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1.4 Les ions froids magnétosphériques

1.4.2 Plumes magnétosphériques et apport de masse

À grande échelle, les ions de la magnétosphère interne sont soumis à un champ électrique provenant de deux sources : la convection et la co-rotation. Le champ électrique de co-rotation est lié à la rotation de la Terre et orienté dans sa direc-tion. Le champ électrique de convection est lié pour sa part au cycle de Dungey (voir Sec.1.3.1). Ce champ électrique de convection est orienté vers l’ouest, c’est-à-dire du côté matin vers le côté soir de la Terre (Dungey 1961; Baumjohann & Treumann 1997). En fonction de la prépondérance d’une source ou de l’autre, spa-tialement dans la magnétosphère, les particules de faible énergie vont se retrouver sur des équipotentielles fermées, et rester piégées proches de la Terre, ou ouvertes, et dériver vers la magnétopause (voir Fig.1.19). La zone où les particules sont

pié-gées est appelée plasmasphère. Dans cette région, les échappements ionosphériques s’accumulent du fait de leur piégeage sur les équipotentielles électriques (Fig.1.19).

Figure 1.19 – Coupe équatoriale de la magnétosphère. Les lignes noires

repré-sentent les équipotentielles du champ électrique. La flèche noire (resp. les flèches bleues) représente la direction du champ électrique de convection (resp. de co-rotation). La zone rouge est la plasmasphère, où le plasma se trouve sur des équi-potentielles fermées.

Comme nous pouvons le voir sur la Fig.1.19, en raison du champ électrique de convection, la plasmasphère est asymétrique entre le côté matin et le côté soir. Du côté matin, les champs électriques de convection et de co-rotation sont orientés dans le même sens. Par conséquent, les particules les moins énergétiques, c’est-à-dire celles qui restent gelées aux lignes de champ magnétique, sont entrainées plus rapidement dans leur rotation vers le côté soir. Les particules plus énergétiques subissent les dérives magnétiques (Sec.1.3.2) et s’écartent des équipotentielles. Au contraire, du côté soir, les deux champs sont orientés de manière opposée, ce qui diminue son intensité. La rotation du plasma y est ralentie, faisant apparaître

un point de stagnation là où les deux champs électriques s’équilibrent. Lorsque l’activité géomagnétique est faible, les tubes de flux peuvent en pratique rester immobiles plusieurs heures à proximité de ce point de stagnation.

Figure 1.20 – Coupe équatoriale de la magnétosphère. Les lignes noires

repré-sentent les équipotentielles du champ électrique. La flèche noire (resp. les flèches bleues) représente la direction du champ électrique de convection (resp. de co-rotation). La zone rouge est la plasmasphère avant perturbation du champ élec-trique. La zone rouge foncée est la plasmasphère après perturbation. L’augmenta-tion du champ de convecL’augmenta-tion modifie les équipotentielles du champ électrique de telle sorte que certaines populations auparavant piégées dans des équipotentielles fermées se retrouvent sur des équipotentielles ouvertes. Elles vont alors pouvoir dériver vers la magnétopause suivant les nouvelles lignes équipotentielles (flèche violette), créant ainsi une plume plasmasphérique.

La plasmasphère est peuplées de particules provenant de l’ionosphère. L’iono-sphère étant collisionnelle, les ions s’y sont thermalisés. Ils sont bien plus froids (< 1 eV) que les autres ions des couches supérieures de la magnétosphère. Étant

