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Introduction de la partie 1

Cette thèse se donne pour objet d’étudier l’éducation à la sexualité au prisme d’une sociologie de l’expertise inspirée des approches interactionnistes et pragmatiques en sociologie.

Dans un premier temps, une brève approche des évolutions sociales relativement récentes permettra d’inscrire le propos dans le cadre sociohistorique d’un renouveau des expertises sur la sexualité des jeunes. Ces évolutions sociales ont renouvelé une inquiétude sur la sexualité des jeunes et ont été les éléments moteurs d’un refaçonnage des formes d’éducation à la sexualité et des expertises. À côté des formes étatiques de prise en charge et de l’éducation familiale traditionnelle, ont aussi émergé des expertises associatives et professionnelles ainsi qu’une modification de l’éducation familiale.

Dans un second temps, l’état de l’art des études de la sexualité en sciences sociales permettra de spécifier l’objet et notre approche. En effet, si la sexualité est aujourd’hui un objet pour la discipline, l’éducation à la sexualité ne reste jamais qu’un objet périphérique étant rarement au centre des recherches.

Enfin, le développement du cadre d’analyse et du matériel empirique permettront de préciser l’objet et l’intérêt d’étudier la sexualité adolescente au prisme de la sociologie de la relation de service d’Erving Goffman, de la sociologie de l’expertise de Jean-Yves Trépos et de la sociologie pragmatique du jugement.

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Chapitre 1 :

La sexualité comme source d’inquiétude

Introduction

L’émergence d’une expertise de la sexualité et notamment en direction des jeunes4 n’est pas séparable d’une montée de l’inquiétude concernant la sexualité des jeunes dans la seconde moitié du XXe siècle. J’entends, par inquiétude, l’idée d’une « panique morale » (Bozon M., 2012, 121) des personnes comme des pouvoirs publics et des collectifs, face à ce qui est perçu en termes de danger sanitaire (MST, Sida), de risques sociaux (comme les grossesses non désirées) mais aussi d’incertitude sur la performance sexuelle, sur la normalité des corps et l’identité sexuée (homosexualité, transsexualité etc.). L’inquiétude regroupe donc des idées de peur, de questionnement, d’intérêt pour la sexualité et d’incertitude5. Elle est également le signe d’une importance donnée à la sexualité, à sa centralité dans les biographies et la vie collective.

Sans vouloir faire une sociogenèse de cette inquiétude sur la sexualité des jeunes, il faut toutefois signaler son ancienneté. En effet, déjà au XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau6

confie à un tuteur l’éducation sentimentale de son Émile. Il postule qu’une introduction à la sexualité est essentielle pour le développement de l’être humain. De la même façon, moins de quatre décennies plus tard, dans La philosophie dans le boudoir de Sade7, le père d’Eugénie la confie à deux tuteurs mais, à la différence de Rousseau qui insiste sur l’importance d’informer sur le processus reproductif, Sade montre que c’est le plaisir qui fait la sexualité. Malgré ces points de vue concurrents qui soulignent déjà des distinctions entre une sexualité reproductive et mécanique supposant une information purement biologique et une sexualité hédoniste fondée sur la primauté du plaisir, ces deux auteurs s’accordent sur le fait que la jeunesse a besoin de conseils spécifiques. De plus, ils estiment tous deux que « ni la famille, ni l’Église ne peuvent seules accomplir cette tâche d’éducation » (Chaplin T., 2010, 34). Ce n’est que près de deux siècles plus tard que l’État français impulse des politiques en matière d’éducation à la sexualité.

4 Je laisse de côté la définition de la jeunesse pour le moment. J’y reviendrai lors des prochaines pages de cette introduction.

5 En mettant l’accent sur l’incertitude, on peut dire que la sexualité des jeunes est une « épreuve » au sens de la pragmatique de la critique pour les jeunes, leurs parents et les pouvoirs publics. Pour la notion d’épreuve, voir Boltanski L., Thévenot L., 1991 et Chateauraynault F., 1991.

