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Les politiques sectorielles

Dans le document La compétitivité des cafés africains (Page 30-35)

2. Les facteurs structurels de la compétitivité

2.2. Les politiques sectorielles

2.2.1 Org ani sati on des fili èr es, réparti ti on et utili sati on de l a r ente

Les fronts pionniers moteurs de la croissance caféière ont été historiquement le moyen d'entrée dans l'économie marchande de nombreux pays producteurs. Dans ce cadre, la caféiculture se développe en incorporant du travail et de la terre antérieurement extérieurs à l'économie de marché et

pour lesquels la notion de prix ou de coûts d'opportunité n'a guère de sens. Dès lors la croissance a pu

prendre le caractère spontané que l'on connaît dans de nombreux pays si tant est qu'il existe des

réserves foncières et que les conditions favorables au mécanisme migratoire soient réunies. On trouve

deux types d'organisation des filières correspondant à cette situation

- l e modèl e étatiq ue (Côte d'Ivoire, Ouganda . .. ) : le café est une des ressources principales de ces pays et de l'Etat. Ce modèle se caractérise par l'existence d'institutions publiques (Caisses de stabilisation et Marketing Boards) directement actives dans la commercialisation et pouvant aller, dans certain cas, jusqu'à la monopolisation complète de l'exportation. Créées, dans la plupart des cas, sous la pression des agents de la filière (producteur ou exportateurs locaux) elles s'en sont bien souvent détaché pour tenter de subordonner l'organisation et le fonctionnement de la filière aux objectifs plus globaux de l'Etat et de sa politique économique et budgétaire. Les prélèvements de l'Etat, fonction des prix mondiaux, ont été importants et réinvestis dans d'autres secteurs (infrastructures, .. .), les coûts d'intermédiation sont relativement élevés du fait de l'existence de monopoles ou d'oligopoles. Les revenus des producteurs, quoique souvent stabilisés, sont minimum dans ce cas.

- l e modèl e lib ér al (Indonésie, Guinée, .. ): tout en concernant une frange importante du milieu rural, le café ne contribue que faiblement aux ressources du pays et de l'Etat (PIB, devises et taxes). Ce modèle est caractérisé par l'absence d'intervention directe de l'Etat dans la commercialisation /

transformation et la formation des prix. Les opérateurs privés (collecteurs, usiniers, exportateurs) réalisent seuls la préparation et l'exportation du café sur le marché international. Ce modèle donne aux exportateurs une position dominante sur la filière, leur pouvoir sur le marché n'étant limité que par la concurrence qui s'exerce entre eux. L'instabilité des prix mondiaux est partiellement transmise aux producteurs même si ce sont les intermédiaires qui captent la part la plus importante de la rente caféière. En l'absence de prélèvements de l'Etat et de cartellisation des intermédiaires, les revenus des producteurs peuvent être relativement élevés.

Ces modèles de croissance et d'organisations des filières trouvent cependant leurs limites dans

-l'épuisement des ressources foncières, le vieillissement des caféières et la chute de fertilité ;

-l'apparition d'opportunités d'emplois concurrentes offrant une meilleure rémunération de la terre ou

du travail.

C'est bien à cette profonde modification des conditions de mobilisation des facteurs que répond la mise en place des dynamiques de croissance intensive. L'existence de structures ou d'institutions, permettant au secteur d'agir conjointement pour défendre ses intérêts face au reste de l'économie, joue alors un rôle déterminant.

Il y a de ce point de vue un contraste frappant entre des pays comme le Costa Rica ou la Colombie et des pays comme la Côte d'Ivoire ou l'Indonésie. Dans les deux premiers pays on constate une professionnalisation voire une syndicalisation très forte du secteur (FEDECOOP/ICAFE, FEDECAFE) manifestement absente dans les seconds

Le modè le de " cog esti on" (Colombie, Costa Rica .. ) est caractérisé par la participation active de coopératives ou d'organisations de producteurs à la commercialisation mais aussi et surtout, à la définition des orientations de politique caféière. C'est sans doute à propos de ce modèle de "cogestion" que l'on peut parler de la constitution d'un complexe caféier, complexe entendu ici comme une alliance durable entre les différents agents de la filière - y compris l'Etat - pour la défense des intérêts du secteur au niveau de l'économie nationale ainsi que sur le marché international. L'action des organisations de producteurs n'exclut ni l'existence d'institutions étatiques ni celle d'opérateurs privés en concurrence ou en coopération avec ces organisations. Dans bien des cas, l'Etat a contribué activement à la naissance ou à la consolidation du pouvoir coopératif ou syndical, et souvent, il conserve sur ces organisations un contrôle non négligeable. La frontière avec l'Etat n'en est pas moins réelle dans la mesure où les organisations professionnelles entrent parfois en conflit avec l'Etat et l'obligent à trouver des compromis. L'Etat est amené à négocier le ré-investissement d'une partie des sommes prélevées directement dans la filière au niveau de la recherche, de la vulgarisation et du crédit favorisant l'intensification des systèmes de production. On assiste également à une ré-orientation des politiques monétaires et fiscales destinée à favoriser les secteurs d'exportation. La concurrence, induite par l'existence de groupements de producteurs puissants, a souvent obligé le secteur privé à limiter ses prélèvements et à améliorer ses services en terme de productivité, de qualité et de rentabilité. Enfin, on remarquera que les producteurs appuyés par une politique de crédit adéquate (crédits sur huit ans avec période de grâce de trois ans) ont utilisé les périodes de hausse des prix pour investir dans les replantations ou les extensions avec du matériel végétal amélioré.