constituée de plasma piégé et alimentée par l’ionosphère, la plasmasphère est égale-ment bien plus dense (entre 102 et 104 cm3, selon Darrouzet et al. (2009)) que les couches plus externes de la magnétosphère. Lors d’une perturbation dans le vent solaire, la pression de ce dernier sur la magnétosphère peut augmenter brutalement, entrainant un flux soudain et sporadique de particules et de flux magnétique depuis le site de reconnexion dans la queue vers la Terre : nous parlons alors de sous-orage magnétique. L’augmentation du champ électrique de convection associé induit un réarrangement spatial des lignes équipotentielles. Comme nous pouvons le voir sur la Fig.1.20, l’augmentation du champ électrique de convection va affecter l’équi-libre des forces. Les lignes équipotentielles fermées s’en trouvent contractées et le point de stagnation (côté soir) se rapproche brusquement de la Terre. Le plasma situé dans la plasmasphère externe va donc soudainement se retrouver sur des équipotentielles ouvertes. En dérivant suivant les nouvelles équipotentielles, il va pouvoir s’échapper vers la magnétopause. Cette langue de plasma dense et froide est appelée plume plasmasphérique. Il faut préciser que durant tout le proces-sus, le plasma, très froid, est resté gelé dans le champ magnétique et a dérivé avec lui.

L’arrivée d’une plume à la magnétopause est lourde de conséquence pour la reconnexion magnétique. En effet, le taux de reconnexion dépend de la densité du plasma de part et d’autre du site de reconnexion (Cassak & Shay 2007, 2009). La densité typique des plumes arrivant (3 à 40 particules par cm3, voir Sec.1.4.1) est très importante comparée à la densité moyenne de la magnetosphère (0,05 à 3

cm3, voir Sec.1.4.1). Son arrivée dans certains cas à la magnétopause va entrainer un apport de masse côté magnétosphère, qui a pour effet de diminuer le taux de reconnexion (Borovsky & Denton 2006; Borovsky et al. 2008; Walsh et al. 2014; Wang et al. 2015). Ce résultat a pu être mis en exergue grâce aux observations de Borovsky & Denton (2006). Ces derniers ont comparé le couplage entre le vent solaire (déterminé par WIND) et la magnétosphère5 en présence ou non d’une plume plasmasphérique. La Fig.1.21 montre que le couplage entre vent solaire et magnétosphère est systématiquement plus faible en présence d’une plume. Cela s’interprète comme une diminution du taux de reconnexion (Borovsky et al. 2008). En conclusion, l’activité magnétosphérique terrestre a une grande influence sur la reconnexion magnétique tout autant que l’activité solaire.

5. Il existe plusieurs indices géomagnétiques permettant d’estimer ce couplage, comme les indices AE ou AU, également appelé indice d’électrojet auroral. Ces indices sont obtenus à partir de la mesure au sol de l’activité géomagnétique. N’étant pas davantage utilisés dans cette thèse, nous ne développerons pas ce point.

Figure 1.21 – Représentation des indices géomagnétiques (AU à gauche, AE à

droite) en fonction du champ électrique de convection dans le vent solaire. Sont comparées dans ces figures les corrélations de ces deux grandeurs en prenant dans un cas toutes les données d’un intervalle de temps (courbes de points noirs) et dans un autre cas seulement les intervalles où une plume plasmasphérique est observée (courbes de points blancs). La courbe de points blancs est systématiquement en-dessous de la courbe de points noirs, ce qui indique un couplage plus faible entre vent solaire et activité géomagnétique. Ces figures sont tirées de Borovsky & Den-ton (2006).

Annexes de chapitre

Le flux magnétique ΦBse définit comme le champ magnétique passant à travers une surfaceS. Cette dernière s’écrit sous forme vectorielleS, avec une norme égale à S et une orientation normale à la surface. Autrement dit :

Nous multiplions maintenant l’Eq.1.9 par S : B ∂t ·S = [×(v×B)]·S (1.31) (B·S) ∂t = ·[(v×BS] (1.32) Φ ∂t = ·[(v·S)B−(B·S)v] (1.33) = ·[(v·S)B]−·(ΦBv) (1.34) = B·(v·S) + (v·S)·B−ΦB·vv·ΦB (1.35) = B·[v·(·S) +S·(·v)]−ΦB·vv·ΦB (1.36) = (B·S)(·v)]−ΦB·vv·ΦB (1.37) = −v·ΦB (1.38)

Nous trouvons donc quetΦB+v·ΦB = 0. Les simplifications effectuées lors des calculs s’appuient sur le fait que S est par définition constant, spatialement (·S= 0) et temporellement (S/∂t =0), et sur l’équation de Maxwell-Thomson (·B= 0)

