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3. Une action pour l’égalité engagée depuis trente ans : des progrès limités

3.2. Une politique interministérielle

L’action du ministère en ce domaine s’est exercée depuis 1982 dans le cadre de comités interministériels, à périodicité et composition variables.

Un comité interministériel chargé des droits de la femme, créé par le décret n° 82-215 du 2 mars 1982, associait le ministre de l’Éducation nationale aux seize ministres et deux secrétaires d’État qui le composaient. Présidé par le ministre délégué auprès du Premier ministre, ministre des droits de la femme, il était chargé d’assurer la coordination des politiques mises en œuvre en ce domaine. C’est par décision du comité interministériel du 19 décembre 1983, que le ministère de l’éducation nationale a mis en place dans une dizaine d’académies, avec l’appui des déléguées régionales aux droits des femmes, des stages de formation sur l’analyse du sexisme. Des commissions de relecture des manuels scolaires en usage dans les classes élémentaires ont été chargées de vérifier si ces manuels ne véhiculaient pas d’images sexistes. Dans la formation des maîtres étaient intégrés des modules de 18 heures sur l’analyse des causes et conséquences des préjugés liés au sexe.

Ce comité interministériel qui ne s’était plus réuni depuis 2000 a été réactivé en 2012 : « Il adapte l'appellation du comité et ses missions, pour couvrir les grands enjeux de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes : faire respecter les droits des femmes, faire disparaître les stéréotypes, discriminations et violences à leur égard et accroître les garanties d'égalité dans les domaines politique, économique, professionnel, éducatif, social, sanitaire et culturel. L'ensemble des ministres participeront au comité interministériel, les autres membres du Gouvernement pouvant y participer en fonction des questions à l'ordre du jour. Le comité interministériel adoptera les mesures permettant d'assurer la promotion des droits des femmes dans tous les champs de l'action gouvernementale ; il arrêtera un plan d'action interministériel en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et un plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, et en suivra la mise en œuvre. Le comité interministériel se réunira au moins deux fois par an. »70.

68 Article L. 312-17-1.

69 Article L. 721-1.

70 Décret n° 2012-1097 du 28 septembre 2012. Le premier comité interministériel s’est réuni le 30 novembre 2012.

Plusieurs conventions ont permis de formaliser et d’harmoniser les actions interministérielles, engageant au premier chef l’éducation nationale. D’abord exclusivement fondées sur les questions d’orientation, elles se sont élargies à une vision plus globale de l’égalité.

Une première convention a été signée le 20 décembre 1984 entre le ministère de l’Éducation nationale et le ministère des droits de la femme, visant à diversifier l’orientation des filles qui se dirigent en grand nombre « vers des formations littéraires ou tertiaires, dont les débouchés sont généralement plus aléatoires que ceux des formations techniques et scientifiques, suivies en majorité par les garçons et préparant aux métiers d’avenir. » En direction des filles et de leurs parents, la convention prévoyait des actions d’information et de sensibilisation ; l’accès des filles aux formations scientifiques et techniques devait être encouragé et favorisé, en fixant des objectifs chiffrés : un taux de 30 % de filles devait être atteint dans les formations scientifiques et techniques de lycées où elles étaient minoritaires, et de 40 % en série C. En direction des personnels de l’éducation nationale, un enseignement devait être dispensé sur l’analyse des préjugés liés au sexe dans la formation initiale des enseignants ; les formateurs, chargés de la formation initiale et continue des enseignants, devaient être « sensibilisés à l’analyse des problèmes posés par les préjugés et les comportements sexistes et aux moyens d’y remédier. » En direction des établissements scolaires, on encourageait les mesures visant à augmenter les capacités d’accueil dans les formations scientifiques et techniques (aménagements d’internats, création de classes passerelles, information des filles sur les formations nouvellement ouvertes). Pour suivre l’application de la convention, était créé dans chaque académie un poste de responsable de l’égalité entre filles et garçons et un bilan académique annuel rendait compte de la situation et des avancées en matière d’affectation des filles, tout en formulant des propositions pour faire avancer l’égalité.

Une convention a été signée le 14 septembre 1989 entre le secrétariat d’État chargé de l’enseignement technique et le secrétariat d’État chargé des droits des femmes afin de favoriser au sein du système éducatif une diversification des choix d’orientation des filles vers les formations dites industrielles, au motif que « le pays manque d’ingénieurs et de techniciens ».

