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III- Axes du développement

1- Un je pluriel dans A L’ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel

Comme nous l’avons indiqué précédemment239, le je du MI est d’autant plus complexe

qu’il assume une fonction multiple ; narrative, heuristique et épistémologique, entre autres.

1.1- Une fonction narrative

Le je proustien se charge de raconter l’"histoire d’une vocation"240 dans l’ensemble de La

Recherche. Mais quelle acception pourrait-on donner à la "fonction narrative", au sens

narratologique du terme, dans un roman qui raconte l’apparition de Gilberte et d’Albertine comme objets de passion amoureuse ? C’est initialement à Genette que l’on doit la précision de la fonction conférée à l’instance assumant la prise de parole matricielle, pour "dire quelque chose à propos de quelque chose" : « le premier de ces aspects, affirme le narratologue

236 Voir Introduction p 9 et 10.

237 Pour l’auteur de La Recherche, tout se mesure à l’aune d’une perception qui prend le moi pour centre de

perspective.

238 Du Côté de chez Swann, préface par Jean Milly, Paris 2009, éditions Garnier Flammarion, p 11. 239 Voir 2.1: Du "je" indiciel au "je" différentiel, dans le MI.

français, est évidemment l’"histoire", et la fonction qui s’y rapporte est la "fonction"

proprement "narrative", dont aucun narrateur ne peut se détourner sans perdre en même temps sa qualité de narrateur, et à quoi il peut fort bien tenter – comme l’ont fait certains romanciers américains – de réduire son rôle » 241.

Genette traite du rôle de l’instance qui raconte l’histoire. Cependant, dans la caractérisation de cette fonction, il ne traite pas dans l’immédiat du statut du narrateur242, sans lequel ni la voix ni le mode ne pourraient être aisément définis. C’est dans l’examen qu’il accorde à la narratologie que René Rivara traite du point de vue du narrateur et de la première personne du singulier dans le récit, car, pour lui, il est aussi question de l’« emploi ou non-

emploi du pronom de 1ère personne et accessoirement de la 2ème personne (pronom du dialogue) ; emploi des temps du passé ou des temps présents ou liés au présent… expression d’un « point de vue » unique (narrateur ou personnage privilégié) ou, au contraire, des points de vue de personnages divers » 243. L’implication de la temporalité, et du "point de vue", en

particulier, est, comme on pourrait le voir ultérieurement244, d’un intérêt majeur, dans ce

traitement que l’on accorde à la narration monologique.

Mais le narrateur, qu’il soit homodiégétique ou hétérodiégétique, monologique ou dialogique, ne pourrait se définir autrement que par l’activité sociologique de dire, de raconter un récit, d’événements ou de paroles, moyennant les mots de la tribu245. Examinons ce

fragment extrait de A L’ombre des jeunes filles en fleurs :

« Je me mis à parler du comte de Paris, à demander s’il n’était pas ami de Swann, car je

craignais que la conversation se détournât de celui-ci. "Oui, en effet, répondit M. de Norpois en se tournant vers moi et en fixant sur ma modeste personne le regard bleu où flottaient, comme dans leur élément vital, ses grandes facultés de travail et son esprit d’assimilation." »246.

241 Gérard Genette, Figures III, Op. Cit., p 161.

242 Les narratologues contemporains, dont René Rivara, ont tendance à contester la notion de focalisation, in La

Langue du récit, Paris 2000, éditions L’Harmattan, p 33.

243 René Rivara, La Langue du récit (Introduction à la narratologie énonciative), Op. Cit., pp 17-18. 244 Il sera question du "point de vue", au sens narratologique du terme, en troisième partie.

245 Soucieux du sens neuf du mot commun, Mallarmé emploie cette expression dans la deuxième strophe de son

poème Le Tombeau d’Edgar Poe.

246 Marcel Proust, A L’ombre des jeunes filles en fleurs, Paris 1954, éditions Le Livre de Poche, d’après les

Ce mini fragment narratif est extrait de ce que l’on pourrait appeler, au sens narratif du terme, la "séquence du dîner"247, organisé en l’honneur de l’ambassadeur M. de Norpois248.