Chapitre 2

Modélisation numérique de la

reconnexion magnétique en milieu

non-collisionnel

Sommaire

2.1 Aperçu des différents formalismes de modélisation numérique . . . . 51 2.2 Modèles descriptifs de plasmas astrophysiques . . . . . 52

2.2.1 Le modèle cinétique de Vlasov . . . 53 2.2.2 Le modèle de Vlasov Hybride . . . 57 2.2.3 Modèles Magnéto-Hydro-Dynamiques . . . 59

2.3 Simulations Particle-In-Cell (PIC) . . . . 62

2.1 Aperçu des différents formalismes de

modé-lisation numérique

La reconnexion magnétique en milieu non collisionnel est un phénomène multi-échelles. Il est possible grâce à des mécanismes se déroulant aux échelles spatiales (longueur d’inertie et rayon de Larmor) et temporelles (pulsation cyclotron et fré-quence plasma) des ions et des électrons, mais il a également un impact à des échelles bien plus grandes (voir Sec.1.3.1). La modélisation du phénomène est par conséquent délicate et dépend beaucoup de l’échelle que l’on doit étudier. Le mo-dèle utilisé pour décrire tel ou tel phénomène sera choisi selon un compromis entre hypothèses physiques simplificatrices applicables, puissance de calcul disponible et échelles du phénomène étudié. La réduction du nombre d’hypothèses offre une

description plus réaliste, mais s’accompagne également d’un alourdissement de la charge de calcul qui rend matériellement impossible la modélisation de systèmes trop grands. Inversement la présence d’hypothèses dans un modèle impliquent l’in-troduction de présupposés qui peuvent fausser les résultats.

Le modèle nécessitant le moins d’hypothèses est la description complètement cinétique. Elle suppose simplement que chaque particule évolue dans un champ moyen généré par les autres particules. La Sec.2.2.1 décrit plus en détails le modèle complètement cinétique le plus utilisé, c’est-à-dire la description cinétique de Vla-sov. En pratique, ce modèle est cependant particulièrement lourd, ce qui limite son utilisation. À l’inverse, la Magnéto-Hydro-Dynamique (MHD), développée dans la Sec.2.2.3, permet de modéliser les plus grandes échelles, au prix d’hypothèses plus fortes. Dans ce cas-là, le plasma est décrit comme un unique fluide magnétisé et seuls les moments de ses fonctions de distributions sont modélisés, ce qui impose des échelles où les effets individuels des particules ne sont plus pris en compte.

Un système d’équations indépendantes est dit ouvert s’il possède plus d’incon-nues que d’équations. En plasmas astrophysiques, un tel système ne peut pas être résolu en l’absence de collisions, qui ajoutent une contrainte. Les équations fluides forment un système ouvert. Pour être résolues, elles nécessitent donc une relation de fermeture, c’est-à-dire une équation choisie plus ou moins arbitrairement et per-mettant d’avoir autant d’équations que d’inconnues. Le choix de cette relation a des conséquences importantes sur les résultats des simulations. Entre les modèles cinétiques et MHD existent plusieurs autres modèles, nécessitant des d’hypothèses moins fortes que celles de la MHD, mais plus abordables, en terme de puissance de calcul nécessaire, que la description totalement cinétique. Nous y trouvons la re-présentation multi-fluides, qui traite les différents éléments du plasma (électrons, protons, ...) comme autant de fluides distincts, où encore les modèles hybrides cinétiques qui décrivent certaines espèces de façon cinétique et d’autres de ma-nière fluide (en général, ions cinétiques et électrons fluides). Le modèle hybride cinétique de Vlasov, par exemple, sera décrit dans la Sec.2.2.2. Pour plus de dé-tails concernant ces modèles, nous recommandons Goldston & Rutherford (1995), Baumjohann & Treumann (1997), Bellan (2008) ou encore Schindler (2006). Les échelles de validité des différents modèles sont résumées dans la Fig.2.1.