Une convention interministérielle a été signée le 25 février 200071 entre le ministre de l’emploi et de la solidarité, le ministre de l’Éducation nationale, de la recherche et de la technologie, le ministre de l’agriculture et de la pêche. Elle soulignait les progrès mais aussi les lenteurs : « Ces évolutions masquent un accès inégalitaire des femmes et des hommes au marché du travail. De nombreuses filières professionnelles restent de fait peu ouvertes aux filles, puisque 60 % des femmes exercent des métiers qui ne représentent que 30 % des emplois. Le taux de chômage des femmes est de 12,5 % contre 9 % pour les hommes (décembre 1999). Elles occupent, pour 60 % d'entre elles, des postes d'ouvrières ou d'employées et représentent 80 % des emplois à temps partiel et à bas salaire. Cette inégalité de carrière est soulignée par un écart moyen de rémunération entre hommes et femmes d'environ 25 %. Leur accès aux postes de responsabilité reste limité dans les secteurs de l'économie, de la recherche, de la culture et de la politique. »

71 BOEN n° 10 du 9 mars 2000.

Trois axes sont alors définis, où l’accent est mis sur l’orientation, mais aussi sur la promotion de l’égalité et du respect entre filles et garçons :

– améliorer l'orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons et veiller à l'adaptation de l'offre de formation initiale aux perspectives d'emploi ;

– promouvoir une éducation fondée sur le respect mutuel des deux sexes : il est notamment prévu de « produire des informations et des statistiques sexuées sur les violences sexuelles en milieu scolaire à destination des élèves et des parents » ; – renforcer les outils de promotion de l'égalité et la formation des acteurs : en

particulier dans la formation assurée en IUFM et dans la formation continue. Il est aussi prescrit de « tenir compte des différences entre filles et garçons concernant le rapport au savoir, en particulier dans les travaux pluridisciplinaires encadrés ».

Un bilan devait être publié, suivi par un comité national de pilotage, relayé par des groupes interministériels dans chaque académie.

La convention interministérielle pour l’égalité entre filles et garçons 2006-201172 réactualise la précédente convention et réaffirme la nécessité de développer une approche globale dans la démarche éducative, notamment dans le cadre de l'orientation et de l'éducation à l'égalité des sexes. Huit ministères associent leurs efforts : éducation nationale, emploi, justice, transports, agriculture, culture, cohésion sociale, enseignement supérieur.

La convention dégage trois grands axes de travail :

– améliorer l'orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l'emploi ;

– assurer auprès des jeunes une éducation à l'égalité entre les sexes et mettre en œuvre des actions de prévention des comportements et violences sexistes ;

– intégrer l'égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des actrices et des acteurs du système.

La convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2013-201873 est signée par six ministres : le ministre de l’éducation nationale, la ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, la ministre déléguée chargée de la réussite éducative. C’est sans doute la plus complète et la plus ambitieuse, par les niveaux et les champs qu’elle embrasse, le nombre des mesures préconisées (23 dans la seule annexe 2012-2013), par les engagements qu’elle prend, notamment en matière de formation, d’information, de création d’outils, de modalités de pilotage et d’évaluation, de place donnée aux expérimentations. L’accent est mis aussi sur l’éducation à la sexualité. La convention innove moins qu’elle ne relance et n’élargit une

72 BOEN n° 5 du 1er février 2007.

73 BOEN n° 6 du 7 février 2013.

dynamique, qu’elle ne réactive des dispositifs existants et des textes déjà publiés, partant du constat que les progrès réalisés depuis la loi d’orientation de 1989 sont restés insuffisants et les freins importants :

« C'est bien la mission du système éducatif de faire réussir chacun et chacune, fille ou garçon, de la maternelle à l'enseignement supérieur. Cette réussite implique que les valeurs humanistes d'égalité et de respect entre les femmes et les hommes, les filles et les garçons, soient transmises et comprises dès le plus jeune âge. Ces valeurs sont inscrites dans la Constitution et dans les textes internationaux ratifiés par la France comme la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes ».

Pourtant, les disparités entre les sexes demeurent bien réelles. La réussite et l'échec scolaire, la réussite et l'échec en matière d'insertion professionnelle restent des phénomènes relativement sexués. La manière d'interroger, de donner la parole, de noter, de sanctionner et évidemment d'orienter, révèlent des représentations profondément ancrées sur les compétences supposées des unes et des autres.