C Q)

...

,,,,,

... � ...

40

Prix producteur

Fonction du prix international

60

lndonesie

···• ····� ····

Côte d'Ivoire

80 100 120 140 1 60 1 80 200

Cents/Uvre

> :.:J

C Q)

Marge des intermédiaires

Fonction du prix international

Indonésie / 80 100 120 140 1 60 1 80 200 Cents/Livre

Prélèvement de l'état

Fonction du prix international

..

-1 o+---.'---1

.... ···

-20+----,,__ ________________ _

..

..

-30+---,---..---�-�--�-�--�---,---i 20 40 60 80 100 1 20 Cents/Livre 140 1 60 1 80 200

2.2.2 Impact des politiq ues sect ori ell es et monét air es sur l es r evenus des pr oduct eur s

La compar ai son des prix aux pr oduct eur s ex primés en doll ars permet d'analyser, hors effet des politiques monétaires, la part du prix international perçue par les producteurs.

La comparaison entre pays exportateurs de robusta montre que, sauf en 1981, 1982, 1988 et 1989, les producteurs indonésiens ont perçu des prix supérieurs ou égaux à ceux des producteurs ivoiriens.

La comparaison de la Côte d'ivoire avec les pays producteurs d'arabica montre que, malgré des prix à l'exportation quasiment identiques, les producteurs de Colombie et du Costa Rica ont bénéficié d'un prix systématiquement supérieur, et en certaine occasion très largement supérieur, à celui des producteurs de Côte d'Ivoire. Sur la période 1 975-1 991 , le prix de la Colombie s'est établi fréquemment à 50 % au dessus de la Côte d'Ivoire, et jusqu'à un rapport de un à trois en 1976n7 pour le Costa Rica.

T""' Q) 0 0 T""' Q) Q) 350 300 250 200 1 50 100 50 1 975

Prix aux producteurs en cents par livre

"

'

\ 1 \ \ \ 1 978 1981 1984 1987

1---·

Costa Rica - Côte d'Ivoire - Indonésie

Prix au producteur

En monnaie nationale constante

'

A I '

1 990

1964 1 968 1972 1976 1980 1 984 1 988

1-

Costa Rica - Côte d'Ivoire ---· Indonésie

La compar ais on de l' évolution des pr ix aux pr oducteurs en monnaie nationale cons tante souligne le désavantage dont ont pâti les producteurs ivoiriens ou camerounais vis-à-vis de leurs concurrents.

La deuxième moitié des années 1 970 se traduit, chez tous les pays concurrents, par un relèvement très net des prix aux producteurs en monnaie nationale constante. A l'exception de la Colombie, ces prix demeurent, jusqu'en 1989, malgré de très fortes fluctuations, à un niveau bien supérieur à celui des années 1 960. A l'inverse les prix aux producteurs ivoiriens et camerounais subissent une lente érosion, avant même toute dégradation de la conjoncture internationale.

La crise du marché international a encore accentué cette divergence des évolutions. En 1 991 , alors

qu'en Côte d'Ivoire le prix (officiel) n'est plus qu'à 40 % de son niveau de 1 971 , il se maintien encore à

70 % de ce niveau de référence au Brésil, à 80 % au Costa Rica, à 1 20 % (!) en Indonésie et en Colombie. Le producteur ivoirien est ainsi confronté pour la première fois à une crise de cette ampleur en termes de revenu moyen cette crise est d'autant plus grave que sa productivité a également diminué.

Sans être un modèle à suivre nécessairement, l'expérience des pays latino-américains fournit des pistes utiles de réflexion sur l'organisation de filières concurrentielles, sur les effets de la dévaluation ainsi que sur la mise au point de politiques de crédits pluri-annuels ou de subventions à l'investissement adaptées aux plantes pérennes permettant entre autres de financer le renouvellement du verger.

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