6 Voir Livre IV et V dans Rousseau J-J., 1969.

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Par ailleurs, l’ancienneté de l’inquiétude est confirmée par la naissance du terme « sexualité » qui, selon Michel Foucault, apparaît pour la première fois au cours du XVIIIe siècle, avec une signification proche de celle d’aujourd’hui : « la qualité d’être sexué ou d’avoir une activité sexuelle »8. Pris en ce sens, le terme figure dans un ouvrage publié en 1889 et qui interroge les divers maux dont les femmes étaient sujettes contrairement aux hommes qui en étaient exemptés (Giddens A., 2004, 36). De ce fait, la sexualité émerge comme une source d’inquiétude qui requière des solutions, surtout auprès des femmes. Comme l’écrit un médecin spécialiste : « ce qui est la condition normale de l’homme (excitation sexuelle) constitue l’exception dans le cas des femmes »9.

Dès cette époque, loin de se réduire à des pulsions biologiques satisfaisantes ou non, « la sexualité » constitue « une construction sociale à l’œuvre au sein de différents champs de pouvoir » (Giddens A., 2004, 36), notamment, à mon sens, dans le champ des relations hommes-femmes et de la subordination des enfants aux adultes. Le constat d’une sexualité socialement construite est également fait par Michel Bozon. Pour lui, actes, relations et significations sexuelles sont le fruit d’une construction et de transformations sociales, autrement dit, « c’est le non sexuel qui donne son sens au sexuel » (Bozon M., 2009, 8). Il est donc question de prêter attention aux processus sociaux à l’œuvre qui ont participé à la montée de cette inquiétude au XXe siècle et qui ont aussi dessiné les enjeux spécifiques de la sexualité de nos jours10. Je mettrai particulièrement l’accent sur un ensemble de phénomènes et d’évènements liés à la modernité comme la constitution d’une sphère de l’intime attachée à une « individualisation des comportements […] et des rapports entre les sexes » (Bozon M., 2009, 122) ; une transformation de la sexualité devenue « plastique » (Giddens A., 2004, 42) qui, d’une part entraîne une modification des comportements liés au contrôle des naissances et d’autre part fait émerger la sexualité comme source légitime de plaisir (dimension individuelle) ; une médiatisation croissante (qui est autant un effet qu’une cause de l’inquiétude) des « problèmes » liés à la sexualité ; sa constitution comme enjeu de santé publique avec l’émergence du sida et, enfin, la constitution de la jeunesse comme catégorie sociale à part entière, attachée à des comportements et à des problèmes particuliers.

Ces évènements mettent en exergue que la sexualité est au cœur d’enjeux divers concernant la condition féminine, le statut de l’enfant et de la jeunesse, la place du plaisir individuel, l’exercice de l’autorité et la responsabilité parentale ainsi que les relations familiales, la

8 Définition reprise dans d’Oxford English Dictionary cité dans Giddens A., 2004, 36.

9 Voir Heath S., 1982, 17 citée dans Giddens A., 2004, 36.

10 Cette limitation à l’histoire récente est relative au fait que les dispositifs d’expertises observés sont des réponses à ces évolutions récentes et à l’inquiétude qu’elles ont générées.

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gestion politique des corps. Toutefois, ces sujets deviennent des enjeux sociaux parce qu’ils émergent d’un processus de politisation qui vient les placer au centre d’un travail d’émancipation, de construction du sujet mais aussi de nouvelles formes de norme. L’analyse du processus de politisation11 ne peut pas non plus faire l’économie d’une sociologie du dispositif de cristallisation (forum internet) par lequel « les individus travaillent à se construire eux-mêmes en construisant des cadres de formulation de leurs émotions » (Trepos J.Y., 2004, p.1).

1. L’avènement de l’individu et de l’intimité

L’apparition d’une sphère de l’intime est visible à travers la constitution d’un espace social dédié à l’intimité des individus et s’inscrit dans le cadre du « processus de civilisation » (Elias N., 1991) auquel la sexualité participe.

« La notion d’espace intime est historiquement récente » (Bozon M., 2009, 21). En effet, à l’époque médiévale, les espaces étaient peu différenciés si bien que ceux des parents et des enfants n’étaient pas systématiquement séparés. Ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle que la famille se reconfigure et tend à privilégier une zone de vie privée plus étendue. L’organisation de la maison assure progressivement une indépendance et une spécialisation des pièces. Cette spécialisation des pièces de l’habitat particulièrement dans la bourgeoisie participe à de grands changements de la vie quotidienne en répondant à un « besoin nouveau d’isolement » et d’intimité12.

