• Aucun résultat trouvé

1.5. Traitement

2.3.1. Les plaquettes activées

Deux biomarqueurs vont être détaillés dans cette section : le complexe GpIIb/IIIa et la P-sélectine. Ils sont tous les deux exprimés sur les plaquettes uniquement dans leur état activé (voir section 1.3.2).

2.3.1.a. Le complexe GpIIb/IIIa

Expression dans le thrombus

La glycoprotéine GpIIb/IIIa, ou intégrine αIIbβIII, est exprimée exclusivement par les plaquettes et change de conformation sur les plaquettes activées. Une plaquette présente environ 80 000 de ces molécules à sa surface [121].

Ligands

Le fibrinogène est le principal ligand de cette intégrine. Cette dernière fait partie d’une famille d’intégrines qui possèdent un site de reconnaissance du motif tripeptidiques RGD (L-Arginine/Glycine/Acide L-aspartique) [122]. La séquence RGD peut être modifiée pour être spécifique de l’intégrine cible, notamment par cyclisation (RGD cyclique) [123]. De cette façon, des antagonistes du complexe GpIIb/IIIa ont été mis au point et sont utilisés en clinique depuis de nombreuses années pour diminuer l’agrégabilité plaquettaire [124]. Les stratégies thérapeutiques élaborées à partir de peptides RGD modifiés sont nombreuses dans le domaine de la nanomédecine et des biomatériaux [125]. Des anticorps ont également été mis au point pour reconnaître et lier le complexe GpIIb/IIIa [126].

2.3.1.b. La P-sélectine plaquettaire

Expression dans le thrombus

La P-sélectine plaquettaire est fortement exprimée dans le thrombus, d’abord à l’interface endothélium-plaquettes puis dans le thrombus lui-même au fur et à mesure du recrutement plaquettaire (Figure 3). La P-sélectine est également exprimée par les cellules endothéliales. La densité plaquettaire est 10 fois plus élevée que la densité endothéliale avec environ 10 000 molécules de P-sélectine par plaquette stimulée [127].

Ligands

Pour comprendre les différents ligands possibles de la P-sélectine, il est nécessaire de donner quelques informations sur la famille des sélectines. La P-sélectine appartient à une famille de trois glycoprotéines transmembranaires ; la E-, la L- et la P-sélectine (E pour endothélium, L pour leucocyte et P pour plaquettes). La E-sélectine est exprimée par les cellules endothéliales activées, plusieurs heures après leur stimulation. La L-sélectine est exprimée sur tous les granulocytes et monocytes et sur la plupart des lymphocytes. Le site de liaison entre ces trois sélectines et leurs ligands naturels est le Sialyl Lewis X (SLex). Le SLex est un tétrasaccharide carbohydrate qui contient notamment des fucoses et des groupements sulfates [128]. D’autres groupements schématisés sur la Figure 15 assurent la spécificité des interactions entre les sélectines et leurs ligands [129].

Figure 15. Spécificité des ligands des différentes sélectines.

Deux types de ligands de la P-sélectine ont été développés :

- les ligands protéiques (anticorps, peptides ou fragments peptidiques). En particulier un anticorps monoclonal, l’inclacumab, a été testé avec succès en essai clinique pour diminuer le risque de thrombose et d’inflammation après les interventions coronariennes invasives [131]. Son affinité pour la P-sélectine est de l’ordre du nanomolaire et est 3 000 fois plus importante que pour les sélectines E- et L- [132] (Tableau 2).

- les ligands saccharidiques naturels ou synthétiques. Le ligand principal de la P-

sélectine est la glycoprotéine PSGL-1 exprimée sur la membrane des leucocytes. La reconnaissance implique le SLex et trois résidus de tyrosine sulfatés dans le squelette de la protéine [133] (Figure 15). Le PSGL-1 peut également lié la E-sélectine [133]. Outre le PSGL-1, des études ont montré que des composés synthétiques qui miment le SLex, ainsi que des oligosaccharides sulfatés et des polysaccharides sulfatés sont capables d’interagir avec la P-sélectine [134]. Dans le cadre de précédents travaux de l’équipe Bio-ingénierie cardiovasculaire du LVTS, les interactions de différents polysaccharides sulfatés de bas poids moléculaire (fucoïdane, héparine et dextrane sulfate) avec la P-sélectine ont été comparées. Il a ainsi été démontré par résonance plasmonique de surface que le fucoïdane : i) empêche la liaison de la P-sélectine au Sialyl Lewis X avec un IC50 de 20 nM (contre 400 nM pour l'héparine et > 25 000 nM pour le dextrane sulfate), ii) présente une grande affinité de liaison pour la P-sélectine immobilisée avec une constante d’association de 1,2 nM, iii) forme un complexe avec la P-sélectine. De plus, il est démontré que le fucoïdane entre en compétition avec un anticorps anti-P-sélectine lors de l’interaction avec des plaquettes activées et que cette interaction dépend du niveau d'activation plaquettaire [135] (Tableau 2). Le fucoïdane interagit donc avec les plaquettes activées spécifiquement par la P-sélectine.

Ligand Constante d’affinité Avantages Inconvénients Réf.

Anticorps ~1 nM Forte affinité

Spécificité

Coût

Risque immunogène [132]

SLex et analogues ~100 µM Structure simple Peu sélectif [128]

PSGL-1 ~300 nM Bonne affinité Sélectivité Coût Risque immunogène [135] Fucoïdane ~1 nM Forte affinité Faible coût

Sans risque immunogène

Sources multiples : relation structure-fonction non établie

Spécificité

[135]

Tableau 2. Ligands potentiels de la P-sélectine.

De part sa constante d’affinité et son faible coût, le fucoïdane est donc un ligand très intéressant. Toutefois, deux paramètres majeurs sont à contrôler. Premièrement, il est difficile d’obtenir un fucoïdane standard et d’établir un lien structure-fonction en raison de la multiplicité des sources de fucoïdane. Ainsi, cette molécule peut être extraite de plus de 70 espèces d’algues brunes dont : ascophylum nodosum et fucus vesiculosis. Elle se retrouve également chez des animaux marins invertébrés tels que les concombres de mer et les oursins [136]. Sa composition et sa structure chimique sont extrêmement variables d’une espèce à l’autre et dépendent même des conditions de croissance de l’espèce [137]. Une structure commune à tous les fucoïdanes est toutefois identifiée : ils sont composés de 50 à 90% de L-fucose, de 35 à 45% de sulfates et de moins de 8% d’acide uronique [138]. D’autres monosaccharides ont également été mis en évidence, comme le galactose et le mannose. Une structure simplifiée du fucoïdane est représentée sur la Figure 16. Outre la présence de fucoses et de sulfates, qui miment la structure du SLeX, l’incidence de sa composition en monosaccharides sur son affinité avec la P-sélectine n’est pas élucidée. Il a été démontré que modifier les proportions des différents composés a une influence sur son affinité pour la P-sélectine et sa biodistribution [63]. Il est donc important de connaître la source et les méthodes d’extraction du fucoïdane avant de l’utiliser. Deuxièmement, il a été rapporté que certains fucoïdanes interagissent également avec la L-sélectine [139]. La sélectivité de l’interaction fucoïdane/P-sélectine est donc à évaluer avant la conception de systèmes dirigés contre la P-sélectine.

Figure 16. Structure simplifiée du fucoïdane.

Cette molécule est composée d’un enchaînement linéaire d’unités fucoses dont certaines présentent des groupements sulfates substitués (entourés en rouge). Des ramifications d’unité fucoses sont également décrites.

Documents relatifs