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Polynôme stable

Dans le document La conjecture de Kadison-Singer (Page 34-40)

Une autre propriété intéressante des polynômes est la stabilité. Cette propriété sera utile surtout dans la prochaine section. Voici un rappel de la dénition d'un polynôme stable ainsi que quelques résultats qui en découlent. Notons que pour z ∈ C, on écrit Im(z) pour sa partie imaginaire.

Dénition 3.4.1. Soit p(z1, . . . , zm) ∈ C[z1, . . . , zm] un polynôme. On dit que p(z1, . . . , zm)

est stable si p(z1, . . . , zm) 6= 0 lorsque Im(zi) > 0 pour tout i ∈ {1, . . . , m}.

Le polynôme p(z1, . . . , zm) est réellement stable s'il est stable et que ses coecients sont

réels.

Lemme 3.4.2. Un polynôme à une seule variable est réellement stable si et seulement si toutes ses racines et tous ses coecients sont réels.

Démonstration. Soit p(z) un polynôme de degré n.

(⇒) Par hypothèse, p(z) est réellement stable, ce qui signie que ses racines se trouvent

dans le demi-plan inférieur du plan complexe incluant l'axe réel et ses coecients sont réels. Écrivons p(z) := a0 n Y i=1 (z − ai).

Supposons qu'il existe une racine complexe. Alors

p(z) := a0(z − a1) . . . (z − (α + iβ)) . . . (z − an).

Ici, puisque la racine doit être dans le demi-plan complexe inférieur, β < 0. Or, on sait que pour avoir des coecients réels, le conjugué de la racine complexe doit également être une racine. Cela voudrait dire qu'il existe une racine dans le demi-plan complexe supérieur, une contradiction avec la stabilité de p(z). Ainsi, ses racines sont réelles.

(⇐) Ceci est trivial.

La proposition suivante est un résultat provenant de l'article de Borcea et Brändén [3]. Proposition 3.4.3. Si A1, . . . , Am sont des matrices hermitiennes semi-dénies positives,

alors le polynôme f (z1, . . . , zm) := det X i ziAi !

est réellement stable.

Pour cette démonstration, il nous faut un théorème classique en analyse complexe : le théorème d'Hurwitz.

Théorème 3.4.4 (Hurwitz). Soit (fk) une suite de fonctions holomorphes d'un ouvert E qui

converge uniformément sur chaque compact F ⊂ E vers une fonction holomorphe f 6≡ 0. Si f a un zéro d'ordre m en z0, alors pour tout p > 0 assez petit, il existe un k ∈ N assez grand

tel que fk a précisément m zéros dans B(z0, p) incluant les multiplicités. De plus, ces zéros

convergent vers z0 lorsque k → ∞.

Étant donné que ce résultat est classique, la preuve sera laissée à la discrétion du lecteur. On est maintenant en mesure de faire la démonstration de la proposition 3.4.3.

Démonstration de la proposition 3.4.3. Il est possible de faire la preuve uniquement pour le cas de matrices dénies positives. En eet, on pose

f () := det X

i

ziAi+ I

! .

On a donc que f () → f := det X i ziAi ! .

Clairement, les coecients de f() convergent également vers ceux de f. En appliquant le théorème d'Hurwitz3.4.4, on sait que les zéros des f() convergeront vers ceux de f. Ainsi, si on montre que les f() sont réellement stables, alors f le sera également.

Supposons donc que les Ai sont dénies positives. Posons

z(t) := α + λt,

où α := (α1, . . . , αm) ∈ Rm, λ := (λ1, . . . , λm) ∈ Rm+ et t ∈ C.

