Laurent, la ville de Montréal et la question du logement

3.1 Bref portait de l'arrondissement Saint-Laurent dans le contexte de Montréal 1 Composition et profil général de Saint-Laurent

L'histoire de Saint-Laurent commence au tout début du 18e siècle, alors que les colons commencent à s'y installer et à défricher les terres. Il faut attendre la fin du 19e siècle pour que la paroisse ne devienne une ville et qu'elle soit annexée à la ville de Montréal à partir de 1954. Saint-Laurent est un espace principalement agricole, jusqu'à ce que la population n'augmente de manière exponentielle et que le territoire devienne une banlieue industrielle. Suite à la Deuxième Guerre mondiale, de grandes compagnies s'installent sur le territoire, faisant ainsi de Saint-Laurent l'un des espaces de la ville de Montréal offrant le plus grand nombre

d'emplois et accueillant le plus d'employés, ce qui se continue jusqu'à nos jours (Le Bot, 2002).

Saint-Laurent est toujours, en ce moment, l'un des arrondissements les plus prospères en termes d'employabilité, mais ces travailleurs et travailleuses n'habitent plus nécessairement le territoire. À partir des années 1970, les "boat people"46 commencent à arriver en masse à Saint-Laurent, ce qui marque en quelque sorte le début d'une longue période d'accueil d'immigrant-e-s en provenance d'un peu partout à travers le monde (Ibid). Actuellement, dans l'arrondissement, plus de « (...) 53% de la population est originaire d'un autre pays » que le Canada, et 81% « (...) sont nés à l'étranger ou ont au moins un de leurs parents nés à l'extérieur du Canada » (Ville de Montréal, 2014 : 5). Parmi les habitant-e-s, près de la moitié ont déménagé dans une période de moins de 5 ans, s'établissant souvent dans un autre arrondissement de la ville de Montréal. Saint-Laurent est ainsi, pour plusieurs, un lieu de passage et non d'installation permanente.

« Au niveau du logement, il est intéressant de noter d’abord que Saint-Laurent apparaît comme un lieu d’installation de ménages familiaux, en particulier au sein des ménages immigrants, puisque les couples avec ou sans enfants y sont majoritaires » (Leloup, 2005 : 157). L'accès à la propriété est plutôt élevé, même si cela dépend des différents espaces qui composent l'ensemble du territoire. D'ailleurs, les locataires restent majoritaires, et vivent principalement dans des logements construits entre 1946 et 1970 (Le Bot, 2002). Très peu de logements ont été construits entre les années 1970 et les années 2000, ce qui fait en sorte que le cadre bâti de plusieurs bâtiments commence à être relativement vieux et dégradé. Près de la moitié de ces locataires doivent également dépenser plus de 30% de leur revenu afin de se loger.

Saint-Laurent est un arrondissement paradoxal puisqu'il combine richesse et précarité. Le secteur de Saint-Laurent connaît effectivement une des plus importantes concentrations de précarité matérielle de la ville de Montréal, soit 32% de sa population (Montpetit et Bergeron, 2011). Cette précarité se retrouve principalement dans trois quartiers, soit ceux de Norgate, de Chameran et de Place-Benoît. Afin d'en arriver à une compréhension globale de l'espace

46 Voir chapitre 4

particulier de Norgate, nous nous intéresserons d'abord à ces deux autres quartiers et aux potentiels parallèles à établir entre les trois.

3.1.2 Quartiers défavorisés : Place-Benoît, Chameran et Norgate

Pour reprendre les mots d'un intervenant que nous avons interviewé, Saint-Laurent est un arrondissement qui fonctionne à deux vitesses :

Il y a des gens qui sont riches et il y a des gens qui sont extrêmement pauvres. Il y a des quartiers qui sont beaucoup plus résidentiels, plus huppés, et il y a des quartiers où on note vraiment de la pauvreté, ou une détérioration de la qualité de vie. Pour ne citer que quelques exemples, il y a Place-Benoît, la couronne de Chameran et de Norgate (qui est juste à côté). Ce sont des quartiers où, justement, il y a beaucoup de pauvreté qui est présente. (Ha, 7 août 2014).

Comme à Norgate, l'une des caractéristiques principales de Place-Benoît provient de sa grande diversité ethnoculturelle : en 2007, « (...) 87% des résidents de Place-Benoît sont nés à l'extérieur du Canada » (Dubois, 2007 : 10). Le revenu annuel moyen des résident-e-s est plutôt bas en comparaison avec l'arrondissement Saint-Laurent (27 200$), se situant autour de 19 000$. Plusieurs de ces personnes possèdent un haut niveau de scolarité, mais ont beaucoup de difficulté à se trouver un emploi en raison de la difficulté liée à la non-reconnaissance des diplômes autres que canadiens.

