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L’aperçu du vocabulaire russe, proposé à la fin de la 1re partie, est une occasion d’attirer l’attention de l’apprenant sur un autre aspect systémique du lexique russe, dans la mesure où la dérivation lexicale y est très développée. Cependant, l’approche de la dérivation ne doit pas être mécanique, et il faut tenir compte du sens : ainsi, une formation originelle- ment diminutive peut perdre son sens initial pour n’avoir plus qu’une valeur différenciatrice, cf. ruka ‘main’ ručka ‘petite main, menotte’ et ‘poignée’. On trouve une analogie dans le français : des menottes ne sont pas toujours des petites mains, une manette n’est pas exactement une petite main.

La 2e partie est consacrée à la pratique de la langue en liaison avec la civilisation et les coutumes russes. Les formules et les exemples de cette partie constituent l’application de ce qui a été décrit et analysé dans la première partie de l’ouvrage. On propose à l’apprenant des phrases de communication courante qui peuvent lui donner une base de formules simples bien

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Comme le montre de façon convaincante Ju. Stepanov dans Konstanty : Slovar’ russkoj kul’tury, Moskva : JaRK, 1997, pp. 398-400, le système russe est un « mixte » de deux principes anciens du décompte des jours (système « rétrospectif » et système « prospectif »), et il est issu de la superposition de ces deux principes différents.

apprises, des formules qui lui serviraient en quelque sorte de tremplin pour s’élancer dans la pratique courante de la langue.

Nous partions de l’idée qu’une langue est indissociable de la société qui la pratique, de ses traditions et de ses traits originaux. Ce n’était cependant pas un guide de conversation pour les touristes, encore moins une introduction systématique à la culture russe, sujet immense et impossible à traiter dans le cadre de cet ouvrage. Contraints de faire des choix (toujours douloureux), nous avons privilégié les sujets relativement peu connus (sur lesquels les Russes eux-mêmes ont parfois des connaissances très superficielles), mais dont l’importance pour la compréhension de la culture russe est à notre avis toute particulière, tels que par exemple l’orthodoxie ou la question des prénoms et des noms de famille. Par conséquent, certains sujets de grand intérêt sur lesquels il existe une documentation abondante et accessible, comme par exemple la littérature russe, n’ont pas été traités.

Ces éléments de langue et de civilisation ont été présentés dans une logique de progression. On partait des faits de langue simples pour s’ouvrir peu à peu sur des questions de civilisation, en trois étapes:

- d’abord, les formules usuelles de la communication quotidienne, accompagnées de quelques remarques permettant de se rendre compte de l’originalité du monde linguistique russe (Communiquer en russe, §§ 1-15);

- ensuite, des thèmes de conversation plus complexes qui, étant davantage ancrés dans la vie russe, nécessitent des commentaires de civilisation plus développés (Communiquer et vivre en Russie, §§ 16-25) ;

- enfin, quelques traits essentiels, typiques de la civilisation russe, qui contribuent à comprendre un peu mieux cette civilisation passionnante et contradictoire, située entre le passé et la modernité (Aborder la civilisation russe : le pays et le peuple, §§ 26-42).

Concernant certains mots importants pour la vie et la culture russes, nous donnions parfois de brèves explications de caractère historique et étymologique. Ainsi, pour Zdravstvujte ! (littéralement Soyez en bonne santé !), nous précisions qu’il s’agissait de l’impératif du verbe zdravstvovat’ ‘être en bonne santé, prospérer’ qui est apparenté au substantif zdorov’e ‘santé’ et à l’adjectif zdorovyj ‘sain, en bonne santé’. Nous mettions cette information en rapport avec la formule traditionnelle que l’on prononce en levant son verre à table : Vaše zdorov’e ! ‘À votre santé’, avant de faire remarquer à l’apprenant qu’en français, il existait un lien historique analogue entre Salut ! et les mots apparentés à salut exprimant l’idée de « santé », tels que sauf (comme dans sain et sauf), salubre, salubrité.

Quant à la formule de remerciement la plus courante, qui est Spasibo ‘Merci’, nous estimions important d’expliquer que ce mot venait de l’expression ancienne Spasi (tebja / vas) Bog ! ‘Que Dieu (te / vous) sauve !’ Dans la mesure où cette idée pouvait paraître bizarre à un francophone, nous notions qu’on observe presque la même chose en français : Merci est historiquement lié aux idées de « grâce, faveur que l’on accorde à quelqu’un en l’épargnant », « pitié » (cf. l’expression Dieu merci au sens de par la miséricorde divine). Cela est assez proche de l’idée d’ « être sauvé, épargné » à laquelle est lié le russe Spasibo. Il en est de même dans d’autres langues européennes où Merci et grâce se confondent (italien Grazie, espagnol Gracias).

Par ailleurs, au-delà de faits isolés, nous avons cherché à faire ressortir un réseau de relations complexes, à montrer aux apprenants que les faits de langue décrits s’inscrivaient dans un système conceptuel. Dans cette perspective, il ne suffisait pas d’informer le lecteur que pour répondre à un spasibo, les Russes disent souvent požalujsta! ‘je vous en / t’en prie’. Il fallait lui indiquer que cette formule était liée au verbe žalovat’ / požalovat’ qui signifie littéralement ‘gratifier, offrir et être bienveillant à l’égard de quelqu’un’ et qui est curieusement lié à žalovat’sja ‘se plaindre’ ainsi qu’apparenté à žalet’ ‘plaindre qqn, avoir de

la pitié pour qqn’, žaloba ‘plainte, doléance’. De cette façon, nous montrions le côté en partie systémique du phénomène : la politesse russe tourne en effet autour de l’idée de « grâce, pitié », idée que l’on avait constatée pour spasibo.

