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Chapitre 3 Analyse statistique et interprétative des phénomènes

5. Discussion de ces résultats

5.2. Point de vue cognitif et psycholinguistique

5.2.1. Réflexions sur les niveaux de production auxquels interviennent les erreurs Toutes les erreurs que nous avons relevées semblent, a priori, être des erreurs immédiates telles que les a définies Reason (op. cit.,). La raison qui nous pousse à affirmer cela est le fait que toutes les occurrences sont remarquées très rapidement par le contrôleur ou le pseudo-pilote. Ce jugement doit néanmoins être tempéré. En effet, il se base sur les seules manifestations de surface des erreurs, étant donné qu’il s’agit de l’un des principaux objets de notre analyse. Cependant, une étude plus poussée d’autres paramètres ferait peut- être apparaître des erreurs latentes, par exemple en raison de l’inscription de valeurs (par exemple, niveau de vol) erronées sur les strips.

Par rapport à la classification de Rasmussen exposée dans le chapitre 1, section 3.1.1, on peut considérer que la plupart des erreurs que nous venons de décrire sont « knowledge- based », compte tenu de la situation d’apprentissage des exercices enregistrés. Cependant, ce point doit être modéré par le fait qu’il est difficile de se prononcer avec certitude puisqu’on n’a pu mesurer avec exactitude l’ampleur de l’influence de la situation de l’apprentissage. Si l’on raisonne en termes de temporalité de l’action, il est encore plus difficile de déterminer à quel niveau appartiennent les erreurs, étant donné qu’aucun protocole expérimental n’a été mis en place qui en permettrait l’évaluation.

Basons-nous à présent sur le modèle de Levelt présenté aussi dans le chapitre 1, section 3.1.1. Nous nous intéresserons uniquement à la manière dont les erreurs se manifestent. En effet, ce sont les manifestations qui sont révélatrices du niveau auquel intervient l’erreur. La catégorie de l’erreur intervient plutôt pour expliquer le pourquoi de l’apparition de l’erreur, indépendamment de son niveau.

53 Oviatt se situe ici dans le cadre de modélisation de la planification défini par Levelt, que nous avons présenté dans notre premier chapitre.

En 3.2.2, nous avons distingué deux catégories d’erreurs, selon qu’elles touchent la position d’un mot dans l’énoncé, ou l’énonciation du mot lui-même. Il est évident que les erreurs appartenant à la première catégorie interviennent au niveau positionnel du modèle de Levelt. En effet, elles résultent d’une mauvaise planification, au niveau syntaxique, de la chaîne produite. Cela concerne également les cas des amorces. Ells semblent a priori être dues à un problème d’articulation. Mais elles sont en fait provoqués par la prise de conscience par le locuteur de son erreur de positionnement. Voici un exemple avec l’énoncé

avec ENAC euh [sis] Littoral 627 au revoir

dont voici la représentation phonétique :

[avǫkenakœsislitoralsisǡɶvǫɶsǫtǤr(ə)vwar]

Dans cet énoncé, l’apparition du son [sis] (mis en italique) correspond visiblement à la prononciation du début du mot « six cent vingt-sept ». Mais le locuteur se rend compte que le ce mot doit être énoncé après « Littoral », et arrête de ce fait sa production pour la remplacer par celle de « Littoral ». L’erreur n’est par conséquent pas due à un problème d’articulation, mais à la prise de conscience du locuteur qu’il n’emploie pas le bon mot au bon endroit.

Il n’en va pas de même pour les erreurs relevant de la seconde catégorie. Celles-ci sont dues à un problème situé au dernier niveau du modèle de Levelt, celui concernant la représentation phonétique. Comment arrivons-nous à cette conclusion ? Principalement par le fait que les mots qui font l’objet de ce type d’erreurs sont les mots corrects, situés à la position adéquate de l’énoncé. Cela indique que les étapes correspondant aux trois premiers niveaux ont été correctement effectuées. Par élimination, il reste le dernier niveau. Une confirmation est apportée par la nature des erreurs, qui sont toutes phonétiques.

Cependant, le nombre très bas d’erreurs et de disfluences doit être expliqué. Nous proposons comme hypothèse la faible quantité d’items compris dans le lexique, ainsi que de patrons lexico-syntaxiques distincts. En effet, de nombreuses études montrent que, tant sur les plans cognitif que psycho-moteur, plus la quantité d’éléments à choisir dans un ensemble est important, plus le temps nécessaire pour un choix donné augmente. Cela a également un impact sur le nombre d’erreurs produites au moment du choix (autrement dit, sur l’adéquation du choix avec ce qui est nécessité par la situation). Sachant que la phraséologie est moins complexe que le français utilisé couramment, nous pensons que de ce fait elle entraîne théoriquement moins d’erreurs au moment des choix sur l’axe syntagmatique. Cela est par contre compensé, du moins pour les apprenants, par la complexité des items à manipuler.

5. Discussion de ces résultats

5.2.2. Stratégies en présence d’une erreur

Dans la littérature psycholinguistique, il est courant d’étudier les stratégies de récupération des erreurs par les patients. En effet, ces stratégies consistent notamment à employer des moyens détournés pour pallier la difficulté à employer tel ou tel type de lexème. Par exemple, le patient aphasique54, s’il ne peut produire une catégorie donnée de lexème, emploiera une paraphrase ou une gestuelle spécifique.

Dans notre démarche de mise en œuvre des points de comparaison avec les études sur des sujets « sains », nous avons également abordé cet aspect des difficultés de problèmes de communication chez les contrôleurs en formation. Cependant, nous avons constaté que dans aucun cas, il n’est possible de parler de stratégies palliatives au sens défini plus haut. Cela est dû à deux principales raisons. D’une part, les personnes enregistrées ne souffrant d’aucune pathologie du langage, il ne leur est pas indispensable de recourir à ce type de stratégies. La seconde raison est encore plus déterminante : là encore, le fait que le langage employé est contraint par une stricte phraséologie. Par conséquent, il n’est guère possible pour les contrôleurs de recourir à d’autres lexèmes que ceux appropriés à une position donnée de l’énoncé. De ce fait, une étude plus poussée sur ce thème devrait être menée avec un corpus relatif à une tâche moins contraignante sur le lexique utilisé. Il est par contre intéressant de se consacrer à l’analyse de la manière dont les locuteurs réagissent lorsqu’ils se rendent compte qu’ils ont commis une erreur, et signalent celle-ci à leur interlocuteur. L’intérêt est double : les phénomènes en question sont assez voisins d’une stratégie palliative ; de plus, connaître les indications que donnent les locuteurs qui se rendent compte de leurs erreurs peut servir dans l’analyse des sujets aphasiques, par exemple pour déterminer plus aisément s’ils s’aperçoivent de leurs erreurs.