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II. L’ÉMERGENCE DES YERSINIA ET LES FACTEURS DE VIRULENCE

2. Le plasmide pYV

L’acquisition du plasmide pYV a été une étape importante dans l’évolution des Yersinia et sa

perte s’accompagne d’une diminution très forte de la virulence. En effet, les Y. enterocolitica non

pathogènes du biotype 1A ne possèdent pas ce plasmide. Chez Y. pseudotuberculosis, sa présence

classifie les souches comme pathogènes.

Cependant, même si les séquences des gènes du plasmide sont hautement conservées entre les

espèces, des réarrangements intraplasmidiques sont intervenus au cours de l’évolution des Yersinia

entéropathogènes (191). En effet, certains gènes comme yopM ou yadA n’ont pas la même orientation

chez Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis. Toutes les souches pathogènes de Y. pestis possèdent

le plasmide pYV qui est cependant légèrement différent par la présence des séquences d’insertions et de transposons.

1.1 Le système de sécrétion de type III

Le plasmide pYV code un système de sécrétion de type III appelé injectisome (figure 9). Il est composé des protéines Ysc (Yop secretion), de la protéine LcrV qui forment une « aiguille » à la surface de la bactérie, et des protéines de translocation Yops (Yersinia outer proteins, appelées ainsi car elles ont été initialement trouvées associées à la membrane externe) (192).

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Figure 9 : Le plasmide pYV de Y. enterocolitica W22703. Les gènes colorés en bleu codent les protéines Ysc, les gènes en orange codent les protéines utiles à la sécrétion, les gènes en orange codent les protéines de translocation, les gènes en jaune codent les protéines effectrices et leurs chaperonnes, et les gènes en vert sont impliqués dans la régulation de l’expression des gènes. D’après (193).

Les Yops transiteraient dans la cellule cible grâce au système de sécrétion de type III composé des protéines Ysc et de LcrV (figure 10). Cependant, le modèle de translocation des Yops par un système d’injectisome a été remis en question récemment et s’apparenterait plus au mécanisme de translocation des toxines AB avec la présence d’une protéine de translocation et une protéine effectrice (figure 11) (194).

Figure 10 : Modèle proposé pour la sécrétion des Yops par translocation de l’injectisome à la cellule cible. D’après (195).

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Figure 11 : Modèle proposé pour la sécrétion des Yops par translocation de type toxines AB avec la présence d’une protéine de translocation et une protéine effectrice. D’après (194).

Même si elle ne joue peut-être pas le rôle de seringue, la formation d’une aiguille reste nécessaire pour que la bactérie puisse s’ancrer à la cellule cible. De nombreuses protéines Ysc forment cette aiguille (figure 12) (192). Sa partie basale est composée d’une dizaine de protéines différentes. Certaines forment une structure d’anneaux se chevauchant entre la membrane cytoplasmique (YscDJ) et la membrane externe (YscC), d’autres constituent l’appareil d’export (YscRSTUV) et la partie cytosolique (une ATPase YscN, une protéine homologue à l’anneau C flagellaire, YscQ et deux protéines secondaires YscKL). La partie extracellulaire en forme d’aiguille est formée par la protéine YscF sous le contrôle des protéines chaperonnes YscE et YscP. Enfin à l’extrémité de cette aiguille, la protéine effectrice extracellulaire LcrV permet l’ancrage dans la membrane de la cellule eucaryote cible. Cette protéine possède également une activité anti-inflammatoire, notamment par l’utilisation d’interleukine-10 (IL-10), et empêche le recrutement des cellules de la réponse immunitaire et la formation de granulome en inhibant notamment le chimiotactisme des neutrophiles (196, 197). D’autres protéines (YscI, YscO, YscX, YscY) sont nécessaires même si leurs rôles restent encore imprécis (192, 198, 199).

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Figure 12 : Représentation schématique de l’injectisome du système de sécrétion de type III. D’après (192).

Les Yops sont des protéines effectrices intracellulaires qui agissent sur de nombreux paramètres cellulaires une fois entrées dans la cellule cible (200, 201). Elles induisent un réarrangement du cytosquelette d’actine afin de permettre à la bactérie d’échapper à la phagocytose. Elles interfèrent avec la signalisation cellulaire et inhibent la libération de TNF-α. Elles inhibent également la réponse immunitaire innée en induisant l’apoptose des macrophages, cellules dendritiques, granulocytes et neutrophiles. La bactérie peut ainsi se maintenir dans le milieu extracellulaire (202). Six protéines effectrices ont été identifiées : YopE, YopH, YopJ/YopP, YopM, YopO/YpkA, et YopT (203). Pour que ces protéines effectrices soient délivrées dans la cellule cible, deux protéines de translocation YopB et YopD, ainsi que LcrV sont nécessaires (204). D’autres Yops ont des fonctions différentes. La protéine YopR est impliquée dans la sécrétion de YscF qui forme l’aiguille, alors que YopK/YopQ et YopN sont impliquées dans la régulation de la translocation des autres Yops (205, 206).

1.2 D’autres gènes du plasmide pYV

Le plasmide pYV contient le gène yadA qui code une adhésine produite à 37°C nommée

YadA et qui forme des structures fibrillaires à la surface des Yersinia entéropathogènes. Cependant, il

existe des différences entre YadA de Y. enterocolitica (YeYadA) et YadA de Y. pseudotuberculosis

(YpYadA) (207). Leurs poids moléculaires sont différents et elles se lient à des composants distincts de la matrice extracellulaire eucaryote (208). Ainsi, YeYadA se lie au collagène, à la fibronectine et la laminine alors que YpYadA se lie seulement à la fibronectine. De plus, si toutes deux permettent l’adhésion à différentes cellules comme les cellules épithéliales, les neutrophiles et les macrophages

56 par l’intermédiaire des intégrines de la famille ß1, YpYadA permet l’invasion de ces cellules contrairement à YeYadA (209). Pour des raisons inconnues, elle semble jouer un rôle majeur dans la

virulence de Y. enterocolitica, mais pas dans celle de Y. pseudotuberculosis (210). YadA joue

également un rôle dans le blocage de l’immunité innée de l’hôte en agissant sur le système du complément. Elle est aussi nécessaire à l’auto-agglutination des bactéries et joue un rôle dans le positionnement de l’injectisome qui permet à la bactérie de délivrer les Yops (211). Cependant chez

Y. pestis, yadA est un pseudogène qui code une protéine tronquée dont le rôle n’est pas défini (212).

Un gène appelé ylpA est également présent sur le plasmide. Il code une lipoprotéine qui ne

semble pas avoir de rôle dans la virulence des Yersinia (213). Chez Y. pestis, le gène est présent mais

possède une mutation qui crée un décalage du cadre de lecture et entraine un arrêt prématuré de la transcription (214).