Cette séquence participe d’une certaine "sociologie du partage à table", en raison de la conversation qui en découle, et qui s’inscrit dans la pure tradition française. Il est en l’occurrence question d’un échange allant de la représentation de Phèdre par la fameuse actrice la Berma, à certaines personnalités illustres comme le roi Théodose et le comte de Paris, passant par la carrière diplomatique de l’ambassadeur lui-même.

Pour le narrateur, cette conversation dominée par un diplomate très cultivé et fin connaisseur de l’étiquette est une épreuve à haut risque, car l’enjeu est multiple, et tout semble se jouer dans le discours, en particulier dans le discours rapporté. L’on se rend compte que ce passage n’est qu’un récit de paroles qui implique trois modalités de rapport ; le discours narrativisé, le DI (interrogatif indirect) et le DD.

Le premier type concerne la phrase à l’ouverture du contenu narratif : « Je me

mis à parler du comte de Paris ». Mais, aussi simple que soit la structure

grammaticale de cette phrase, son statut discursif pose problème. Et si l’on tente de paraphraser ce contenu, nous dirions qu’il s’agit là d’un narrateur qui dit qu’il dit. Néanmoins, le contenu du dit, au sens ducrotien du terme, est résumé par le verbe parler249. On est donc en droit de soutenir qu’il est bel et bien question d’un discours narrativisé. Pour Genette : « Le discours, "narrativisé", ou "raconté", est évidemment l’état le plus distant et en général…

le plus réducteur » 250. Mais, parce qu’il est "autorapporté", ce type de discours narrativisé est d’une constitution particulière. Si l’on examine la suite de la définition qu’en donne Genette251, l’on se rend compte que ce discours intégré dans le MI est classé sous l’étiquète de "discours intérieur narrativisé"252.

L’auteur de Figures III a justement recours à La Recherche pour illustrer ce type de rapport narratif : « supposons que le héros de la "Recherche", au lieu

de reproduire son dialogue avec sa mère, écrive simplement à la fin de

247 "Nous appelons séquence tout ensemble d’événements supposés sans hiatus ", in Jean Ricardou, Le Nouveau

Roman, Paris 1990, éditions du Seuil, collection Point p 87.

248 Rappelons que cette séquence occupe à elle seule une trentaine de pages.

249 Aussi devrait-on rappeler que ce verbe issu du bas latin ecclésiastique "parabolare" signifie « raconter des

histoires ».

250 Gérard Genette, Figures III, Op. Cit., p 191.

251 Quelqu’un comme René Rivara traite d’une forme baptisée "monologue narrativisé" mais qui ne ressemble en

rien au "discours intérieur narrativisé" dont parle Genette. Pour Rivara, cette variante discursive est plutôt proche du DIL in La Langue du récit, Paris 2000, éditions L’Harmattan, p 213.

Sodome : "J’informai ma mère de ma décision d’épouser Albertine." » 253. L’enjeu est de montrer que le passage de il à je, du délocutif à l’allocutif et à l’interlocutif254, donne à La Recherche un caractère autobiographique à peine voilé. Le narrateur dont il est question n’est pas omniscient ; il partage l’activité discursive, à parts égales, avec les autres personnages de la scène du diner.

 le DI (interrogatif indirect) est une variante de discours rapporté parfaitement intégré à la narration, et dans la séquence narrative en question, la phrase « à

demander s’il n’était pas ami de Swann » est juxtaposée au discours intérieur

narrativisé. Et l’on constate aisément qu’à cette hétérogénéité discursive correspond paradoxalement une homogénéité narrative. Grammaticalement parlant, cette homogénéité est assurée par la mise en facteur commun. Les deux infinitifs ; parler et se demander sont subordonnés au même verbe principal ; se mettre à. Pour conduire cette analyse grammaticale à son terme, nous dirions que nous avons affaire à deux périphrases aspectuelles juxtaposées, et qui pourraient se présenter selon la structure de base suivante :

