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Chapitre IV – Discussion

IV.4. La caractérisation

IV.4.2. PolyGln non chargées

La solubilisation de la polyGln non chargée (11a) a nécessité l’utilisation de solvants non aqueux. Le peptide a d’abord été caractérisé dans le TFA, ce qui a permis de constater la pureté et l’intégrité de notre produit. L’utilisation du benzène-d6 a permis la

résolution des signaux du N-Ac de ceux des 1Hβ. Cette méthode est utilisée pour étudier les extrémités de chaînes de polymères (Liu 1968).

L’utilisation d’une solubilisation avec ultrasons de même que la lyophilisation du TFA se sont avérées un prérequis pour solubiliser la polyGln dans le TFE et obtenir des résultats reproductibles en diffusion de la lumière. La lyophilisation a été utilisée car elle permet de retirer les molécules de solvants sans concentrer le peptide ou changer sa structure, favorisant ainsi un peptide sous forme monomérique (Scanlon et al. 2007). Une meilleure solubilisation était attendue à 1 mg/1500 μl qu’à 1 mg/500 μl. Toutefois, c’est à 1 mg/mL que les meilleurs résultats ont été obtenus, c'est-à-dire un RH,1/Z d’environ 1,1 ± 0,2 nm lorsque solubilisé dans le TFE. Ceci peut s’expliquer par la difficulté technique de lyophiliser le TFA (point de fusion = -15,4°C) qui requiert un excellent vide, de faibles volumes et une isolation de l’échantillon de tout matériel conducteur de chaleur. Dans le protocole expérimental développé, l’échantillon est congelé dans l’azote liquide avant d’être mis au lyophilisateur à température de la pièce. Malgré le réchauffement de l’échantillon avec le temps, il y a une plage temporelle durant laquelle la température est suffisamment élevée pour permettre la lyophilisation du TFA, mais suffisamment basse pour éviter le dégel du TFA. Un volume de 1,5 mL de TFA, requérant un temps de lyophilisation plus long, explique la fonte du TFA. La liquéfaction du TFA a pour effet de concentrer le peptide et favoriser la formation d’oligomères lorsque subséquemment solubilisé dans le TFE pur. Le protocole développé implique donc une lyophilisation non à l’équilibre, qui fonctionne très bien, mais sa transférabilité d’un laboratoire à l’autre devra faire l’objet d’adaptations.

Il se produit une agrégation lorsque de l’eau est ajoutée au peptide solubilisé dans le TFE ou le DMSO, ce qui permet d’étudier l’agrégation. Le DMSO n’a pas été retenu pour étudier les polyGln non chargées car sa lyophilisation est difficile, il peut oxyder les peptides et est opaque en dichroïsme circulaire et spectroscopie UV-Vis. De plus, il a été rapporté que le TFE permet l’étude de l’agrégation des peptides amyloïdes tels que

l’isoforme de la protéine prion de la tremblante du mouton (PrPSc) et le peptide amyloïde β (Buck 1998). De surcroît, la structure de HAsp2Gln15Lys2OH dans le TFE 95% est la même que celle dans l’eau/NaCl (0,2 M), soit en feuillet β (Perutz et al. 1994).

La caractérisation par RMN en utilisant l’index des déplacements chimiques, permet d’observer deux populations de peptides en solution; la majeure fraction du signal correspond à une structure aléatoire alors que la seconde correspond à une structure hélicoïdale. Ceci est attendu car le TFE est un solvant inducteur d’hélicité (Storrs et al. 1992; Buck 1998; Vieira et al. 2003). Lors du titrage aqueux, il ne se produit qu’une modeste augmentation de la population hélicoïdale selon les aires des signaux des 1Hα. Cette augmentation d’aire n’est pas causée par l’évaporation du TFE car le rapport des aires des 1Hβ+γ diminue en cours de titrage. Ce phénomène pourrait s’expliquer par une diminution de la mobilité des 1Hβ+γ en cours d’agrégation, supportant ainsi l’hypothèse d’une interaction entre les chaînes latérales des polyGln.