Notons que P := Pm

i=1λiAi est dénie positive. En eet, la somme de matrices dénies posi-

tives multipliées par des scalaires positifs non-nuls est dénie positive. Alors P est inversible et il existe une matrice dénie positive A telle que A2 = P. Alors si on pose H := Pm

i αiAi, on a f (z(t)) = det X i zi(t)Ai ! = det X i (αi+ λit)Ai ! = det X i αiAi+ λitAi ! = det (H + tP ) = det  P12P −1 2 (H + tP )P −1 2 P 1 2  = detP12(P −1 2 H + tP −1 2 P )P −1 2 P 1 2  = det  P12(P −1 2 HP −1 2 + tP −1 2 P P −1 2 )P 1 2  = detP12(P −1 2 HP −1 2 + tI)P 1 2  = detP12  detP−12 HP −1 2 + tI  detP12  = det(P ) det(P−12 HP −1 2 + tI). Puisque P1

2 et H sont hermitiennes, on a que P −1

2 est aussi hermitienne. De plus, ceci entraîne

que (P−12 HP −1 2 )∗= P −1 2 ∗H∗P −1 2 ∗ = P−12 HP −1 2 . 26

On en conclut que P−12 HP −1

2 est une matrice hermitienne. Donc, dans l'égalité

f (z(t)) = det(P ) det(P−12 HP −1

2 + tI),

on remarque que le premier facteur de droite est une constante réelle tandis que le second est le polynôme caractéristique d'une matrice hermitienne. Puisque toutes ses valeurs propres sont réelles, on déduit que f(z(t)) a des racines réelles. De plus, étant donné que P−1

2 HP −1

2 + tI

est également hermitienne, le déterminant de cette matrice est réel et donc les coecients de f (z(t)) seront réels. Par le lemme 3.4.2, f(z(t)) est réellement stable. Or, puisque z(t) est arbitraire, on peut conclure que f est également réellement stable.

Maintenant que l'on a bien déni la stabilité des polynômes, on peut s'intéresser aux opéra- teurs agissant sur ceux-ci. En eet, certains d'entre eux préservent la stabilité réelle. C'est le cas de l'opérateur (1 − ∂zi).

Le théorème qui suit correspond au corollaire 18.2a du livre [16]. Les détails de ce résul- tat se trouvent par exemple dans la section 18 du livre [16] et dans la section 5.4 du livre [17].

Théorème 3.4.5. Si tous les zéros d'un polynôme q(z) de degré d se trouvent dans une région circulaire fermée A, alors pour λ ∈ C, tous les zéros de

q(z) − λq0(z)

sont dans la région convexe balayée par la translation de A dans la direction et l'amplitude du vecteur dλ.

Corollaire 3.4.6. Si p ∈ R[z1, . . . , zm]est réellement stable, alors

(1 − ∂zi)p(z1, . . . , zm)

est aussi réellement stable.

Démonstration. Sans perdre de généralité, supposons que i = 1. Fixons x2, . . . , xm ∈ C tels

que Im(xi) > 0, ∀i ∈ {2, 3, . . . , m}. On se retrouve dans le cas à une seule variable, ce qui

nous permet d'utiliser le théorème 3.4.5. En eet, les zéros du polynôme q(z1) := p(z1, x2, . . . , xm)

se trouvent dans une région circulaire, disons A, de nombres complexes tels que leur partie imaginaire est au plus 0. Notons que l'axe réel peut être considéré comme un cercle de rayon inni. Ainsi, le théorème nous dit que tous les zéros de q(z1) − q0(z1) se trouvent dans la

par d, les zéros restent toujours dans le demi-plan inférieur. Ainsi, q(z1) − q0(z1) est stable.

Ceci implique que le polynôme (1 − ∂zi)p(z1, . . . , zm) n'a pas de racines telles que Im(zi) > 0

pour tous les i. De plus, puisque q(z1) est réellement stable à la base, il est évident que les

coecients de sa dérivée sont réels, ce qui entraîne que (1 − ∂zi)p(z1, . . . , zm) est réellement

stable.

Dans les résultats qui suivront un peu plus tard, on utilisera également le fait que la stabilité réelle est préservée lorsque l'on pose les variables égales à des constantes réelles. Le lemme suivant se retrouve dans l'article de Wagner [19].

Lemme 3.4.7. Pour tout a ∈ {z ∈ C : Im(z) ≥ 0}, l'opérateur f 7−→ f(a, x2, . . . , xm)

préserve la stabilité.

Démonstration. Si Im(a) > 0, le résultat est immédiat. Regardons pour a ∈ R. Posons fn:= f (a + i2−n, x2, . . . , xm) n ∈ N.