« Je me mis à parler du comte de Paris »

« Je me mis à demander s’il n’était pas ami de Swann »

En français, la périphrase aspectuelle255 commençant par "se mettre à", ou par "commencer à (de)" exprime « l’aspect inchoatif. Le procès est saisi à son

début »256. Cependant, cette configuration aspectuelle, confrontée à la configuration temporelle, produit un paradoxe. Et l’on pourrait invoquer deux arguments de nature à édifier ce paradoxe énonciatif : le premier concerne l’incompatibilité apparente entre l’aspect inchoatif de la périphrase aspectuelle et l’aspect ponctuel du passé simple du verbe se mettre, employé en l’occurrence pour raconter un récit de paroles. Le deuxième est en rapport avec le pronom je qui, associé à un verbe conjugué au passé simple, n’en demeure pas moins problématique, d’autant que dans la perspective de Benveniste, l’aoriste (passé simple ou passé défini) n’est pas compatible avec l’énonciation

253 Ibid., p 191.

254 On ne pourrait, en l’occurrence, perdre de vue l’aspect conversationnel de la séquence narrative en question. 255 Il s’agit de celles qui impliquent des auxiliaires (ou des semi-auxiliaires) d’aspect, comme "aller", "être sur le

point de", "commencer à", "se mettre à"," venir de", "cesser de", "être en train de"…etc. 256

Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et René Rioul, La Grammaire méthodique du français, Op. Cit., pp 252-254.

à la première personne du singulier : « La forme "je fis" n’est admise ni dans le

récit ni dans le discours » 257.

Cette entorse à la règle est due au fait que je qui parle endosse un double statut ; le premier je est assumé par une instance narrative. Le deuxième je discursif, auquel le narrateur associe un passé simple narratif, est traité par le narrateur comme un il, troisième personne du singulier, délocuté du discours. On aura obtenu une structure énonciative comme celle-ci :

« Il se mit à parler du comte de Paris »

« Il se mit à demander s’il n’était pas ami de Swann »

Il est évident que les deux variantes discursives ; discours narrativisé et discours indirect, (interrogatif indirect), si différents soient-ils, ne pourraient être traités séparément. C’est ainsi que l’on se rend compte que je du monologue narratif est toujours pluriel. Dans tous les cas de figure, la complexité aspectuelle, doublée de la complexité pronominale, n’entame en rien la valeur pragmatique de l’acte narratif. Un acte d’assertion, conjoint à un acte de requête, participe de la dynamique de l’échange dans un récit qui accorde le primat à une conversation fortement codée.

 Le discours direct (DD) concerne la suite du fragment :

« "Oui, en effet, répondit M. de Norpois en se tournant vers moi et en fixant

sur ma modeste personne le regard bleu où flottaient, comme dans leur élément vital, ses grandes facultés de travail et son esprit d’assimilation." ».

Aussi devrait-on signaler que le DD à proprement parler n’implique que les deux adverbes : « Oui » et « en effet ». La suite de cette séquence n’est qu’un commentaire narratif qui prend la forme d’un :

- gérondif : « en se tournant vers moi et en fixant sur ma modeste

personne le regard bleu ». Ce gérondif a une valeur conversationnelle, parce qu’il

fonctionne comme une didascalie dans cette scène marquée par l’échange entre les personnages. Le narrateur a recours à ces marqueurs cadratifs pour permettre de rendre compte des postures physiques des acteurs de l’échange.

- enrichi par une relative : « où flottaient, comme dans leur élément vital,

ses grandes facultés de travail et son esprit d’assimilation ». Cette relative dessine un

chiasme spéculaire dans la mesure où le point de vue de Marcel est projeté sur le point de vue de Norpois qui à son tour observe l’enfant.

- impliquant à son tour un complément de manière : « comme dans leur

élément vital ».

Cette énonciation illustrative de l’esthétique proustienne258, laquelle se montre autant comme un contenu commentatif que comme un contenu narratif, est sommée de se soumettre aux exigences d’un moi soucieux de découvrir ou de redécouvrir le mystère de ces gens du monde (Swann, Norpois, le comte de Paris…etc.) et qui ne sont en réalité que des créatures amplifiées par les propres fantasmes du narrateur proustien.