Ce processus de civilisation (Élias N., 1991) décrit le passage d’une société où les émotions et les fonctions corporelles étaient visibles à une société où les individus doivent dissimuler et contrôler leurs affects et les manifestations de leur corps13. De ce fait, jusqu’au XVIe siècle, l’expression de la sexualité était visible notamment dans la manière dont elle était évoquée avec les enfants.

Dans le cadre du processus de civilisation des mœurs, l’apparition d’une sphère de l’intimité marque une reconnaissance de l’individu et de la subjectivité : les sentiments amoureux, notamment, gagnent en légitimité et s’expriment par une tendance d’individualisation des trajectoires sexuelles qui deviennent des éléments de la construction sociale des sujets. Elle

11 Ce processus initie des dispositifs de politisation visant à « stabiliser les passions en leur permettant de s’exprimer dans un cadre socialement recevable » (Trepos J-Y., 2004, 1) tels que la loi sur l’IVG, la loi sur la contraception, la fondation du planning familial, l’éducation à la sexualité.

12 Ariès P., 1975, 299-300.

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correspondrait, selon Michel Bozon, à une nouvelle norme. D’une manière générale, c’est l’individu qui acquiert une existence propre au-delà de ses attaches collectives.

Ce refoulement des émotions dans la sphère de l’intime s’accompagne d’une « volonté de savoir »14 ce qui se passe dans la vie privée dans une optique de contrôle social : contrôle des naissances, gestion politique des corps, érection d’un ordre moral. Elle organise un clivage entre ce qui peut et doit être montré et ce qui doit être dissimulé. Elle concourt à rendre la sexualité secrète tout en en la maintenant, grâce à la mise en discours, au cœur des préoccupations. Elle fait donc l’objet de multiples fantasmes exacerbés par une société dite à risques. Ainsi, comme nous l’enseigne Michel Foucault (1976), ce n’est pas parce que la sexualité est montrée et mise en débat que le contrôle social, qui s’exerce sur elle, n’existe pas. La sexualité va aussi devenir l’objet de préoccupations de la part des pouvoirs publics15

mais aussi des individus.

2. Naissance de la sexualité plastique : l’émergence du plaisir sexuel

Si l’inquiétude sur la sexualité renvoie à une biopolitique de la population se déployant dans des politiques de natalité pour lesquelles la sexualité est d’abord reproductive, elle procède plus largement d’une politique du sujet avec l’émergence de la « sexualité plastique » (Giddens A., 2004, 42). Celle-ci renvoie au processus amenant la sexualité à se détacher de sa fonction reproductive16 mais aussi de la conjugalité17, notamment avec le déclin du mariage, pour se voir attribuer une valeur propre. À ce titre, elle marque le passage d’une dimension exclusivement collective de la sexualité à une articulation avec la dimension individuelle qui consacre l’expérience sexuelle comme « un des fondements principaux de la construction des sujets et de l’individualisation » (Bozon M., 2009, 9) et légitime la recherche de plaisir dans la sexualité. On voit cet aboutissement de la sexualité plastique dans le fait que non seulement la sexualité ne sert pas qu’à la reproduction, mais qu’elle peut s’exercer hors du cadre conjugal et qu’aujourd’hui elle peut avoir lieu en l’absence de tout rapport sexuel avec autrui, dans le

14 Foucault M., 1976.

15 Cette inquiétude portera en premier lieu sur la sexualité des classes populaires, des jeunes et des femmes.

16 Comme le relève Anthony Giddens (2004, 50), c’est aussi un détachement par rapport à la nature. La reproduction était jadis considérée comme faisant partie du règne de la nature. En conséquence les rapports hétérosexuels étaient considérés comme inéluctables et légitimes. Dès l’instant où la sexualité est devenue une composante à part entière des relations sociales, l’hétérosexualité a cessé d’être le modèle à l’aune duquel tout était jugé, ouvrant par là une voie de reconnaissance pour l’homosexualité.

17 Aujourd’hui la sexualité peut avoir lieu en dehors du mariage. En effet pendant des siècles, sous l’effet du christianisme, tout acte sexuel devait s’effectuer dans le cadre du mariage et les pratiques étaient tournées vers la reproduction voir (Godelier M., 2008, 10).

