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2.1 Polymères synthétisés par polymérisation radicalaire contrôlée

2.1.4 Polymères synthétisés par CCTP

La polymérisation radicalaire par transfert de chaînes par coordination (CCTP, Catalytic Chain Transfer Polymerization) est une technique qui a été décrite pour la première fois en 1975 par Smirnov alors qu’il entreprenait la synthèse de PMMA en présence de porphyrines de cobalt.[53,54] Il a observé que la présence d’un agent de transfert de type organométallique, en sus de l’amorceur et du monomère, permettait d’obtenir des chaînes plus courtes qu’en polymérisation radicalaire classique. Les mêmes observations ont également été réalisées en présence de complexes de diméthylglyoxime de cobalt (Figure 1.34).

Figure 1.34Exemples de complexes de cobalt utilisés comme agents de transfert dans le cadre de la CCTP supportés par des ligands de type porphyrine (1) ou diméthylglyoxime (2).

En présence d’un dérivé de cobalt(II), le radical polymère en croissance peut réagir avec un radical de cobalt formant un complexe organométallique (Figure 1.35). Ce complexe peut à son tour donner naissance, via un transfert d’atome d’hydrogène en position β du polymère sur le cobalt(II), à un polymère possédant une liaison vinyle

réagissent ensuite avec une entité monomère pour former une nouvelle liaison CoIII−alkyle

réamorçant par la même la croissance d’une nouvelle chaîne polymère. Par conséquent, en fin de polymérisation, des polymères porteurs d’une fonction vinyle en extrémité sont obtenus très majoritairement.

Figure 1.35Mécanisme de la CCTP en présence de CoII.

Même si les espèces à base de CoII ont été découvertes en premier comme étant capable de contrôler un procédé de polymérisation radicalaire de cette façon, il existe aujourd’hui une large gamme d’espèces organométalliques, y compris des complexes à base de CrI,[55,56] MoIII,[56] FeI,[57] et V0 [58] capable de contrôler les masses molaires dans ce type de polymérisation et de former des polymères fonctionnalisés par une fonction vinyle en extrémité.[59]

Cette technique de polymérisation par transfert de chaîne catalysée par des complexes organométalliques est notamment utilisée industriellement par des sociétés comme DSM et DuPont, et les macromonomères obtenus sont très souvent employés comme additifs de peintures dans le domaine de l’industrie automobile.

Haddleton et son équipe ont ainsi utilisé un complexe de cobalt (CoBF, Figure 1.36) pour polymériser un méthacrylate de propargyle protégé par une fonction triméthylsilane afin que la triple liaison C−−−C n’intervienne pas dans la polymérisation.[60] Après polymérisation et déprotection en présence d’acide acétique, un poly(méthacrylate de propargyle) (PMAP) fonctionnalisé à une extrémité par une fonction vinyle (PMAP−Ene, Mn = 2200 g.mol−1, Ð = 1,15) est obtenu.

Figure 1.36Synthèse de PMAP−Ene par CCTP en utilisant le CoBF et modification par

réaction thiol-ène anionique.

(PhSH et mercaptoéthanol, 1,5 éq.) et de DMPP (1 éq.). Dans les deux cas, les analyses par spectroscopie de RMN 1H montrent la complète disparition des signaux correspondant aux protons vinyliques et l’apparition de signaux caractéristiques des produits désirés prouvant que la réaction thiol-Michael a très bien fonctionné. Les analyses MALDI ToF confirment l’obtention des produits désirés mais il apparaît également une deuxième population correspondant à l’addition de la DMPP sur le polymère. Ce produit d’addition étant une espèce cationique, ils s’attendent à observer un signal très large par spectroscopie de RMN 1H au niveau des aromatiques mais aucun signal n’est observé. De plus, le phosphore n’étant pas détectable par RMN 31P, la formation de ce sous-produit est considéré comme négligeable.

Soeriyadi et al. ont très récemment publié un article rapportant la synthèse de polymères possédant une liaison insaturée à une extrémité en présence de CoBF.[61,62] En utilisant comme monomères, le méthacrylate de dioxyde d’éthylène (DOEMA) et le méthacrylate de POE (POEMA, Mn = 475 g.mol−1), ils ont synthétisé un poly(méthacrylate de dioxyde d’éthylène) (PDOEMA) possédant une fonction vinyle en son extrémité (PDOEMA−Ene, Mn = 2500 g.mol−1, Ð = 1,5) ainsi qu’un copolymère statistique PDOEMA−PPOEMA−Ene (Mn = 3000 g.mol−1, Ð = 1,50) présentant un rapport molaire DOEMA/POEMA de 90/10 (Figure 1.37).

Des réactions thiol-Michael ont ensuite été effectuées entre le PDOEMA−Ene et le

Figure 1.37Réactions thiol-ène entre un PDOEMA−Ene synthétisé par CCTP en présence de

CoBF et et différents thiols.

et diméthylsulfoxyde (DMSO)) afin de déterminer dans quel solvant la réaction serait la plus efficace. Ils ont ainsi établi l’ordre de réactivité suivant : DMSO > acétonitrile > acétone. En effet, la réaction menée dans le DMSO atteint une conversion quantitative au bout de 10 heures tandis qu’avec l’acétone, la conversion ne dépasse pas 30% au bout d’une semaine. Ceci est tout à fait en adéquation avec les études de Chan[63] qui montrent que les réactions nucléophiles fonctionnent davantage dans des solvants polaires comme le DMSO. Les auteurs ont également testé deux autres catalyseurs en plus de l’amine tertiaire NEt3 : une phosphine (DMPP) et une amine primaire (hexylamine). Afin de prévenir la formation de produits secondaires en présence de DMPP,[60]seulement 0,05 équivalent de DMPP ont été utilisés. Mais même dans ce cas, la formation de sous-prosuits est observable par MALDI ToF. En revanche, les réactions avec NEt3 et l’hexylamine ne montrent aucune formation de sous-produits et l’hexylamine se révèle être un catalyseur bien plus efficace que NEt3 puisque la réaction est quantitative en moins d’une heure. Ainsi, le PDOEMA−Ene a été modifié par d’autres thiols comme

PhSH et DdSH pour des résultats tout aussi satisfaisants. Ces trois thiols ont également permis de modifier quantitativement le copolymère PDOEMA−PPOEMA−Ene et les

caractérisations effectuées par MALDI ToF et spectroscopie de RMN 1H confirment que la réaction thiol-ène est d’une très grande efficacité.