Mais d’un autre côté, ce moi barométrique est contraint de se conformer, non seulement au code de l’échange, en présence d’un invité de marque, reçu par une famille soucieuse de l’étiquette de sa classe, mais aussi de se plier aux paramètres de l’écriture narrative, dans laquelle le je découvre la fonction heuristique de l’expression verbale.

258 Cette structure n’est pas une période à proprement parler, mais le souci de l’enrichissement syntaxique est

1.2- Une fonction heuristique

L'heuristique, du grec ancien εὑρίσκω, eurisko, et qui signifie « je trouve », implique foncièrement le je de l’énonciation dans « l’inventio (euresis) ou trouver quoi dire » 259. Il est donc question de faire des découvertes. Cette fonction est à la base de la rhétorique ancienne. Si l’on confère à la narration proustienne une visée argumentative, on se trouve en droit de soutenir que la phrase : « Je me mis à parler… » s’inscrit dans une certaine rhétorique. Selon Roland Barthes : « La narration n’est donc pas un récit (au sens romanesque) mais une

protase argumentative »260. Ce ressort discursif corrobore l’idée que même dans une

énonciation narrative monologique la rhétorique a droit de cité. On en conclut qu’à partir du moment où les pensées intérieures sont mises en forme par l’écrit, le sujet parlant se trouve de facto dans l’artefact, pour s’exprimer, et partant, pour communiquer.

Mais comment fonctionne le principe de l’euresis dans l’espace mental du narrateur proustien ? Le passage suivant pourrait en donner l’explication :

« ma pensée ne pouvait plus remonter le courant du flux de paroles par lequel je m’étais

laissé machinalement entrainer pendant des heures. Seul, je continuais à fabriquer les propos qui eussent été capable de plaire aux Swann et, pour donner plus d’intérêt au jeu, je tenais la place de ces partenaires absents, je me posais à moi-même des questions fictives choisies de telle façon que mes traits brillants ne leur servissent que d’heureuse repartie. Silencieux, cet exercice était pourtant une conversation et non une méditation, ma solitude, une vie de salon mentale où c’était non ma propre personne, mais des interlocuteurs imaginaires qui gouvernaient mes paroles et où j’éprouvais à former, au lieu des pensées que je croyais vraies, celles qui me venaient sans peines, sans régression du dehors vers le dedans, ce genre de plaisir tout passif que trouve à rester tranquille quelqu’un qui est alourdi par une mauvaise digestion »261.

Ce fragment narratif illustre le MI tel qu’il est défini par Dujardin lui-même. On pourrait en invoquer trois critères définitoires établis par l’auteur des Lauriers sont coupés :

259 Roland Barthes, L’Aventure sémiologique, chapitre : L’ancienne rhétorique, Paris 1985, éditions du Seuil, p

124.

260 Roland Barthes, L’Aventure sémiologique, Op. Cit., p 152. 261 A L’ombre des jeunes filles en fleurs, Op. Cit., p 161.

- On y découvre qu’un personnage exprime sa pensée262. Ce personnage dit je. Ce

pronom personnel est pour Dujardin le pilier de ce mode d’énonciation monologique : « ma pensée ne pouvait plus remonter le courant du flux de paroles par lequel je

m’étais laissé machinalement entrainer pendant des heures» est la phrase inaugurale

du passage.

- Cette instance, à la fois narrative et discursive, s’adonne à l’expression de sa pensée la

plus intime »263. Et dans le passage, le lexique du langage intérieur est relativement

fréquent. Ne serait-ce que pour l’illustration, on y identifie « je me posais à moi-même

des questions fictives », « ma solitude, une vie de salon mentale », « des interlocuteurs imaginaires ». La densité et la profusion de ce lexique endophasique est la preuve que,

dans la solitude du personnage, le MI gagne en puissance. C’est qu’au fur et à mesure que la narration se développe le récit nous fait découvrir encore davantage la conscience la plus intime du locuteur narrateur.