Par ailleurs, nous avons observé que les signaux RMN en cours d’agrégation sont devenus plus étroits, alors qu’on s’attendait à ce qu’ils s’élargissent. Cette observation suggère que les spectres RMN du 1H sont composés d’une superposition de signaux en provenance de différentes populations en solution. La population qui contribue aux signaux larges et de faible intensité est probablement de taille élevée, alors que celle contribuant aux signaux plus étroits serait de plus petite taille. Lors de l’ajout d’eau, la population de grande taille pourrait s’agréger pour ne plus contribuer au signal RMN en solution. Toutefois, la population de petite taille ne serait pas beaucoup affectée par l’ajout d’eau.

Les résultats de dichroïsme circulaire abondent dans la même direction et révèlent une composition à prédominance hélicoïdale et aléatoire dont les proportions demeurent inchangées jusqu’à 30% d’eau. Il est donc raisonnable de penser que seules les plus petites particules contribuent au signal dichroïque alors que les plus grosses particules diffusent plutôt la lumière incidente. Ceci va de pair avec le fait que les agrégats formés à 25% d’eau ne sont composés que de 20% du peptide en solution selon une analyse en HPLC

analytique. Ces résultats sont surprenants car il a été rapporté que la structure de HAsp2Gln15Lys2OH, obtenue par dichroïsme circulaire, était sous forme de feuillet β dans 95% TFE/eau (Perutz et al. 1994). Ceci pourrait s’expliquer par l’attraction électrostatique qui favoriserait la formation de brins antiparallèles ou en épingle.

Chez les agrégats formés dans 50% eau/TFE, le déplacement chimique du 13Cα de la RMN en phase solide montre que le peptide aurait une structure de type hélicoïdal et aléatoire. La prédominance de structures hélicoïdales est en accord avec les résultats en spectroscopie Raman. Toutefois, il y a discordance entre ces deux techniques, car il y a la présence de structures aléatoires en RMN solide et β en Raman. En dépit de cette discordance, ces résultats sont en accord avec l’étude proposant qu’il ne se produit pas de changement de structure lors de l’agrégation (Lee et al. 2007). La présence de structures β suggérée par la spectroscopie Raman est en accord avec ce qui a été décrit chez les Glnn (n = 28, 44) chargées en milieu aqueux (Chen et al. 2001; Chen et al. 2002).

Les agrégats de polyGln sont habituellement de type amyloïde, c'est-à-dire qu’ils montrent une absorption différentielle à 540 nm lorsqu’en solution avec le rouge de Congo et montrent une biréfringence en polarisation croisée (Klunk et al. 1999; Nilsson 2004). Nos agrégats de polyGln non chargées formés dans le système eau-TFE ont les caractéristiques de fibrilles amyloïdes. Bien que l’interaction spécifique entre le rouge de Congo et les fibrilles amyloïdes ne soit pas encore comprise, il a été suggéré que le rouge de Congo interagirait avec les feuillets β (Carter et Chou 1998). Nos résultats indiquent donc que le rouge de Congo peut interagir avec des structures hélicoïdales ou qu’il y a présence d’une fraction suffisamment élevée de structures β (> 25%) pour obtenir des résultats indiquant la production de fibrilles de type amyloïde.

Les cinétiques d’agrégation réalisées par l’ajout de très faibles quantités d’eau dans le TFE nous ont montré que ce dispositif est très sensible à de petites variations de concentration d’eau. L’utilisation d’un solvant fortement hygroscopique (Gente et La Mesa 2000) et des conditions expérimentales anhydres n’étaient pas pratiques, surtout pour des

études devant s’effectuer dans plusieurs laboratoires différents. De plus, les chaperons moléculaires qui devaient être étudiés avec la polyGln non chargée étaient le tréhalose, insoluble dans le TFE, le QBP1 et le rouge de Congo, qui n’avaient été rapportés efficaces qu’en milieu aqueux. Pour ces multiples raisons, l’étude des polyGln dans le système eau- TFE fut abandonnée au profit d’un peptide pouvant s’étudier en milieu aqueux.