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plaisir solitaire ou avec des objets. Le détachement entre reproduction et sexualité est également particulièrement visible dans le développement de techniques de fécondation « hors sexualité ».

La naissance de la sexualité dite plastique est congruente à l’émergence de la contraception. Selon Michel Bozon, il y a eu une baisse de la fécondité bien avant l’apparition des méthodes contraceptives modernes (pilule, stérilet, stérilisation, préservatif, etc.) (Bozon M., 2009, 24). Ce processus a commencé en France peu avant la révolution française. Il correspond à une « transformation des attitudes (…) liées aux transformations socio-économiques, au progrès de l’hygiène et de la médecine, au développement de l’instruction et à la sécularisation de la société, qui ont contribué à installer l’idée selon laquelle il n’était plus possible, ni nécessaire d’élever de nombreux enfants » (Bozon M., 2009, 24). C’est aussi au cours du XVIIIe siècle que les considérations économiques se trouvent moins au principe des liens maritaux et que le rapport émotionnel entre les conjoints devient prépondérant et que naissent des obligations envers leurs enfants (Giddens A., 2004, 39-40). La tendance à avoir de grandes familles laisse place à une limitation du nombre d’enfants, ce qui représente autant une condition qu’une « conséquence de l’adoption des méthodes modernes de contraception » (Giddens A., 2004, 40).

Dans les années 1950, la volonté de contrôler la natalité ainsi que la généralisation des avortements clandestins ravivent l’inquiétude sur la sexualité (Chaplin T., 2010, 24). En effet, les premières méthodes de contrôle des naissances correspondaient au coït interrompu mais ce n’est qu’au milieu du XXe siècle avec la dépénalisation de l’avortement, qui fait suite à la législation de la contraception18, que le passage du régime de « maternité subie » à celui de « maternité volontaire »19 s’opérera et fera place à la « planification familiale » (Bajos N., Ferrand M., 2006, 91).

L’accès à la contraception se décline sous une « double modalité » : le devoir d’adopter une contraception si le désir d’enfant n’est pas présent et « la nécessité d’adapter sa contraception » selon les « moments du cycle de sa vie », comme le préservatif pour les relations débutantes ou occasionnelles20. La contraception et l’IVG ont permis de dissocier procréation et sexualité. Mais pour Bernard Séverine, « s’il est possible pour les femmes de maîtriser leur fécondité, c’est encore exclusivement à elles d’être attentives aux conséquences

18 Dès 1960 la pilule devient disponible sur prescription médicale suivie du vote de la loi Neuwirth en 1967 instaurant la légalisation en France de la contraception mais sous contrôle de la part du médecin dans la mesure où ces derniers sont tenus d’enregistrer les prescriptions et où les mineurs ont besoin du consentement de leurs parents.

19 Knibiehler Y., 1997 ; Lefaucheur N., 1992, 420-430 cité dans Bajos N., Ferrand M., 2006, 91.

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de l’activité sexuelle » (Bernard S., 2010, 62).21 Cela les conduit alors à adopter les nouvelles normes sociales de la procréation. À cet égard, il leur incombe de réunir les meilleures conditions pour avoir un enfant en respectant une « norme contraceptive » (Bajos N., Ferrand M., 2006, 92). Elles doivent donc favoriser les conditions les plus propices à l’accueil d’un enfant, c’est-à-dire dans « un couple parental stable affectivement, psychologiquement et matériellement, cette naissance s’inscrivant dans un projet parental et survenant au bon moment des trajectoires professionnelles des deux parents » (Bajos N., Ferrand M., 2006, 92).22 Ces pratiques impliquent alors des contrôles, aussi bien internes, c’est-à-dire sur soi-même, qu’externes par la société dont le corps médical s’érigera en agent de contrôle.

