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Pluralité déterminante du rôle d’émetteur et de récepteur

La pluralité des rôles que les conférenciers et les participants ont joués lors du Café scientifique transcende ceux d’émetteur spécialiste et de récepteur non spécialiste et influence le déroulement du débat. L’explicitation de ces multiples rôles devance la réflexion amorcée sur les attributs de l’environnement social pour l’amener au niveau de ses fonctions dans le débat.

Même s’ils constituent différentes « sources » d’expertise autour du thème annoncé de l’activité, les conférenciers invités ne peuvent être perçus uniquement comme des émetteurs spécialistes. En effet, les résultats indiquent une diversification de leur fonction respective : initiateur de l’événement, informateur expert, ambassadeur, praticien et écrivain. Chacun de ces rôles secondaires influe de manière particulière le débat. L’initiateur de l’événement amorce la discussion en posant une définition du thème et de ces composantes qui circonscrivent les échanges futurs. L’informateur expert apporte des

exemples concrets, mobilise des sources scientifiques pour étayer ses propos et expose des faits afin de cadrer et nourrir les discussions. L’ambassadeur est chargé d’une mission, celle de livrer un message afin de porter une cause à la lumière du débat. Le praticien apporte au dialogue des exemples et un savoir professionnel issus de la pratique de la médecine. L’écrivain amène une perspective propre à l’activité romanesque dans le débat. De plus, il y a des rôles déterminés (c.-à-d. qu’ils sont anticipés et clairs avant le début de l’activité) comme celui d’informateur expert et puis il y a ceux indéterminés (c.- à-d. qu’ils prennent forme spontanément sans être fixés à l’avance par le comité organisateur) comme celui d’ambassadeur. Ces rôles ne sont pas exclusifs. Ils sont tour à tour adoptés par les différents conférenciers au gré des perspectives – et de l’expertise – de chacun sur le débat.

Pour sa part, n’étant pas experts du thème débattu, les participants sont d’abord compris comme des récepteurs non spécialistes. Toutefois, à l’instar des conférenciers, ce rôle ne suffit pas pour expliquer la réalité empirique et doit être divisé en plusieurs rôles secondaires : informateur expert, ambassadeur, demandeur de connaissances, observateur et auditeur. Les rôles d’informateur et d’ambassadeur sont similaires à ceux définis pour les conférenciers. Le demandeur de connaissances sollicite le savoir détenu par les conférenciers. L’observateur analyse avec attention le déroulement du Café scientifique et questionne le processus et/ou la formule. L’auditeur, qui compose la majorité des gens présents dans la salle, n’intervient pas pendant le débat et assiste de manière plus ou moins attentive aux échanges. Cette diversité de rôles influence grandement le débat en contribuant, entre autres, à une discontinuité des échanges.

Les similitudes observées entre les rôles détenus par les conférenciers et ceux des participants requièrent la révision des rôles d’émetteur et de récepteur. Par exemple, les participants qualifiés d’informateur ou d’ambassadeur se sont placés dans une position d’émetteur et non de récepteur. Ainsi, dans un Café scientifique, plusieurs groupes de participants prennent part activement au débat et ne se contentent pas d’une position passive de récepteur. Ils désirent émettre des informations et des points de vues sur le thème en construction. Dans ces conditions, comment le rôle de chacun peut-il être qualifié? En laissant tomber le rôle d’émetteur et de récepteur, en ne se contentant pas de celui de « public » et de « science », les choix se raréfient. Burns, O’Connor et

Stocklmayer (2003) apportent la notion de « participants » en rapport avec le processus de communication de la science (c.-à-d. qu’un participant est toute personne impliquée directement ou indirectement dans ce type de processus). Le conférencier est alors un participant au même titre que les autres, mais il se retrouve directement impliqué dans la démarche communicative. Ainsi, les concepts de « participants » et de « conférenciers » utilisés tout au long de ce mémoire semblent être les plus représentatifs de la réalité. D’autre part, la description de l’environnement social questionne l’expertise des conférenciers par rapport à celle des participants quant au thème du Café scientifique. Les résultats montrent que plusieurs personnes de l’auditoire possédaient des connaissances sur la science, son système et sa culture de par leur lien fort avec la sphère universitaire. Ainsi, en utilisant les termes développés par Kerr, Cunningham-Burley et Amos (1998), il est possible de décrire quatre types interdépendants de savoir sur lesquels se basent les intervenants : 1) technique (c.-à-d. des connaissances sur un thème d’ordre scientifique ou technologique); 2) méthodologique (c.-à-d. des connaissances sur les méthodes en science); 3) institutionnel (c.-à-d. des connaissances sur les formes et les structures politiques ou sociales établies en science); et 4) culturel (c.-à-d. des connaissances sur le large contexte social et culturel dans lequel s’inscrit la science). La considération de ces types de savoir permet également de mieux comprendre que l’expertise n’est pas l’apanage des scientifiques, mais qu’elle appartient également à un public « profane » ou plus informé sur les questions de science et de technologie. Lors de ce Café scientifique, les gens n’étaient pas nécessairement « experts » dans l’étude des innovations médicales, mais ils étaient « experts » au sens des types de connaissances détenus qu’ils soient membres de la sphère universitaire ou non.

Alors, comment l’expertise de chacun peut-elle être caractérisée? Evans et Plows (2007), en citant le travail amorcé par Collins et Evans (2002) et en adoptant la perspective de la participation du public dans les choix technologiques, définissent un continuum de catégories d’expertise allant de la « non-expertise » (c.-à-d. une absence de connaissances sur le thème scientifique ou technologique débattu) à l’« expertise contributive » (c.-à-d. des connaissances permettant de contribuer à l’avancement du savoir sur le thème débattu). Un Café scientifique met donc en place un débat où des conférenciers usent de leur expertise contributive par rapport au thème et où des participants, non-experts vis-à-

vis le thème, recourent à d’autres formes d’expertise pour échanger. Il s’agit d’un processus qui met de l’avant l’expertise de chacun en instaurant les conditions pour qu’elle s’exprime plus facilement.

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