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Certaines plantes sont-elles capables de prendre le contrôle de la dénitrification ?

CHAPITRE 1 SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE : LES INTERACTIONS ENTRE PLANTES

III. De la spécificité dans les interactions entre plantes et communautés/groupes fonctionnels

3. Certaines plantes sont-elles capables de prendre le contrôle de la dénitrification ?

a. La dénitrification

La dénitrification désigne la réduction du nitrate (NO3) en nitrite (NO2) puis en oxyde nitreux et en di-nitrogène (N2). Ce processus intervient en anaérobiose ou à faible concentration en

oxygène. Les dénitrifiants utilisent les formes d’azote oxydées comme accepteurs terminaux d’électrons dans leur chaîne respiratoire en remplacement du dioxygène (O2) (McDevitt et al., 2000). Ainsi, la dénitrification peut être considérée comme une forme de respiration alternative (Encadré 5).

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Encadré 5: Les chaînes respiratoires et les bactéries

Les chaînes respiratoires se retrouvent chez tous les êtres vivants. Elles conditionnent le

fonctionnement des organismes en assurant l’apport énergétique nécessaire à la réalisation de l’ensemble des réactions du métabolisme des cellules vivantes. Ces chaînes respiratoires se retrouvent notamment chez les bactéries chez lesquelles elles présentent une certaine similarité (Poole & Cook, 2000).

Les chaînes respiratoires sont composées d’un ensemble d’enzymes transmembranaires

ancrées dans la membrane plasmique. Ces enzymes vont permettre de ré-oxyder les coenzymes, nicotinamide adénine dinucléotide (NAD+) et ubiquinone (Coenzyme-Q), réduits lors du cycle de Krebs. Le transport d’électrons le long de la membrane plasmique jusqu'à un

accepteur terminal est le moteur de ces oxydations. Chez les bactéries il existe une grande

diversité d’oxydases couplées à une grande diversité de cytochromes. De manière simplifiée

les cytochromes assurent le transport des électrons et vont fournir l’énergie aux oxydases pour l’oxydation des coenzymes. Ces réactions entraînent une sortie de proton H+ vers l’espace périplasmique et donc l’établissement d’un gradient transmembranaire. Le rééquilibrage de ce gradient est assuré par des ATP-synthases. L’entrée de protons H+ dans le cytoplasme à travers les ATP-synthase permet ainsi la phosphorylation de l’Adénosine monophosphate

(AMP) et l’adénosine diphosphate (ADP) en adénosine triphosphate (ATP) la principale

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Figure 13 : Schéma simplifié de la chaîne respiratoire aérobie bactérienne.

La première forme de respiration mise en évidence fut la respiration aérobie utilisant le

dioxygène comme accepteur terminal d’électron. Les formes de respiration découvertes par la

suite se sont définies en opposition avec la respiration aérobie étant toutes répertoriées dans la catégorie de respiration anaérobie. Parmi elles on retrouve la respiration fer, la respiration nitrate (dénitrification), la respiration sulfate (sulfato-réduction), la respiration soufre (sulfo-réduction), la respiration carbonate (acétogénèse et méthanogénèse)et la respiration fumarate. La métanogènese, la sulfato-réduction et la dénitrification sont les plus connues et leurs accepteurs terminaux d’électrons sont respectivement le dioxyde de carbone (CO2), l’ion

sulfate (SO42-) et l’ion nitrate (NO3-). Parmi ces trois respirations anaérobies, la dénitrification

prend une part importante dans le cycle de l’azote comme mentionné précédemment.

La dénitrification (i.e. chaine respiratoire anaérobie) se décompose en quatre étapes (Fig. 9), la réduction du NO3 en nitrite (NO2), du NO2 en oxyde nitrique (NO), puis du NO en oxyde nitreux (N2O) et enfin du N2O en N2 (Both et al., 2006).

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Figure 14 : Schéma des étapes de la dénitrification et localisation des enzymes.