Au niveau des logements, Place-Benoît est « (...) composé de 27 bâtiments de 3 étages, totalisant 240 logements. Entre 500 et 700 personnes vivent à Place-Benoît. Ce nombre varie continuellement en raison des multiples déménagements qui se produisent chaque mois » (Ibid). La problématique première de Place-Benoît provient effectivement de ces logements, qui ont été construits en 1963 et qui sont maintenant dégradés et en mauvaise condition, dans plusieurs cas totalement insalubres (moisissures, vermine et insectes, etc.).Une ancienne résidente de Place-Benoît, maintenant installée dans le quartier de Norgate, nous a raconté tous les problèmes qu'elle a vécus lorsqu'elle habitait dans son ancien logement. Le cadre bâti étant en piètre état, plusieurs réparations majeures étaient nécessaires, et pourtant rien n'a été fait avant plusieurs mois. Malgré des demandes répétées auprès du propriétaire, la chasse d'eau de la toilette n'a pas fonctionné pas durant plus de 4 mois (entrevue avec Di, 30 septembre 2014).

Un intervenant qui connaît bien Place-Benoît nous fait remarquer que le milieu résidentiel du quartier est divisé en deux. Le carré Benoît est principalement composé d'immigrant-e-s nouvellement arrivé au Canada, qui « (...) recherchent des repères au plan social et au plan professionnel » (entrevue avec Dé, 7 juillet 2014). Ces personnes sont plutôt vulnérables et n'occupent pas des logements idéaux. De l'autre côté, le parc résidentiel est composé de logements unifamiliaux, où les personnes vivent dans de moins grandes situations de précarité. Comme à Norgate, Place-Benoît n'est pour plusieurs qu'un point d'attache temporaire, où l'on s'installe pour en repartir dès l'atteinte de meilleures conditions de vie (entrevue avec Mo, 12 août 2014). Certain-e-s y restent plus longtemps, ce qui est moins fréquent chez les locataires du carré Benoît.

En 2012, Chameran connait près de 8 500 habitant-e-s, soit 10% de la population totale de l'arrondissement Saint-Laurent (Arrondissement Saint-Laurent, 2012a). Une fois de plus, ce quartier est composé en majorité d'immigrant-e-s récent-e-s et de personnes considérées comme « socialement vulnérables » (Ibid). Plusieurs sont d'origine libanaise, Chameran étant même parfois surnommé comme "le petit Beyrouth". Les ménages à faible revenu sont nombreux, et ce même si la population est très bien éduquée (c'est-à-dire possédant de multiples diplômes). Les logements de Chameran sont plus récents que dans les quartiers de Place-Benoît et de Norgate, ce qui fait en sorte que moins de 25% d'entre eux nécessitent des réparations majeures ou mineures, en comparaison à 45% pour Norgate. C'est cet aspect qui caractérise donc Chameran, soit « (...) le type de bâtiment qui y domine : les appartements situés dans des tours et autres immeubles à appartements de cinq étages ou plus comptent pour 74 % du parc résidentiel » (Dansereau, Francine et al., 2012 : 79). Le prix moyen des logements est relativement bas, mais reste plus élevé que dans le reste de la ville de Montréal. Sommes toutes, « (...) 44% des résidents de la couronne vivent sous le seuil de faible revenu, comparativement à 30% pour Saint-Laurent » (Arrondissement Saint-Laurent, 2012b).

Un intervenant agissant de manière régulière dans le quartier de Chameran nous indique que cet espace en est également un de transition, accueillant beaucoup de nouveaux et nouvelles arrivantes qui n'y restent que quelques années (entrevue avec No, 7 août 2014). Cela est le cas même si les logements sont mieux faits qu'ailleurs (en comparaison à Place-Benoît et Norgate) et que le prix des loyers reste relativement raisonnable. Bien que les problèmes d'insectes et de vermine ne sont pas aussi présents, les enjeux liés à des taux d'humidité

excessifs et au développement de moisissure ont été recensés à plusieurs reprises. Comme à Place-Benoît, Chameran est un quartier enclavé qui n'est pas facile d'accès et qui n'est pas entouré de commerces et de services auxquels la population peut facilement avoir accès.

3.2 Composition et spécificités de Montréal en matière de logement