L’explication de certains mots usuels visait à faciliter au lecteur sa mémorisation tout en stimulant sa curiosité, ses capacités de réflexion heuristique et son sens d’observation linguistique, en passant quelquefois par l’humour. Ainsi, pour le mot kartofel’ ‘pomme de terre’, nous signalions non seulement qu’il était emprunté à l’allemand Kartoffel ‘pomme de terre’, mais qu’il était apparenté, de façon assez surprenante, aux mots français truffe, tartiflette et même au nom propre Tartuffe.

Concernant le mot obed ‘déjeuner’, nous indiquions qu’il était lié à eda ‘repas, nourriture’ mais aussi à ob"edat’sja’manger trop, se gaver’, et qu’il était formé historique- ment de la même façon que le mot français obèse, qui vient du latin ob-edere ‘manger tout autour, ronger’. On disait en plaisantant que le obed russe pouvait être tellement appétissant et copieux que l’on devenait, à force de manger avec gourmandise, obèse !

Nous avons également décrit quelques traits typiques de l’usage langagier russe, parmi lesquels les particules (les mots discursifs) jouent un rôle important. L’un des mots les plus intéressants est avos’ qui signifie quelque chose comme ‘peut-être, en espérant la bienveillance du destin et sans trop réfléchir’. Ce mot est souvent considéré comme typiquement russe, à la fois fataliste, irrationnel et exprimant une sorte d’insouciance téméraire. Ainsi, en parlant d’un malheur imminent qu’ils voudraient empêcher de se produire, les Russes diront : Avos’, pronesët! (J’espère pouvoir y échapper!). Il existe d’ailleurs une expression bien caractéristique : delat’ čto-libo na avos’ ‘faire quelque chose au hasard, sans préparation ni calcul, en espérant un coup de chance’. Mais les Russes sont assez réalistes, puisqu’ils disent, dans un sens plutôt négatif : nadejat’sja na russkoe avos’ ‘fonder ses espoirs sur le fameux « avos’» russe, sous-entendu : ‘avec un résultat déplorable’. Cela explique un dérivé amusant né à l’époque soviétique: avos’ka, désignant un modeste filet à provisions que l’on glissait dans son sac ou dans sa poche en sortant de la maison dans l’espoir de tomber par miracle sur un magasin ou autre point de vente qui serait approvisionné en pommes de terre, viande, saucisson ou fromage.

Pour appréhender les grands traits de la civilisation, on ne peut surestimer l’importance des noms propres, dont le rôle pédagogique a été souligné dans la 1re partie de la présente synthèse (à propos de nos travaux de 1991-1992) : en dépit de leur grand intérêt pour étudier une langue et comprendre sa civilisation, ils sont souvent délaissés par l’enseignement traditionnel ou traités de façon trop superficielle.

Nous montrions, sur l’exemple du prénom russe connu Vladimir (dont la variante populaire ancienne Volodimer explique le diminutif courant Volodja), que l’histoire complexe des noms propres russes mérite d’être connue et expliquée. L’interprétation habituelle de Vladimir comme « [Celui qui] gouverne-le-monde » ou « [Celui qui] gouverne-par-la-paix » est inexacte. En réalité, ce prénom serait une adaptation slave du prénom scandinave Valda- marr (« Gouverner-grand » qui est analogue au francique Waldo-mar (variantes Valdemare, Woldemar), prénom dont viennent les noms de famille français Gaudemer, Galdemer. Mais la racine germanique correspondante (cf. francique waldan « gouverner », dont descendent les noms français tels que Walter, Gautier, Gaultier, Gauthier, Vautier) est bien apparentée au mot slave vladet’. Quant au second élément (germ. -mar ‘célèbre, grand’), qui était rapproché à tort du slave mir ‘paix ; monde’, on le reconnaît dans les noms de famille français Maron, Marbaud, Marbot. Cette explication permet aux apprenants de comprendre l’ancienneté des rapports entre le monde slave de l’est et le monde scandinave, ainsi que les liens profonds qui

s’établissent, par le biais de l’héritage germanique, entre la civilisation russe et la civilisation française169.

Une place particulière est consacrée aux prénoms diminutifs, à leur formation et au fonctionnement de certaines formes diminutives170.

La logique de la démarche explicative m’a amené à proposer, à la fin de l’ouvrage, un bref aperçu de l’alphabet cyrillique ancien et de la langue littéraire ancienne, le vieux slave. En effet, l’origine de l’alphabet russe, comparée à celle de l’alphabet français, permet d’expliquer les nombreuses différences et de révéler les fausses ressemblances. Ainsi, nous signalions que le H [n] cyrillique était historiquement identique au N latin, puisque la différence venait d’une variation graphique de l’ancien N cyrillique, dont la barre initialement diagonale était devenue horizontale plus tard. En revanche, je soulignais que la coïncidence graphique entre le H cyrillique et le H latin était trompeuse : en réalité, le H latin est historiquement lié au И [i] cyrillique, en dépit de la différence entre leurs valeurs phonétiques171.

3. Prévenir les fautes typiques d’un apprenant en expliquant les principales