- Cette configuration monologique donne, toujours selon les propres termes de Dujardin, l’impression du tout venant264, d’autant qu’il s’agit, non d’un récit

d’événements, mais d’une réflexion intégrée à la narration, que Genette appelle à juste titre la scène265 : « je m’étais laissé machinalement entrainer pendant des heures »,

« celles qui me venaient sans peines ». La scène dont il est question prend pour objet la passion amoureuse du narrateur qui, dans l’ordre du récit, se confond avec le personnage de Marcel. Et ce n’est nullement dans la passion en tant que telle que se joue l’inventio proustienne, car nous savons, depuis le romantisme, que cette thématique du désir, qui prend la femme aimée pour objet de cristallisation, est devenue un topos formel (réserve de stéréotypes) 266 de la littérature, romanesque et

poétique essentiellement.

Mais pour en venir à la fonction heuristique de la narration proustienne, dans le passage susmentionné, il convient, commodité méthodologique oblige, de s’appuyer sur les indices qui s’apparentent à la perception cognitive. Ce processus cognitif illustratif de l’euresis, au sens aristotélicien du terme, comprend une perception, un objet de perception et une prise de conscience qui, en tout état de cause, nait de l’activité du dire, du discours correspondant à la prise de parole, qu’elle soit interlocutive ou autoallocutive, dialogique267 ou monologique. Il

262 Edouard Dujardin, Les Lauriers sont coupés, Op. Cit., p 59. 263 Ibid., Op. Cit. p 59.

264 Ibid., p 59.

265 Gerard Genette, Figures III, Op. Cit. p 141.

266 Roland Barthes, L’Aventure sémiologique, Op. Cit. p 139.

n’y a pas de prise de conscience en dehors du langage ; le langage est la pensée, car « Il n’est

pas vrai, il est profondément faux de se figurer qu’il y ait opposition entre le son et l’idée, qui sont au contraire indissolublement unis pour notre esprit » 268. L’on se rend compte que, dans ce processus mental de la voix intérieure, monologique en l’occurrence, l’inventio ou l’euresis sont une entrée en matière qui enclenche de facto le processus de prise de conscience, dans le cadre d’un courant de conscience qui apporte en permanence un démenti formel à un réel jugé déceptif, en-deçà des aspirations du sujet.

La perception est mentale, elle appartient à un processus de courant de conscience. Lexicalement parlant, cette impression est assurée par les segments suivants : « je me posais à

moi-même des questions fictives ». Dans ce processus de construction mentale, l’interrogation

pourrait être saisie comme un outil cognitif qui participe de la dynamique du récit. Cette modalité discursive, mais aussi narrative est assez fréquente dans La Recherche269.

L’interrogation a une triple fonction dans le récit proustien :

- La fonction monologique. A partir du moment où le personnage proustien opte pour l’expression interrogative, l’on se trouve de facto dans une configuration discursive endophasique.

- La fonction heuristique. Elle sert à trouver, et elle met le sujet en posture de réflexion, afin de parvenir à la réponse qui occupe son esprit comme une obsession, et le cas de Marcel qui s’interroge en permanence sur le comportement optimal à adopter pour plaire aux Swann en est l’illustration.

- La fonction actancielle. Dans les épreuves, la question est souvent inaugurale d’un rite de passage, de l’immaturité à la prise de conscience d’un destin individuel qui finit par apprivoiser la souffrance. L’interrogation proustienne est née de la crise du sujet qui doute, non seulement de la sincérité de la femme désirée, mais aussi de ses propres possibilités à conquérir l’objet de son désir.

Parce que né du fantasme du sujet, l’objet de perception est aussi un objet de fabrication : « Seul, je continuais à fabriquer les propos qui eussent été capables de plaire

aux Swann ». Il est assez particulier de signaler que le MI du personnage se livre à la

construction d’un dialogue dont voici les propriétés :

268 Ferdinand de Saussure, Ecrits de linguistique générale, Op. Cit. p 64.