On peut dire, bien que cela excède le cadre de notre propos, que la naissance de la sexualité plastique et son rôle dans la montée de l’inquiétude sur la sexualité ne sont pas indépendants de la déstabilisation du modèle conjugal et de l’émancipation des femmes. En effet, la reproduction a longtemps été considérée comme naturelle. Cet ordre participait à l’un des multiples aspects de l’infériorité des femmes dans le monde social. Lorsqu’il cesse d’aller de soi – suite à de multiples transformations sociales, politiques et intellectuelles – il engendre la remise en cause des rapports entre les sexes (Bozon M., 2009, 19). Alors qu’il était attendu que les femmes et les hommes endossent des postures de « genre asymétriques » qui les hiérarchisent (Bozon M., 2012, 123), la large diffusion de la contraception a transformé l’accès à la sexualité pour les femmes, l’accès au travail, etc. Par ailleurs, l’ébranlement du couple et de la famille comme cadre d’exercice de la sexualité et le déclin de l’identification de la sexualité à la reproduction participent à appréhender la sexualité sous le prisme du plaisir hors mariage, renforçant ainsi l’inquiétude sur la sexualité des générations d’après-guerre.

De plus, à partir de années 60, ce nouveau modèle de « conjugalité intersubjective »23 rend compte du fait que les sexualités des hommes et des femmes connaissent un rapprochement dû en partie à la réciprocité de leurs pratiques et rôles mais elles tendent également à se diversifier, notamment à travers les expériences de moments seules, sans partenaires stables ou de couple. Ces évolutions accompagnent la mise en place d’un nouveau régime normatif qui met en exergue l’égalité entre hommes et femmes ainsi que l’importance de la communication dans le couple. Ces normes sont notamment diffusées par les nouveaux médias.

21 Bernard S., 2010.

22 Voir la partie « l’enfant par projet » dans Boltanski L., 2004, 129-135.

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3. La médiatisation de la sexualité

En s’appuyant surtout sur les travaux de Tamara Chaplin, on voit que l’inquiétude sur la sexualité, et notamment celle des jeunes, a également été portée par les médias. Dans les années 50 à 70, la radio mais aussi le cinéma, la télévision et la presse attirent l’attention sur l’éducation sexuelle des adolescents. Une tendance qui est aujourd’hui un lieu commun. Les romans comme Bonjour tristesse (1954) de Françoise Sagan mais aussi des films tel que

Et Dieu créa la femme (1967) participent au « démorcellement sexuel » (Chaplin T., 2010, 30-31), c’est-à-dire à son entrée sur la place publique. De multiples revendications font surface notamment sous l’influence de la réédition des œuvres de Wilhelm Reich (La révolution sexuelle) et de Herbert Marcusse (Éros et civilisation) conduisant les jeunes à opposer la « libération sexuelle à la répression bourgeoise » (Chaplin T., 2010, 32).

Tamara Chaplin date le premier programme télévisé sur le contrôle des naissances en 1960 et, concernant l’éducation à la sexualité, elle recense « 228 articles » et « 56 émissions » de radio ou de télévisions « entre février 1968 et juillet 1973 » (Chaplin T., 2010, 30). Le premier programme télévisé consacré à l’éducation sexuelle est diffusé le 13 février 1968. Certains extraits24 ont fait débat et constituent un choc qui vont faire émerger 3 controverses sur le sujet : « Qui est chargé du discours sur l’éducation sexuelle ? Qui reçoit ce discours ? En quoi devrait consister ce discours ? » (Chaplin T., 2010, 30). Ces interrogations sont dirigées vers la jeunesse française conçue comme une catégorie sociale émergente.

Les médias s’emparent des événements de mai 68 en les associant à la libération sexuelle, à la jeunesse et au désordre social et moral. Mai 68 donne ainsi « un contenu sexuel à la politique et un contenu politique à la sexualité » (Chaplin T., 2010, 32). Une « panique morale » s’ensuit sur « l’invasion sexuelle dans l’espace public » portée par des publications de magazines et de romans, de films et de photographies à caractère pornographique dans la région parisienne (Chaplin T., 2010, 32). Ce mouvement de panique est également accentué par des programmes télévisés tels que L’invasion de la sexualité dans la vie quotidienne, Sex-shop, Les mœurs : la société française est-elle coupable ? (Chaplin T., 2010, 32). L’inquiétude s’installe alors sur les conséquences de la visibilité de la sexualité sur la jeunesse.

Ces craintes sont amplifiées par plusieurs affaires qui vont défrayer la chronique judiciaire : l’affaire Gabrielle Russier, celle de l’avortement de Bobigny et l’affaire Nicole Mercier25.

24 Notamment celui qui montre une mère qui explique la reproduction à son enfant de 9 ans.

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C’est en 1969 que l’affaire Russier éclate autour de l’incarcération d’une jeune enseignante en

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