En appliquant Hurwitz 3.4.4 lorsque n → ∞, les zéros de fn convergeront vers ceux de f.

Ainsi, puisque les fn sont stables, alors f l'est également.

Remarquons que le dernier lemme fonctionne aussi pour la stabilité réelle, puisque les coe- cients sont les mêmes partout.

Lemme 3.4.8. Si p(z1, z2) est un polynôme réellement stable de degré d précisément, alors il

existe des matrices d × d, notées A et B, semi-dénies positives et une matrice hermitienne C telles que

p(z1, z2) = ± det(z1A + z2B + C).

Pour la démonstration de ce lemme, on a besoin de deux dénitions tirées de l'article de Lewis, Parrilo et Ramana [12] ainsi que de deux résultats supplémentaires dont les preuves ont été faites dans la section 6 de l'article de Borcea et Brändén [4].

Dénition 3.4.9. Un polynôme p ∈ R[z1, . . . , zn] est homogène de degré d si pour tout

t ∈ R et pour tout w ∈ Rn,

p(tw) = tdp(w).

Dénition 3.4.10. Un polynôme homogène p de degré d est hyperbolique par rapport au vecteur v ∈ Rn si

1. p(v) 6= 0,

2. Le polynôme q(t) := p(w − tv) a des racines réelles pour tout w ∈ Rn.

Proposition 3.4.11. Soit p ∈ R[z1, . . . , zn] de degré d et soit pH(z1, . . . , zn, zn+1) l'unique

polynôme homogène de degré d tel que pH(z1, . . . , zn, 1) = p(z1, . . . , zn). Alors p est réellement

stable si et seulement si pH est hyperbolique par rapport à tous les vecteurs v ∈ Rn+1 tels que

vn+1 = 0 et vi > 0 pour tout i ∈ {1, . . . , n}.

Proposition 3.4.12. Un polynôme homogène p ∈ R[x, y, z] de degré d est hyperbolique par rapport à tous les vecteurs de forme (v1, v2, 0) avec v1, v2 ∈ R+ si et seulement s'il existe deux

matrices A, B semi-dénies positives d × d et une matrice C symétrique de même dimension telles que

p(x, y, z) = α det(xA + yB + zC).

On a maintenant tout ce qu'il nous faut pour faire la démonstration du lemme3.4.8.

Démonstration du lemme 3.4.8. Tout d'abord, on peut faire la preuve du lemme dans le cas où C est symétrique seulement. En eet, si C est hermitienne, il sut d'eectuer un change- ment de base pour la diagonaliser, ce qui nous donne une matrice symétrique.

Selon notre hypothèse, p(z1, z2) est réellement stable. Par la proposition 3.4.11, on a que

l'unique polynôme homogène de degré d respectant l'égalité pH(z1, z2, 1) = p(z1, z2)

est hyperbolique par rapport à tous les vecteurs v ∈ R3 avec v

1, v2 > 0 et v3 = 0. On peut

par la suite appliquer le théorème3.4.12et donc on sait qu'il existe A, B deux matrices d × d semi-dénies positives et C une matrice symétrique de même dimension telles que

pH(z1, z2, z3) = α det(v1A + v2B + v3C).

Il ne reste plus qu'à multiplier l'intérieur du déterminant par |α| et à remplacer v3 par 1. On

obtient

p(z1, z2) = pH(z1, z2, 1) = ± det(α(v1A + v2B + C)).

Sous les mêmes hypothèses que le lemme précédent, on peut déduire un résultat supplémen- taire.

Remarque 3.4.13. Soient A et B deux matrices d × d semi-dénies positives qui respectent le lemme 3.4.8. Alors pour tous x, y > 0,

xA + yB est dénie positive.

Démonstration. Supposons le contraire et que xA + yB n'est pas dénie positive. Alors il existe un vecteur non-nul dans le noyau de A qui est également dans celui de B. Si on change la base en fonction de ce vecteur, les deux matrices auront chacune une colonne et une ligne vide. Ainsi, le polynôme det(xA + yB) ne sera pas de degré d, ce qui contredit les hypothèses du lemme.

Dans le document La conjecture de Kadison-Singer (Page 34-40)

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