La réduction du nitrate est associée à deux enzymes homologues, la nitrate réductase transmembranaire (Nar) et la périplasmique (Nap), respectivement codées par les gènes narG

et napA (cette dernière n’étant pas présente chez tous les dénitrifiants). Selon les

microorganismes, la réduction du nitrite fait intervenir deux nitrites réductases l’une couplée à

du cuivre et l’autre au cytochrome cd1. Elles sont codées par des gènes différents,

respectivement nirK et nirS. La NO-réductase est une enzyme transmembranaire codée par le gène norB. (Wallenstein et al., 2006). Enfin, la N2O-reductase est une enzyme périplasmique codée par le gène nosZ (Khalil, 2003). Cette dernière est inhibée par le dithionite, le

monoxyde de carbone et l’acétylène (Paccard, 1995) (Fig. 14).

b. Régulation de la dénitrification

La dénitrification est une fonction inductible qui nécessite donc des conditions favorables

pour s’exprimer. Les facteurs de régulation qui interviennent directement sur cette fonction,

facteurs qualifiés de proximaux, sont l’oxygène, ainsi que la disponibilité en azote oxydé et en substrat carboné. La disponibilité en substrat organique est, après l’aération, le principal

facteur de régulation de la dénitrification dans les sols. En effet, les bactéries dénitrifiantes sont en majorité hétérotrophes, elles tirent leur énergie de l'oxydation des matières organiques

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(organotrophes) (Bothe et al., 2006). Une minorité peut aussi être autotrophe et oxyder des composés minéraux (chimiolithotrophes) (Bothe et al., 2006).

c. Les dénitrifiants

Les bactéries dénitrifiantes représentent la majorité des organismes dénitrifiants bien que certains champignons (Shoun et al., 1992) et archées (Philippot, 2002) soient capables de réaliser ce processus. Les dénitrifiants regroupent un grand nombre de taxa phylogénétiquements différents dont beaucoup ne sont pas capables de réaliser la chaîne complète (Wallenstein et al., 2006).

d. L’inhibition de la dénitrification ?

La nitrification et la minéralisation sont considérées comme les étapes limitantes du cycle de

l’azote (Bothe et al., 2006). C’est probablement pourquoi, les études de contrôle biologique des processus du cycle de l'azote ont surtout portées sur ces deux processus et les effets des plantes sur les autres ont été sous-estimés. Ainsi, le principe d’inhibition biologique de la

dénitrification n’a jamais été soupçonné alors que la dénitrification est la principale voie

biologique de perte d’azote du sol (Both et al., 2006). Il est alors connu que la productivité des plantes va fortement dépendre du processus de dénitrification (van der Heijden et al., 2008).

L’émergence de la dénitrification (i.e.2.72 milliards d’année) et bien antérieure à l’émergence

des plantes terrestres (i.e. 530-560 millions d’années) (Thomazo et al., 2011). Alors que les champignons sont plus jeunes que les dénitrifiants (i.e.150 millions d’années), les plantes ont

fortement coévoluées avec eux donnant naissance aux mycorhizes. Ainsi, il est également probable que les plantes aient fortement coévoluées avec les dénitrifiants.

La pression de sélection basée sur la compétition pour le nitrate pourrait être d’autant plus

intense dans les milieux pauvres en azote et où la dénitrification est importante (i.e. milieux humides) guidant la coévolution entre ces deux entités. Les premières formes de plantes terrestres étaient très dépendantes à la présence d’eau dans les sols (Pirozynski & Malloch, 1975). Or, les sols saturés en eau sont des sites propices à de fortes pertes d’azote (i.e. N2O et N2) par dénitrification (Zumft, 1997; Bothe et al., 2006). Il est donc probable qu’aux prémices

de la vie terrestre pour les plantes, la compétition entre plantes et microorganismes dénitrifiants ait été très intense.

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Néanmoins, la dénitrification est un processus impliquant une grande diversité de bactéries à

l’échelle de la communauté. Il n’existe pas de processus type, ce qui laisse la communauté scientifique dubitative face à un éventuel contrôle de la dénitrification par les plantes, imputable à un « mécanisme spécifique et universel » à tous les dénitrifiants.

Les interactions entre microorganismes du cycle de l’azote et les plantes semblent fortes. L’instauration d’une spécificité d’interaction comme le BNI entre certaines plantes et

certaines communautés du cycle de l’azotedémontre que la spécificité d’interaction n’est pas

réservée uniquement aux relations symbiotiques ou pathogéniques. Ceci laisse entrevoir la capacité de certaines plantes à « prendre le contrôle du cycle de l’azote » pour influer sur leur propre développement , en ciblant spécifiquement une communauté compétitrice.

IV. « Ces prises de contrôle » par les plantes, les